AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Marcel, Louis Y..., viticulteur, demeurant et domicilié domaine d'Alboretto à Linguizetta (Haute-Corse),
en cassation d'un arrêt rendu le 7 avril 1986 par la cour d'appel de Bastia, au profit de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Corse dont le siège social est ...,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, a l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 29 octobre 1990, où étaient présents : M. Camille Bernard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Zennaro, conseiller rapporteur, M. Massip, conseiller, Mme Flipo, avocat général, Mle Ydrac, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Zennaro, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat de M. Y..., de Me Ryziger, avocat de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Corse, les conclusions de Mme Flipo, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, par acte du 5 mars 1980, la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Corse (la caisse) a assigné M. Robert Y... en paiement de la somme de 199 090,05 francs, outre celle de 57,19 francs par jour à compter du 16 janvier 1980 au titre des intérêts conventionnels de retard, représentant le montant de deux prêts à court terme consentis le 20 juin 1985 à sa mère, Jeanne X..., décédée, dont il était le seul héritier ; que M. Y... a contesté devoir cette somme au motif qu'il s'agissait de prêts destinés à rembourser des prêts à moyen terme contractés antérieurement auprès de cet établissement bancaire en fonction de la mise en oeuvre de mesures relatives aux dettes des rapatriés d'Afrique du Nord et qu'en définitive, ni sa mère ni lui n'avait jamais reçu d'avis de réalisation des dits prêts à court terme, son compte bancaire n'ayant jamais été crédité de leur montant ni débité des annuités échues ; qu'après avoir ordonné une expertise, le tribunal a fait droit à la demande de la caisse ;
Attendu que M. Y... reproche à l'arrêt attaqué (Bastia, 7 avril 1986) d'avoir confirmé la décision des premiers juges de ce chef, alors, selon le moyen, qu'en ne répondant pas à ses conclusions d'appel par lesquelles il avait fait valoir, d'une part, qu'il y avait contradiction entre les relevés de compte, de valeur contractuelle, et les tableaux informatiques de la caisse, documents purement internes inopposables à l'emprunteur, et, d'autre part, qu'en procèdant à un jeu d'écritures intérieures à la fin de l'année 1978, pour tenter de substituer rétroactivement une dette à
court terme particulièrement onéreuse à une partie d'une dette à moyen terme dont l'exigibilité était suspendue, la banque avait reconnu la non-réalisation des prêts à court terme litigieux, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure
civile ;
Mais attendu que les juges du second degré, qui n'étaient pas tenus de suivre M. Y... dans le détail de son argumentation, ont, en adoptant les motifs du tribunal qui avait estimé, au vu du rapport d'expertise, que la preuve de la réalisation des prêts contestés était rapportée, relevé que l'expert ne s'était pas appuyé sur le seul "inventaire mensuel nominatif des prêts avec anomalies" constituant l'état informatique arrêté au 29 février 1984, mais également sur d'autres documents "n° 6 à 11" relatifs au "remboursement des prêts" établis le 31 juillet 1975, dont l'addition des sommes qui y sont portées correspond au montant total net des prêts à court terme litigieux (soit 127,170 francs) et montre ainsi leur imputation sur les annuités non remboursées des prêts à moyen terme ; que la cour d'appel a également retenu par motifs adoptés que M. Y... ne pouvait se prévaloir de correspondances qui n'avaient aucune valeur comptable, que l'état informatique présenté par la caisse ne faisait que récapituler la situation comptable de l'intéressé et venait simplement conforter les documents "n° 6 à 11" et que, M. Y... ayant admis qu'il n'avait pas personnellement remboursé les sommes ressortant des écritures de l'état informatique, l'expert avait considéré que la caisse avait procédé d'office au remboursement d'une partie des prêts à moyen terme en y affectant les deux prêts à court terme litigieux ; qu'elle a ainsi répondu aux conclusions invoquées ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS ;
REJETTE le pourvoi ;
! Condamne M. Y..., envers la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Corse, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé à l'audience publique du quatre décembre mil neuf cent quatre vingt dix, conformément à l'article 452 du nouveau Code de procédure civile.