LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE,
a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société anonyme Gérard Lhote, dont le siège est ... (Seine maritime),
en cassation d'un jugement rendu le 7 janvier 1987 par le conseil de prud'hommes de Rouen (Section industrie), au profit de M. Patrice Y..., demeurant à Bonsecours, Mesnil-Esnard (Seine maritime), ...,
défendeur à la cassation ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 3 octobre 1990, où étaient présents :
M. Cochard, président, M. Benhamou, conseiller rapporteur, M. Lecante, conseiller, MM. Bonnet, Laurent-Atthalin, Mme Pams-Tatu, conseillers référendaires, M. Ecoutin, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Benhamou, les conclusions de M. Ecoutin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le moyen unique :
Attendu que la société Gérard Lhote fait grief au jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Rouen, 7 janvier 1987) de l'avoir condamnée à payer à M. Y..., qu'elle avait embauché le 18 juin 1985 et qu'elle a licencié le 2 juillet 1986, une certaine somme à titre d'indemnité pour licenciement abusif, alors, selon le pourvoi, que, d'une part, le fait par la société Lhote, pour réintégrer son ancien salarié M. X..., qui rentrait du service national et qui demandait sa réintégration en application de l'article L. 122-8 du Code du travail, d'être dans l'obligation de licencier son remplaçant M. Y..., ne constitue pas une faute dans l'exercice de son droit de congédiement à l'égard du remplaçant, mais constitue au contraire un motif légitime de licenciement justifiant la décision prise ; alors que, d'autre part, l'employeur pouvait parfaitement embaucher par contrat à durée indéterminée M. Y... dès lors qu'il ne pouvait savoir, lors de cette embauche en remplacement de M. X..., si celui-ci réclamerait sa réintégration et, dans le cas où il le ferait, à quelle date il formulerait sa demande ; et alors, enfin, qu'il n'est pas aisé de savoir si le conseil de prud'hommes a accordé au salarié des dommages-intérêts pour rupture abusive ou pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dès lors que le jugement énonce, pour octroyer à M. Y... une "indemnité pour licenciement abusif" que "les éléments contenus dans le dossier démontrent qu'il n'y avait aucune cause réelle et sérieuse de licenciement" ; qu'ainsi, le conseil de prud'hommes n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil ; qu'en outre, en n'énonçant pas de façon compréhensible les moyens de la société Lothe et en dénaturant ainsi les conclusions déposées par
celle-ci, il a violé les articles 1134 du Code civil et 455 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu qu'après avoir rappelé les dispositions du Code du travail autorisant l'embauche par un contrat à durée déterminée d'un salarié en remplacement d'un autre salarié temporairement absent pour cause de service national, le conseil de prud'hommes, qui a constaté que M. Y... avait été engagé par un contrat à durée indéterminée, a, par une appréciation souveraine des éléments qui lui étaient soumis, décidé, dans l'exercice du pouvoir qu'il tient de l'article L. 122-14-3 du Code du travail, par une décision motivée et sans encourir les griefs articulés
dans le moyen, que le licenciement de M. Y... ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse et présentait donc un caractère abusif justifiant l'octroi à l'intéressé d'une "indemnité pour licenciement abusif" ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;