LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1°) M. Maurice Y...,
2°) Mme Marie-Josèphe Z..., épouse Y...,
demeurant tous deux "Le Bas Feugerolles", commune de Saint-Pierre des Landes à Ernée (Mayenne),
en cassation d'un arrêt rendu le 22 septembre 1987 par la cour d'appel d'Angers (1re chambre A), au profit :
1°) de Mlle Solange A...,
2°) de Mme Anaïse X..., veuve de M. A...,
demeurant toutes deux "La Gérie", commune de Larchamps à Montaudin (Mayenne),
défenderesses à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 10 octobre 1990, où étaient présents :
M. Dutheillet-Lamonthézie, président, M. Burgelin, rapporteur, MM. Chabrand, Michaud, Deroure, Mme Dieuzeide, conseillers, MM. Bonnet, Mucchielli, conseillers référendaires, M. Tatu, avocat général, Mme Lagardère, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Burgelin, les observations de la SCP Rouvière, Lepitre et Boutet, avocat des époux Y..., de Me Vuitton, avocat des consorts A..., les conclusions de M. Tatu, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué (Angers, 22 septembre 1987), qu'à la suite d'un procès opposant Mmes A... à leurs fermiers, les époux Y..., plusieurs centaines de personnes s'étaient réunies dans la ferme exploitée par ceux-ci ;
qu'au cours de cette manifestation avait été promené, sur une pique, un mannequin représentant une femme et avaient été entonnés des chants valorisant la position des fermiers et dénigrant les propriétaires ;
que Mme et Mlle A... ont assigné M. et Mme Y... pour avoir réparation du préjudice moral qui leur avait été ainsi causé ; Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors qu'en ne spécifiant pas sur quel fondement et sur la base de quel texte elle prononçait une condamnation, la cour d'appel aurait violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, d'autre part, en ne caractérisant pas une faute personnelle commise par M. ou Mme Y..., à qui ne sont imputés ni le chant ni l'effigie, et dont il n'est pas prouvé qu'ils aient été les
organisateurs de la manifestation, la cour d'appel aurait violé l'article 1382 du Code civil ;
alors qu'enfin, faute d'avoir caractérisé un lien de causalité entre les manquements propres des époux Y...
et le préjudice moral de Mmes A..., la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l'article 1131 du même code ; Mais attendu que la cour d'appel relève que le chant, l'effigie promenée au bout d'une pique, la présentation partiale des thèses en présence dans les procès qui opposaient Mmes A... aux époux Y..., au milieu d'un concours de foule donnant une impression de force et avec un maximum de publicité, impliquaient nécessairement, pour M. Y... qui, à l'origine de la manifestation dont il était le bénéficiaire, y avait joué, avec sa famille, un rôle actif, la volonté de ridiculiser, d'impressionner et d'intimider les propriétaires ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations d'où il résulte que la cour d'appel, en retenant que le succès et le retentissement de la manifestation faisaient partie des conséquences prévisibles de l'action de M. Y... et que celle-ci excédait largement ce qui est admissible dans le cadre de la liberté d'expression, s'est fondée sur l'article 1382 du Code civil et que les fautes des époux Y... avaient contribué au dommage de Mmes A..., l'arrêt échappe aux critiques du moyen ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;