AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1°/ M. Daniel Y..., demeurant ..., bâtiment 4,
2°/ Mme Catherine X... épouse Y..., demeurant ..., bâtiment 4,
en cassation d'un arrêt rendu le 18 février 1988 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), au profit de la société des Etablissements économiques du Casino Guichard-Perrachon et cie, société en commandite par actions, dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 25 septembre 1990, où étaient présents : M. Cochard, président, M. Saintoyant, conseiller rapporteur, MM. Guermann, Vigroux, Combes, Zakine, Ferrieu, Monboisse, conseillers, MM. Blaser, Aragon-Brunet, Mlle Sant, M. Fontanaud, conseillers référendaires, M. Graziani, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Saintoyant, les observations de la SCP Peignot et Garreau, avocat des époux Y..., les conclusions de M. Graziani, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Grenoble, 18 février 1988), que les époux Y... ont conclu le 16 mai 1983 avec la société Casino Guichard-Perrachon un contrat de co-gérance non salariée d'une succursale de maison d'alimentation de détail ; qu'un inventaire "de renseignements" a fait apparaître le 21 mai 1984 un manquant en marchandises et un manquant en emballages ; que cet inventaire a été notifié aux gérants le 5 juin 1984 ; que le 6 juin 1984, la société a dénoncé sans préavis le contrat de co-gérance et a fait procéder le même jour à un inventaire de reprise ; que pour obtenir le paiement du solde débiteur en résultant, elle a fait délivrer une injonction de payer à laquelle les époux Y... ont fait opposition ;
Attendu que les époux Y... font grief à l'arrêt d'avoir retenu l'existence de manquants en marchandises et emballages et de les avoir condamnés à payer un déficit en retenant les inventaires effectués par la société, alors, selon le moyen, que, d'une part, en application de l'article 13 de la convention collective nationale des maisons d'alimentation d'approvisionnement à succursales, dans sa rédaction applicable à l'espèce, les gérants disposent d'un délai d'un mois à compter de la notification des comptes fondés sur un inventaire, pour les examiner et formuler leurs observations, que ce délai doit leur être accordé en tout état de cause, et ne saurait à raison de son objet même leur être retiré au prétexte de prétendus manquants qu'ils doivent être mis en mesure de contester, si bien que l'arrêt attaqué n'a pu
admettre la prise en compte des inventaires dont il s'agissait qu'en violation de l'article 13 de la convention collective et du principe fondamental des droits de la défense ; alors que, d'autre part, la
cour d'appel a omis de répondre au moyen des écritures des gérants, selon lesquelles dans l'établissement de l'inventaire du 6 juin 1984, la société Casino s'était rendue coupable de véritables voie de fait, exclusives de l'utilisation de cet inventaire, et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, d'une part, la cour d'appel a relevé que les comptes de l'inventaire effectué contradictoirement le 6 juin 1984 avaient été remis aux époux Y... le 19 juillet 1984 par la société qui les avait informés qu'ils disposaient d'un délai d'un mois pour les examiner et présenter leurs observations ; que, d'autre part, répondant aux conclusions prétendument délaissées, la cour d'appel a relevé qu'il avait été procédé le 6 juin 1984 à un inventaire contradictoire avec les époux Y..., sous le contrôle d'un huissier de justice en présence des co-gérants reprenants et des inventoristes de la société ; que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, ne saurait être accueilli en la seconde ;
Sur le second moyen :
Attendu que les époux Y... reprochent encore à l'arrêt de les avoir condamnés à payer à la société Casino une somme à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, alors, selon le moyen, que les juges du fond, ne caractérisant pas la faute que les gérants auraient commise, n'ont pas donné de base légale à leur décision au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que les époux Y..., qui avaient relevé appel du jugement le 28 novembre 1985, avaient attendu le 27 juillet 1987 pour conclure à la réformation de cette décision et dit qu'il y avait lieu de rejeter une demande d'expertise comptable apparaissant comme une manoeuvre purement dilatoire, la cour d'appel, qui a confirmé le jugement, a ainsi caractérisé la résistance injustifiée des cogérants ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
! Condamne les époux Y..., envers la société Casino Guichard-Perrachon, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt cinq octobre mil neuf cent quatre vingt dix.