LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un août mil neuf cent quatre vingt dix, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire de MORDANT de MASSIAC, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général RABUT ; Statuant sur le pourvoi formé par :
A... Francis,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'AixenProvence, en date du 3 avril 1990, qui, dans la procédure suivie contre lui pour trafic de stupéfiants en récidive, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction rejetant sa demande de mise en liberté ; Vu le mémoire produit ; Sur le premier moyen de cassation pris de la d violation des articles 199, 216, 591 et 592 du Code de procédure pénale ; "en ce qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué qu'il a été prononcé à l'audience du 3 avril 1990 par Mme le président ; "alors que, devant la chambre d'accusation, les arrêts sont rendus, en présence du ministère public et du greffier, par les trois magistrats ayant instruit la cause et délibéré" ; Attendu qu'il ressort des mentions de l'arrêt attaqué qu'il a été rendu par "la chambre d'accusation... réunie en chambre du conseil à l'audience du 3 avril 1990, et que le président a donné lecture de la décision ; Attendu qu'en cet état l'arrêt n'encourt pas le grief allégué au moyen, qui doit dès lors être écarté ; Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 5 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 21 de la loi du 10 mars 1927, 144 et suivants, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ; "en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de mise en liberté de l'inculpé ; "aux motifs que l'inculpation fait encourir à celuici une peine supérieure à cinq années d'emprisonnement et que de lourdes présomptions pèsent sur lui qui résultent des explications données par Z..., Pietrzniuk et Jacqueline X... ; que l'information doit être poursuivie, que la confrontation entre l'inculpé et Z... doit intervenir dans un délai rapproché ;
qu'une mise en liberté serait de nature à permettre à l'inculpé, eu égard à sa personnalité telle que la révèlent les éléments du dossier, d'entraver par des pressions sur les témoins ou des concertations avec d'autres individus suspectés de participation au trafic dénoncé, le libre cours de la manifestation de la vérité ; que d'autre part le maintien en détention "apparaît s'imposer pour préserver l'ordre public du trouble persistant en raison de leur gravité causé par les faits poursuivis, attentatoires à la santé physique et morale d'autrui, notamment parmi la jeunesse d contemporaine pour laquelle ils participent d'un véritable fléau" ; que, sans attache professionnelle contraignante en France, A... qui s'était réfugié à l'étranger et n'a pu être appréhendé que sur mandat d'arrêt et qui a été antérieurement condamné, n'offre pas de garanties suffisantes de représentation et que sa détention est nécessaire pour assurer son maintien à la disposition de la justice ; qu'on ne saurait en l'espèce invoquer une violation des dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme alors que l'examende la procédure révèle que les investigations se sont poursuivies de manière continue sans qu'aucun retard inadmissible puisse être relevé eu égard à la complexité du dossier et que, précisément, les actes sollicités par la défense ont été organisés ; "alors, d'une part, qu'en vertu de l'article 5 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales toute personne arrêtée et détenue a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou libérée pendant la procédure ; que l'article 6-3 du même texte porte que l'accusé a le droit d'interroger les témoins à charge ; qu'en l'espèce, l'inculpé présumé innocent et placé sous mandat de dépôt le 25 août 1988 est détenu depuis près de deux ans et n'a jamais été confronté avec son accusateur, de sorte qu'il apparaît que sa détention dans de telles conditions a excédé le délai raisonnable prévu par le texte susvisé et qu'il appartenait à la chambre d'accusation de le reconnaître ; "alors d'autre part, que, compte tenu de la spécialité de l'extradition, l'inculpé ne peut être maintenu en détention que s'il est établi ou au moins s'il existe contre lui des charges suffisantes d'avoir commis sur le territoire de la République les infractions, en l'espèce les faits de trafic de stupéfiants, pour lesquels il a été extradé ; qu'il est constant que l'extradition de l'inculpé n'a été accordée que pour des faits de trafic de stupéfiants commis en France ; qu'en l'état des énonciations de l'arrêt attaqué qui font apparaître que les seuls faits de trafics de stupéfiants qui lui seraient prétendument imputables auraient été commis en Espagne et aux Etats-Unis, la détention de l'inculpé est illégale ; "alors enfin, qu'en se bornant à affirmer que la mise en liberté permettrait à l'inculpé, eu égard à sa personnlalité telle que la révèlent les éléments du dossier, d'entraver le libre cours de la
manifestation d de la vérité sans donner aucune précision sur ces éléments et que le maintien en détention apparaissait s'imposer pour préserver l'ordre public du trouble persistant causé par les faits poursuivis sans démontrer en quoi les faits reprochés à l'inculpé commis en 1984 sur le territoire américain pouvaient affecter six ans après l'ordre public français, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ; Attendu que, pour confirmer l'ordonnance ayant rejeté la demande de mise en liberté présentée par Francis A..., appréhendé en Belgique en exécution d'un mandat d'arrêt international, extradé en France et placé sous mandat de dépôt le 25 août 1988, la chambre d'accusation, après avoir analysé les charges pesant sur l'inculpé d'avoir participé à un trafic international de stupéfiants, a écarté à juste titre le moyen tiré par lui du principe de spécialité de l'extradition, en relevant qu'il n'incombe pas à la chambre d'accusation, saisie d'un appel sur un incident de détention, de fixer des limites aux investigations du magistrat instructeur ; Attendu qu'elle expose ensuite que l'information doit être poursuivie, qu'une confrontation entre l'inculpé et François Z..., détenu en Suisse, doit avoir lieu dans un délai rapproché, et que l'élargissement de Francis A... lui permettrait, eu égard à sa personnalité telle que la révèlent les éléments du dossier, d'entraver le libre cours de la manifestation de la vérité par des pressions sur les témoins ou une concertation avec d'autres individus suspectés de participations au trafic dénoncé ; qu'elle ajoute que, "sans attache professionnelle contraignante en France, A..., qui s'était réfugié à l'étranger et n'a pu être appréhendé que sur mandat d'arrêt, et qui a déjà été antérieurement condamné, n'offre pas, eu égard à la rigueur de la nouvelle répression qu'il encourt, de garanties suffisantes de représentation et que sa détention est nécessaire pour assurer son maintien à la disposition de la justice" ; qu'elle énonce enfin "qu'on ne saurait invoquer en l'espèce une violation des dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, alors que l'examen de la procédure révèle que les investigations se sont poursuivies de manière continue sans qu'aucun retard inadmissible ne puisse être relevé, eu égard à la complexité du dossier, et alors que précisément les actes sollicités par la défense ont été organisés" ; d Attendu que ces énonciations mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que les juges ont maintenu l'inculpé en détention en prononçant par une décision spécialement motivée, par référence aux dispositions de l'article 144 du Code de procédure pénale ; Qu'ainsi le moyen n'est fondé en aucune de ses branches et doit être écarté ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ;
Condamne le demandeur au dépens ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Où étaient présents :
M. Berthiau conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. de Mordant de Massiac conseiller rapporteur, MM. Angevin, Fontaine, Milleville, Guilloux, Carlioz, Culié conseillers de la chambre, M. Rabut avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;