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10/07/1990 | FRANCE | N°88-19475

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 10 juillet 1990, 88-19475


LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par Mme Jacqueline D..., née X..., demeurant à Paris (17e), ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 22 septembre 1988 par la cour d'appel de Caen (1re chambre, section B), au profit de Mme Anne-Marie C..., née Y..., demeurant à Bougival (Yvelines), ...,

défenderesse à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 12 juin 1990, où étaient présents :

M.

Camille Bernard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Bernard de Saint-A...

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par Mme Jacqueline D..., née X..., demeurant à Paris (17e), ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 22 septembre 1988 par la cour d'appel de Caen (1re chambre, section B), au profit de Mme Anne-Marie C..., née Y..., demeurant à Bougival (Yvelines), ...,

défenderesse à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 12 juin 1990, où étaient présents :

M. Camille Bernard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Bernard de Saint-Affrique, rapporteur, MM. Z...,

Zennaro, Thierry, Averseng, Lemontey, Gélineau-Larrivet, conseillers, M. Savatier, conseiller référendaire, Mme Flipo, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Bernard de Saint-Affrique, les observations de Me Foussard, avocat de Mme D..., de Me Copper-Royer, avocat de Mme C..., les conclusions de Mme Flipo, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Attendu que par testament du 8 novembre 1976, Jeanne B... a consenti treize legs particuliers dont un au profit de Mme C... ; que, par un codicille du 17 juillet 1979, elle a institué comme légataire universelle, au lieu et place de ses frères décédés, Mme X..., épouse D..., sa cousine et filleule ; que toutefois, par un autre testament du 3 juillet 1979, elle avait révoqué toute disposition antérieure, en instituant déjà comme légataire universelle Mme D..., qui a obtenu après son décès, survenu le 27 septembre 1979, une ordonnance d'envoi en possession en date du 26 octobre 1979 ; qu'un arrêt définitif du 18 juin 1982, statuant sur une action en délivrance de legs formée contre Mme D..., par les légataires particuliers figurant dans le testament précité du 8 novembre 1976, a dit que cet acte, tel que modifié notamment par le codicille du 17 juillet 1979, devait être exécuté en toutes ses dispositions, et que demeuraient maintenues les stipulations non contraires du testament du 3 juillet 1979 ; que la même décision a validé, en tant que de besoin, l'ordonnance d'envoi en possession rendue au profit de Mme D..., et estimé que la procédure d'appel diligentée par celle-ci ne revêtait pas un caractère abusif de nature à justifier la demande en dommages-intérêts formulée, de ce chef, à son encontre ; qu'après désistement d'un pourvoi en cassation contre cette décision, Mme D... a délivré, le 8 juillet 1983, le legs destiné à Mme C..., qui a dû régler à ce titre, le 29 février 1984, une pénalité de 40 000 francs à l'administration fiscale, pour retard

dans le règlement des droits d'enregistrement ; que l'arrêt attaqué a accueilli la demande en remboursement de cette somme, introduite par Mme C... contre Mme D... ; Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que Mme D... fait grief à la cour d'appel d'avoir repoussé l'exception de chose jugée dont elle s'était prévalue, du chef de la décision du 18 juin 1982, intervenue dans une première procédure l'ayant opposée à Mme C..., aux motifs que cette instance ne concernait pas les mêmes parties, comme intéressant plusieurs légataires à titre particulier, et ne portait pas sur un objet identique puisqu'elle tendait à la réparation du préjudice occasionné par la procédure elle-même, et non par ses suites, alors, selon le moyen, que, d'une part, ayant constaté que Mme C... était partie à la première procédure, la cour d'appel, en statuant comme elle a fait, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et alors, d'autre part, que le fait par l'arrêt définitif du 18 juin 1982, d'avoir admis la "non responsabilité" de Mme D..., s'imposait définitivement entre les parties, et s'opposait à ce qu'une faute puisse être retenue à son encontre, quand bien même les préjudices en cause auraient été distincts, de telle sorte que l'arrêt attaqué a violé l'article 1351 du Code civil ; Mais attendu qu'après avoir relevé que l'arrêt définitif du 18 juin 1982, auquel Mme D... et Mme C... étaient toutes deux parties, avait rejeté une demande en dommages-intérêts pour abus de procédure, la cour d'appel a constaté que le dommage, dont Mme C... réclamait réparation à Mme D..., avait pris naissance postérieurement à cet arrêt, du fait de la délivrance tardive du legs dont elle était bénéficiaire, de sorte que la nouvelle action tendait à la réparation d'un élément de préjudice différent de celui ayant donné lieu à la décision précitée, et n'avait pas le même objet ; qu'elle a donc admis à bon droit que l'autorité de la chose jugée ne pouvait être opposée en l'espèce ; que dès lors, abstraction faite du motif erroné mais surabondant que critique le moyen en sa première branche, l'arrêt attaqué est légalement justifié ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ; Mais sur le second moyen :

Vu l'article 1016, alinéa 2, du Code civil, ensemble les articles 1706-6° et 1707 du Code général des Impôts ; Attendu, selon le premier de ces textes, que s'il n'en a été autrement ordonné par le testament, les droits fiscaux se rapportant à un legs particulier sont dus par le légataire ; qu'il résulte du second que le légataire est en tout état de cause seul redevable, à l'égard de l'administration, de ces droits, lesquels sont seulement exigibles à compter de la décision judiciaire validant la libéralité dont ils procèdent, lorsque celle-ci est

contestée dans son principe ; qu'enfin, selon le troisième, le retard apporté à la délivrance d'un legs pour quelque cause que ce soit ne permet pas au redevable de différer le paiement des droits y afférents, lorsque ceux-ci sont devenus exigibles à son égard, sauf à se pourvoir en restitution, s'il y a lieu ; Attendu que, pour condamner Mme D... à dédommager Mme C... du montant de l'intégralité des pénalités de retard réclamées par l'administration, aux titres de droits fiscaux se rapportant au legs particulier dont cette dernière était bénéficiaire dans la succession de Jeanne B..., la cour d'appel a d'abord relevé que, par suite de son envoi en possession du 26 octobre 1979, A... Richard se trouvait saisie, comme légataire universelle, de tous les biens successoraux jusqu'à ce que soit délivré à Mme C... le legs lui revenant, et qu'en conséquence elle devait règler en temps utile tous les droits fiscaux concernant l'ensemble de ces biens ; qu'elle a ensuite retenu que la contestation soulevée par Mme D... sur la validité de la libéralité litigieuse, était la cause directe et exclusive du retard apporté à la liquidation de ces droits ; qu'elle en a déduit qu'il ne pouvait être reproché à la bénéficiaire du legs particulier, de ne pas avoir réglé dans les délais légaux une dette fiscale portant sur des droits non définitivement consacrés à son profit, dès lors qu'ils faisaient l'objet d'une contestation de la part de la légataire universelle, qui devait, dans ces conditions, assumer les conséquences financières de ce retard ; Attendu qu'en se déterminant par ces motifs, alors qu'en vertu des dispositions légales, ci-dessus énoncées, Mme D... ne pouvait être tenue, en aucun cas, au règlement de droits de mutation afférents à un legs particulier dont elle n'était pas bénéficiaire, et dont le paiement était seulement exigible de la légataire, à compter de la date à laquelle une décision, passée en force de chose jugée, avait validé cette libéralité contestée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 septembre 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ; Condamne Mme C..., envers Mme D..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Caen, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix juillet mil neuf cent quatre vingt dix.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 88-19475
Date de la décision : 10/07/1990
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

(Sur le premier moyen) CHOSE JUGEE - Identité d'objet - Responsabilité d'un légataire universel - Première décision rejetant une demande de dommages intérêts pour abus de procédure - Action nouvelle en réparation pour délivrance tardive d'un legs.

(Sur le second moyen) TESTAMENT - Legs - Legs particulier - Droits d'enregistrement - Charge - Exigibilité - Décision judiciaire validant la libéralité - Délivrance du legs avec retard - Effet.


Références :

(1)
(2)
CGI 1706-6, 1707
Code civil 1016
Code civil 1351

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 22 septembre 1988


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 10 jui. 1990, pourvoi n°88-19475


Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1990:88.19475
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