AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Alsacienne de Constructions Mécaniques (SACM), société anonyme, dont le siège est ... (Haut-Rhin) représentée par ses représentants légaux en exercice domiciliés audit siège,
en cassation d'un arrêt rendu le 5 février 1988 par la cour d'appel de Colmar (2ème chambre), au profit de la Saudi International For Agencies and Commerce (SIACO), dont le siège est à Jeddah (Arabie Saoudite) PO Box 3167, pris en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés audit siège,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 13 juin 1990, où étaient présents : M. Camille Bernard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Lemontey, rapporteur MM. Massip, Zennaro, Bernard de Saint-Affrique, Averseng, Gélineau-Larrivet, conseillers, M. Savatier, conseiller référendaire, Mme Flipo, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Lemontey, les observations de Me Choucroy, avocat de la société Alsacienne de Construction Mécaniques et de la SCP Riché, Blondel, Thomas-Raquin, avocat de la SIACO, les conclusions de Mme Flipo, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que la société alsacienne de construction mécaniques de Mulhouse (SACM) a conclu en 1974 avec le gouvernement saoudien un contrat de fourniture de groupes électrogènes destinés à équiper des aéroports ; que la société Saudi international for agencies and commerce (SIACO), par l'intermédiaire de laquelle le marché a été passé, a réclamé à la SACM le solde restant dû sur la commission, convenue le 9 avril 1974, de 15 % du montant de ce marché ; que l'arrêt attaqué (Colmar, 5 février 1988) a accueilli cette demande ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches, tel qu'il est énoncé au mémoire en demande et reproduit en annexe :
Attendu que sous couvert du grief non fondé de contradiction de motifs, le moyen reproche vainement, en sa première branche, une dénaturation de la teneur de la réglementation saoudienne des soumissions publiques qui était exclue en présence de termes ambigus pouvant aussi bien exprimer un exemple qu'une énumération, ce qui nécessitait une interprétation ; que la critique de la deuxième branche est dénuée de toute portée ;
Sur la troisième branche du même moyen :
Attendu qu'il est aussi reproché à la cour d'appel d'avoir privé sa décision de base légale un regard des articles 1131, 1133 et 1134 du Code civil en
n'ayant pas recherché, comme il était demandé, si dans le droit saoudien comme dans le droit français, l'illicéité de la cause n'était pas de nature à faire annuler la convention d'agence d'affaires conclue avec un étranger sans que celui-ci ait à justifier d'un préjudice découlant de l'inobservation d'une disposition d'ordre public de la loi saoudienne, à savoir le décret
royal prescrivant l'inscription de l'intermédiaire au registre au commerce, alors qu'il avait intérêt à poursuivre l'annulation de cette convention ;
Mais attendu que si la cour d'appel a énoncé "qu'en admettant que le décret royal du 31 décembre 1977, en vertu d'un effet rétroactif, soit applicable à une convention conclue en 1974, il apparaît que la SACM, qui n'invoque aucun préjudice découlant du défaut d'inscription de la SIACO au registre du commerce, ne peut s'en prévaloir", elle a, en outre, expressément considéré dans la suite de sa décision que ce décret, postérieur à la convention liant les parties, n'était pas applicable en la cause ; que dès lors, elle n'avait pas à répondre à un moyen inopérant et que le motif de sa décision tiré de l'absence de préjudice doit être tenu pour surabondant ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il est reproché à la cour d'appel d'avoir considéré comme licite le principe de la
commission convenue de 15 % aux motifs que la réglementation de la COFACE, qui limite à 10 % du contrat la garantie assurée des commissions n'était pas applicable, et que le décret royal de 1977 édictant un plafonnement de 5 %, "outre qu'il peut être sujet à interprétation", n'était pas davantage applicable en raison de sa date alors, selon le moyen, d'une part, que l'arrêt attaqué n'est, en réalité, pas motivé sur la non-application du décret qu'il n'a pas interprété et dont l'effet rétroactif est nié en contradiction avec le même effet précédemment admis sur l'inscription au registre du commerce ; et alors, d'autre part, que
faute d'avoir recherché, comme il lui était demandé, si eu égard à la règlementation de la COFACE et au décret saoudien, fussent-ils non applicables en eux-mêmes, le taux de commission de 15 %, n'était pas manifestement excessif et devait donc être réduit, ce qui est licite en droit français et pouvait l'être aussi en droit saoudien, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1164 de Code civil ;
Mais attendu, d'abord et ainsi qu'il a été déjà répondu au premier moyen, que l'arrêt attaqué a écarté l'application du décret saoudien de 1977 comme étant postérieur à la convention des parties ; qu'ensuite, il résulte des conclusions d'appel produites que la SACM ne sollicitait la réduction judiciaire du montant de la commission qu'au regard des prestations fournis par la SIACO dont l'arrêt a, cependant, retenu la réalité ; qu'ainsi, la cour d'appel, dont la décision est suffisamment motivée et exempte de contradiction, n'avait pas à faire une recherche sur le droit étranger qui ne lui était pas demandée ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la SACM fait enfin grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que la somme de 100 000 rials saoudiens, virée le 22 novembre 1976 au compte de la SIACO, l'avait été en remboursement de frais supplémentaires et ne pouvait donc être imputée sur le montant de la commission réclamée par la SIACO, alors que la cour d'appel n'aurait pas recherché, comme l'avaient fait les premiers juges et l'y invitaient les conclusions, si la prétendue note de frais
supplémentaires invoquée correspondait ou non à une utilisation effective au titre de frais véritables ; qu'en effet, dans la négative, cette note ne pouvait s'imputer sur les frais mais seulement sur la commission ainsi que cela résultait d'ailleurs d'un télex du 18 novembre 1976, non examiné par la cour d'appel, qui a, ainsi, violé les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui n'était pas saisie de conclusions précises sur ce point, n'avait pas à rechercher l'utilisation effective de la somme de 100 000 rials, objet de l'ordre de virement du
19 novembre 1976 ; qu'au surplus, en relevant que l'ordre de virement par la SACM, bien que qualifié de commission par son expéditrice, ne pouvait être interprété comme tel par rapprochement avec des correspondances ultérieures de celle-ci, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre la SACM dans le détail de son argumentation, a suffisamment motivé sa décision qui, dès lors, n'encourt pas les griefs du moyen ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
-d! Condamne la société Alsacienne de constructions mécaniques, envers la SAUDI International for Agencies and Commerce, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix juillet mil neuf cent quatre vingt dix.