AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par les établissements Jean Floret, dont le siège est à Ydes (Cantal),
en cassation d'un arrêt rendu le 17 mars 1988 par la cour d'appel de Riom (3ème chambre civile et commerciale) au profit de la société Baticentre, société anonyme, dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 15 mai 1990, où étaient présents : M. Senselme, président, M. Chevreau, rapporteur, MM. Paulot, Didier, Cathala, Valdès, Capoulade, Beauvois, Deville, Darbon, Mme Giannotti, M. Aydalot, Mlle Fossereau, conseillers,
Mme Y..., M. Chapron, conseillers référendaires, M. Marcelli, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Chevreau, les observations de Me Cossa, avocat des établissements Jean Floret et de Me Roger, avocat de la société Baticentre, les conclusions de M. Marcelli, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur les premier et deuxième moyens réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 17 mars 1988, que la société Jean Floret a vendu ses immeubles à la société Baticentre, laquelle lui a consenti un crédit-bail immobilier portant sur les mêmes immeubles, avec option d'achat en fin de bail ; qu'en outre la société Jean Floret a consenti à la société Baticentre un prêt sans intérêt, dont le montant correspondait au prix de cession retenu pour le cas où l'option d'achat serait levée ; que la société Baticentre ayant assigné la société Jean Floret en paiement des loyers, la société Jean Floret a demandé la nullité des actes ;
Attendu que la société Jean Floret fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Baticentre une somme de 303 246,29 francs au titre des loyers arriérés, alors, selon le moyen, 1°/ que la procuration du 23 juin 1983 donnée par Mme Michèle Floret és qualités à M. Jean X..., clerc de notaire, ne contenait pas mandat de consentir au nom de la société Etablissements Floret un prêt sans intérêt de 297 500 francs à la société Baticentre ; qu'en déclarant, cependant, sous couvert de son pouvoir souverain d'apprécier l'étendue du mandat, que la procuration contenait mandat de consentir le prêt gratuit, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la procuration du 23 juin 1983 et a violé l'article 1134 du Code Civil ; 2°/ que, dans ses conclusions d'appel, la Société Floret avait fait observer que la valeur résiduelle du "leasing" était équivalente au montant du prêt consenti par la société Floret à l'organisme de "leasing", si bien que pour obtenir le financement de ses immeubles celle-ci en perdait définitivement le montant sur les valeurs
fournies, alors que l'amortissement de la location
aurait dû donner une valeur résiduelle de un franc avec remboursement du prêt ; que dès lors, en se bornant à considérer que le loyer avait été calculé pour couvrir Baticentre de sa charge du prêt Sodecco de 902 500 francs, ce qui n'était pas de nature à
justifier qu'en dépit de la vente de ses immeubles pour le prix de 1 200 000 francs, la société Floret devait racheter en fin de "leasing" une valeur résiduelle du montant du prêt gratuit qu'elle devait consentir à Baticentre et donc, en perdre définitivement le montant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir souverainement retenu, par une interprétation nécessaire, exclusive de dénaturation, des termes imprécis du mandat, que Mme Floret, président directeur général de la société Jean Floret était tenue de respecter la délibération du conseil d'administration du 19 mai 1983, laquelle contenait mandat de consentir un prêt sans intérêt, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef en relevant que la société Jean Floret arguait de loyers basés sur un amortissement de 1 200 000 francs sans en apporter la preuve et se contentait de qualifier l'opération de crédit "d'usuraire", en sollicitant une expertise, alors que le loyer trimestriel de 30 600 francs, prévu au contrat, faisait ressortir, pour un amortissement de 902 500 francs, un taux de 14% seulement, qui ne pouvait être qualifié d'excessif ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour condamner la société Jean Floret à payer 15 000 francs de dommages-intérêts, l'arrêt énonce que les premiers juges ont justement apprécié l'indemnité due à Baticentre pour résistance abusive ;
Qu'en statuant par ce seul motif, alors que les premiers juges n'avaient pas caractérisé la faute commise par la société Floret, faisant dégénérer en abus son droit d'agir en justice, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Jean Floret à payer à la société Baticentre 15.000 francs de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 17 mars 1988 entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne la société Baticentre, envers les établissements Jean Floret, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Riom, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du treize juin mil neuf cent quatre vingt dix.