LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE,
a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société anonyme Courdouan, dont le siège social est ... (Haute-Savoie),
en cassation d'un arrêt rendu le 15 décembre 1987 par la cour d'appel de Chambéry (chambre sociale), au profit de M. Jean-Baptiste Z..., demeurant ... (Haute-Savoie),
défendeur à la cassation ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 25 avril 1990, où étaient présents :
M. Cochard, président ; M. Ferrieu, conseiller rapporteur ; MM. Guermann, Combes, Zakine, conseillers ; MM. Y..., Laurent-Atthalin, Fontanaud, conseillers référendaires ; M. Franck, avocat général ; Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Ferrieu, les observations de Me Vuitton, avocat de la société anonyme Courdouan, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard, avocat de M. Z..., les conclusions de M. Franck, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon la procédure, que M. Z..., engagé en 1969 par M. X..., comptable agrée, puis devenu salarié le 1er novembre 1984 de la société d'expertise comptable Courdouan, à la suite d'une cession du cabinet, a donné sa démission par lettre du 24 juin 1985, avec préavis jusqu'au 30 septembre ; que par lettre du 7 septembre 1985, la société Courdouan lui a notifié son licenciement pour faute lourde ; qu'il a alors saisi de conseil de prud'hommes de diverses demandes de salaires et indemnités de rupture mais que la société a formulé une demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour notamment concurrence déloyale et détournement de clientèle ; que le jugement du conseil de prud'hommes, confirmé par la cour d'appel a débouté les deux parties de toutes leurs demandes ; Attendu que la société fait grief à l'arrêt attaqué (Chambery, 15 décembre 1987), de l'avoir déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour concurrence déloyale pendant l'exécution du contrat de travail et détournement de clientèle ; alors que la cour d'appel, selon le moyen, n'a pas recherché si les clients qui ont quitté la société Courdouan pendant le temps du préavis de M. Z..., celui-ci n'ayant pas encore de nouvel employeur, ne l'ont pas fait sur le fondement de la certitude que M. Z... reprendrait leurs travaux comptables, quel que fut son
nouvel employeur ; qu'il aurait dû en résulter que M. Z... avait donné son accord à la reprise future des clients de son employeur, pendant le temps de son préavis, opérant ainsi un détournement de clientèle ; qu'en ne procédant pas à cette recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ; alors en outre que la cour d'appel, qui a constaté que M. Z... n'avait pas été engagé par un nouvel employeur pendant le temps de son préavis, ne pouvait exclure qu'il ait commis un détournement de clientèle en effectuant chez un concurrent deux déclarations fiscales pour un client, au seul motif que ce client avait déjà quitté la société Courdouan, sans rechercher si ce client n'avait précisément pas quitté la société Courdouan pendant le temps de préavis de M. Z... ; qu'en ne procédant pas à cette recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ; alors enfin que la cour d'appel qui a constaté qu'il était vraisemblable que la clientèle veuille suivre M. Z... et qui a rappelé les conclusions de la société Courdouan selon lesquelles le cabinet Socquet l'avait informé de sa reprise de la clientèle au fur et à mesure des départs, n'a pas tiré les conséquences légale de ces constatations dont il aurait dû résulter que M. Z... avait transmis à la société Socquet la clientèle de son employeur pendant le temps de son préavis, pour conclure ensuite un contrat de travail avec la société Socquet à l'issue de ce préavis ; qu'en conséquence, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ; Mais attendu que la cour d'appel a constaté, tant par motifs propres que par ceux repris des premières juges, que le seul fait établi à la charge de M. Z... était d'avoir rédigé chez un concurrent de la société Courdouan, alors qu'il était encore en période de préavis deux déclarations fiscales ; qu'en revanche, examinant et appréciant, dans une décision motivée, les éléments de preuve qui lui étaient soumis et les moyens qui en étaient tirés par les parties, sans être tenue de suivre celles-ci dans le détail de leur argumentation, et ayant relevé que n'étaient établis, ni un démarchage de la clientèle de la société Courdouan, ni une quelconque responsabilité de l'interessé dans la décision de certains clients de poursuivre avec lui des relations de longue date, quel que soit son nouvel employeur, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;