LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE,
a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société à responsabilité limitée Garage Saint-Sauveur, dont le siège social est à Arras (Pas-de-Calais), ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 31 mars 1988 par la cour d'appel de Douai (5e chambre sociale), au profit de M. Philippe X..., domicilié à Croisilles (Pas-de-Calais), ...,
défendeur à la cassation ; LA COUR, composé selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 4 avril 1990, où étaient présents :
M. Cochard, président, M. Laurent-Atthalin, conseiller référendaire rapporteur, MM. Benhamou, Lecante, conseillers, Mme Pams-Tatu, conseiller référendaire, M. Dorwling-Carter, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Laurent-Atthalin, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de la société à responsabilité limitée Garage Saint-Sauveur, de Me Roué-Villeneuve, avocat de M. X..., les conclusions de M. Dorwling-Carter, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 31 mars 1988) et les pièces de la procédure que M. X... a été engagé par le garage Saint-Sauveur aux termes d'un contrat à durée déterminée de deux années à compter du 28 mai 1985 en qualité d'aide-mécanicien et qu'un contrat emploi-formation d'une durée de 12 mois à compter du 28 mai 1985 a été conclu entre les parties ; que le 15 janvier 1986, M. X... a été licencié pour faute grave en raison de son incapacité professionnelle et son impolitesse ; Attendu que la société fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. X... une somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, d'une part, que la faute grave du salarié est celle qui rend impossible la poursuite, même pour une brève durée, des relations de travail ; que l'attitude injurieuse d'un salarié en formation, après qu'il ait été convoqué pour être entendu sur les malfaçons et les insuffisances de son travail, constitue une telle faute justifiant la rupture immédiate du contrat de travail ; que la cour d'appel qui a constaté l'existence d'insultes et le fait que le travail de M. X... ne donnait pas toujours satisfaction n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en déduisaient au regard de l'article L. 122-3-8 du Code du travail ; alors d'autre part, que la cour d'appel qui s'est fondée seulement sur l'absence de précision quant à la nature exacte des termes employés par le salarié pour considérer que cette attitude injurieuse
et particulièrement désinvolte ne constituait pas une faute grave, n'a pas légalement justifié sa décision au regard dudit texte ; alors, en outre que, les contrats emploi-formation proposés aux jeunes de moins de 26 ans ont pour objet de faciliter leur insertion professionnelle mais non de leur permettre d'acquérir une qualification ; qu'en retenant en l'espèce que le contrat emploi-formation avait pour objet de permettre à M. X... l'acquisition d'une qualification de mécanicien qu'il n'avait pas, la cour d'appel a violé
l'article 6 du décret n° 83-397 du 19 mai 1983 ; alors encore qu'en statuant, sans s'expliquer, comme elle y était invitée, sur le fait qu'avant son embauche, le salarié avait déjà travaillé deux années au moins pour le compte d'un autre employeur et qu'il possédait un BEP de mécanique, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors enfin que la rupture d'un contrat à durée déterminée non justifiée par une faute grave ou la force majeure ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu d'une part, que le contrat à durée déterminée litigieux avait été conclu pour une durée d'un an, et de l'autre que l'employeur n'avait pu mettre fin au contrat à durée déterminée de deux ans qu'il avait signé ; qu'en se fondant sur ces énonciations inconciliables pour condamner la société à payer au salarié une somme de 72 614,54 francs de dommages et intérêts, la cour d'appel n'a pas donné de motifs à sa décision en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu d'abord que la cour d'appel appréciant les éléments de preuve a retenu qu'il n'était pas établi que M. X... ait eu un comportement incorrect envers son employeur ; Attendu ensuite que la cour d'appel répondant aux conclusions a relevé que M. X... avait été engagé en qualité d'aide-mécanicien, ce qui correspond à l'emploi le moins qualifié dans la hiérarchie des emplois de la convention collective, et qu'il était établi qu'il avait travaillé le plus souvent seul et laissé à lui-même pour effectuer des travaux qui dépassaient sa compétence ; Que de ces seules constatations la cour d'appel a pu décider que M. X... n'avait pas commis de faute grave et a, sans se contredire, légalement justifié sa décision d'allouer à M. X... une indemnité correspondant aux salaires qu'il aurait perçus jusqu'au terme de son contrat à durée déterminée ; Que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société à responsabilité limitée Garage Saint-Sauveur, envers le comptable direct du Trésor, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du seize mai mil neuf cent quatre vingt dix.