AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par LA SCI El Coustou dont le siège social est ... (Val-de-Marne),
en cassation d'un arrêt rendu le 21 juillet 1987 par la cour d'appel de Toulouse (1e chambre), au profit de :
1°/ la SCI Bordenelle dont le siège social est ... (Haute-Garonne), représentée par son gérant la Société Réalisations Malardeau,
2°/ la SCI Le Terrain dont le siège social est ... (Haute-Garonne), représentée par son gérant la Société Réalisations Malardeau,
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
défenderesses à la cassation ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire en l'audience publique du 3 avril 1990, où étaient présents : M. Defontaine, président, M. Patin, conseiller rapporteur, M. Hatoux, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Patin, les observations de la SCP Defrenois et Levis, avocat de la SCI El Coustou, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la SCI Bordenelle et de la SCI Le Terrain, les conclusions de M. Raymond, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches :
Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué (Toulouse, 21 juillet 1987) et les pièces de la procédure, que la Société civile immobilière El Coustou (la société Coustou), qui réalisait un programme de constructions, a obtenu le 15 novembre 1979 du syndic de la liquidation des biens de la société Bastiani, alors propriétaire du fonds voisin, l'autorisation de brancher le réseau d'égouts desservant les immeubles en construction sur celui déjà mis en place sur son propre terrain par la société Bastiani ; que la Société civile immobilière Bordenelle et la Société civile immobilière Le Terrain (les SCI), venant aux droits de la société Bastiani, ont assigné la société Coustou pour obtenir la condamnation de cette dernière à supprimer le branchement, l'autorisation donnée par le syndic seul étant nulle ; que la cour d'appel a constaté la nullité de l'autorisation donnée le 15 novembre 1979 et a accueilli la demande des SCI ;
Attendu que la société Coustou fait grief à l'arrêt de s'être prononcé de la sorte, aux motifs que l'argument avancé par la société Coustou selon lequel l'égout litigieux devait plus tard tomber dans le domaine public est sans valeur dans la solution du litige né au jour de l'autorisation contestée, s'agissant d'un égout privatif implanté par la société Bastiani sur sa propriété, et qui n'est toujours pas, à ce jour, tombé dans ledit domaine public ; alors, d'une part, que l'existence d'une servitude exige un
fonds dominant et un fonds servant, appartenant de façon privative à des propriétaires différents ; qu'en décidant qu'une servitude constituant un droit réel immobilier consenti à perpétuer avait été créé par l'autorisation accordée à la société Coustou de se brancher sur l'égout litigieux, destiné cependant à revenir au domaine public communal, et donc à ne plus appartenir de façon privative à des particuliers, la cour d'appel a violé l'article 637 du Code civil ; alors, d'autre part, que les égouts publics, pour lesquels les propriétaires d'immeubles qui s'y raccordent doivent payer une taxe de raccordement à l'égout prévu par l'article 35-4 du Code de la santé publique, ne peuvent faire l'objet de servitude de droit commun ; qu'en décidant qu'une servitude conventionnelle d'égout d'eaux ménagères avait été créée par l'autorisation de branchement accordée par le syndic à la société Coustou, sans rechercher si la perception sur cette dernière d'une taxe de raccordement n'impliquait pas le caractère d'ores et déjà public de l'égout litigieux, et de ce fait, l'impossibilité qu'il fasse l'objet d'une servitude de droit commun, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 637 du Code civil et des articles L. 33 à l. 35-4 du Code de la santé publique ; alors, en outre, que le juge devant, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, il ne peut relever d'office un moyen sans inviter les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de l'application des dispositions de l'article 88 de la loi du 13 juillet 1967, sans avoir préalablement invité les parties à s'expliquer à ce sujet, la cour d'appel a par conséquent, violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; alors, au surplus, qu'en toute hypothèse, la cession à forfait visée par l'article 88 de la loi du 13 juillet 1967 est caractérisée par deux éléments, l'aléa de l'opération pour le cessionnaire, inhérent aux biens cédés, et l'exclusion de toute garantie au profit de ce dernier, qu'en faisant application des dispositions du texte susvisé à l'autorisation de branchement sur l'égout litigieux accordée par le syndic à la société Coustou sans rechercher si elle présentait les éléments constitutifs de la cession à forfait, seule visée par l'article 88 de la loi du 13 juillet 1967, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; et alors, enfin, que, l'article 82 de la loi du 13 juillet 1967 n'exige l'obtention par le syndic de l'autorisation du juge-commissaire et de cas échéant, de l'homologation du tribunal, que s'il conclut un compromis (convention par laquelle les parties à un litige soumettant
celui-ci à l'arbitrage d'une ou plusieurs personnes) ou une transaction (accord qui a pour objet de mettre fin à un différend entre les parties et qui contient des concessions réciproques entre
ces dernières) ; qu'en faisant application des dispositions de l'article 82 de la loi du 13 juillet 1967 à l'autorisation de branchement sur l'égout litigieux accordée par le syndic à la société Coustou, autorisation qui ne correspondait à aucune des deux conventions exclusivement visées par ce texte, ni de surcroît à une contestation intéressant la masse, la cour d'appel a violé l'article 82 de la loi du 13 juillet 1967 ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé que la servitude conventionnelle créée constituait un droit réel immobilier et que, s'agissant d'un acte de disposition, et non d'un acte d'administration ainsi que le soutenait la société Coustou, seul le propriétaire du fonds servant pouvait en disposer puis en a déduit que, dès lors qu'il agissait seul sans aucune autorisation, le syndic de la liquidation des biens de la société Bastiani ne pouvait en disposer ; que par ces seuls motifs, l'arrêt est légalement justifié ; qu'il s'ensuit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
! Condamne la SCI El Coustou, envers les SCI Bordenelle et Le Terrain, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du quinze mai mil neuf cent quatre vingt dix.