AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice, à PARIS, le vingtcinq avril mil neuf cent quatre vingt dix, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller DIEMER, les observations de Me GARAUD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ROBERT ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
X... Maurice,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BESANCON, chambre correctionnelle, en date du 3 mars 1988, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de détérioration volontaire d'objets mobiliers appartenant à autrui, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation par fausse application de l'article 2 du Code d de procédure pénale, violation de l'article 593 du même Code, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné X..., déclaré coupable d'avoir volontairement détérioré le moteur d'un camion appartenant à M. Y..., à payer la somme de 120 000 francs au G. I. E. A..., constitué partie civile ;
" au motif qu'en accordant à ce G. I. E. la somme de 23 771, 17 francs en réparation de son préjudice matériel, et la somme de 40 000 francs en réparation de son préjudice professionnel, soit au total la somme de 63 771, 17 francs, les premiers juges avaient sousévalué le préjudice commercial de ce G. I. E. de sorte qu'une somme globale de 120 000 francs réparerait équitablement le préjudice dudit G. I. E. ;
" alors que le juge correctionnel n'est compétent pour prononcer une condamnation à des dommages-intérêts qu'autant que cette condamnation est fondée sur un préjudice personnel et certain, trouvant directement sa source dans l'infraction ; d'où il suit, que déclaré coupable d'une infraction commise au préjudice de M. Y..., personnellement, M. X... ne pouvait légalement être condamné à payer la somme de 120 000 francs au G. I. E. A... en réparation du préjudice globalement apprécié que ce G. I. E. prétendait avoir subi du fait de l'infraction commise envers l'un de ses membres, sans s'expliquer sur le caractère personnel, direct et certain du préjudice souffert par le G. I. E., et distinct de celui souffert par l'un de ses membres, qu'il réparait par l'allocation d'une " somme globale " de 120 000 francs " ;
Attendu que par jugement définitif du tribunal correctionnel, X... a été déclaré coupable d'avoir notamment volontairement détérioré le moteur d'un camion appartenant à Y... ;
Que cette même juridiction a alloué au Groupement d'intérêt économique A..., partie civile, des dommages-intérêts en réparation de son préjudice tant matériel que professionnel ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le prévenu, qui devant la cour d'appel a demandé la confirmation de cette décision, n'a à aucun moment contesté la recevabilité de la constitution de ladite partie civile ;
Qu'il ne saurait être admis à le faire pour la première fois devant la Cour de Cassation ;
Qu'en cet état, le moyen doit être déclaré irrecevable ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation par fausse application de l'article 2 du Code de procédure pénale, violation de l'article 593 du même Code, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné X..., coupable d'avoir volontairement détérioré le moteur d'un camion appartenant à M. Z..., à payer à ce dernier la somme de 400 000 francs de dommages-intérêts ;
" au motif que Gilbert Z... ayant demandé la somme de 942 291, 95 francs, englobant ses préjudices directs ou indirects, le tribunal lui avait accordé la somme de 176 371, 79 francs en réparation de son préjudice matériel et celle de 90 000 francs en réparation de son préjudice professionnel, soit au total la somme de 266 371, 79 francs ; mais que au vu des justificatifs produits par l'intéressé, la Cour estimait qu'une somme de 400 000 francs réparerait équitablement toutes causes de préjudice confondues, le préjudice de Z... ;
" alors qu'en se déterminant par ces seuls motifs qui n'opèrent aucune distinction entre les préjudices directs réparables et les préjudices indirects non réparables, au seul vu de " justificatifs " indéterminés, la cour d'appel, (pas plus d'ailleurs que les premiers juges), n'a mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la légalité de la condamnation prononcée au profit de la partie civile " ;
Attendu que pour porter à 400 000 francs les dommages-intérêts alloués à Z... en réparation du préjudice tant matériel que professionnel qu'il a subi du fait de la détérioration volontaire par X... du moteur d'un camion lui appartenant, la juridiction du second degré énonce qu'elle a fixé leur montant " au vu des justificatifs produits par l'intéressé " ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui n'a fait qu'exercer le pouvoir qui appartient aux d juges du fond d'apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, l'indemnité propre à réparer le dommage causé par l'infraction, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Angevin conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Dièmer conseiller rapporteur, MM. Malibert, Guth, Guilloux, Massé, Alphand, Carlioz conseillers de la chambre, M. Pelletier conseiller référendaire, M. Robert avocat général, Mme Ely greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;