AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice, à PARIS, le vingt-sept mars mil neuf cent quatre vingt dix, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GUIRIMAND, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE et BRIARD et de Me CHOUCROY, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBOUBAN ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
X... Jean-Daniel,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre en date du 23 novembre 1988, qui, dans les poursuites exercées contre le susnommé du chef d'infraction à la réglementation concernant la sécurité des travailleurs, a prononcé sur l'action civile ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article L. 466 du Code de la sécurité sociale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident du travail dont Y... a été victime le 10 juillet 1986 ;
"alors que selon les dispositions de l'article L. 466 du Code de la sécurité sociale, aucune action en réparation du préjudice causé par un accident du travail ne peut, en dehors des cas prévus aux articles L. 468 à L. 469 du même Code, être exercée par la victime contre l'employeur conformément au droit commun et qu'en se prononçant sur le principe même de la responsabilité civile, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article L. 466 du Code de la sécurité sociale et excédé ses pouvoirs" ;
Et sur le moyen de cassation relevé d'office et pris de la violation des articles 144 du décret du 8 janvier 1965, L. 263-2 et L. 263-6 du Code du travail, 388, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, L. 451-1 du Code de la sécurité sociale, manque de base légale ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu d'une part, que s'il ne peut être proposé de moyens d'office contre les dispositions d'un arrêt relatives à l'action civile, il en est autrement lorsque lesdites dispositions touchent en même temps à l'ordre public ;
Attendu, d'autre part que les juridictions correctionnelles ne peuvent légalement statuer que sur les faits relevés par l'ordonnance ou la citation qui les a saisies, à moins que le prévenu n'ait accepté formellement d'être jugé sur des faits nouveaux ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Jean-Daniel X..., dirigeant de l'entreprise "Ateliers de Construction de Pesmes" a été cité à comparaître devant la juridiction répressive pour avoir, le 10 juillet 1986, enfreint les dispositions de l'article 144 du décret du 8 janvier 1965 en employant un ouvrier, Jean-Claude Y..., sur le chantier de construction d'un silo à céréales sans avoir procédé à l'installation de dispositifs de protection destinés à prévenir les risques de chute ;
Attendu que la cour d'appel, saisie des seuls intérêts civils, a
énoncé qu'il était établi que, le 10 juillet 1986, Jean-Claude Y... avait été victime d'un accident du travail en raison du défaut de mise en place des dispositifs de protection précités, et que Jean-Daniel X..., qui avait commis une faute personnelle en ne veillant pas au strict respect des règles de sécurité, devait être déclaré "entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident du travail dont Jean-Claude Y... avait été victime" ;
Mais attendu qu'en décidant ainsi, alors que les poursuites ne visaient qu'une infraction à la réglementation concernant la sécurité des travailleurs, les juges du second degré ont excédé leurs pouvoirs ; qu'en outre, si la prévention avait inc lu également une infraction de blessures involontaires, lesdits juges n'auraient pu statuer comme ils l'ont fait sur le principe même de la responsabilité civile sans méconnaître les dispositions de l'article L. 451-1 du Code de la sécurité sociale ;
Qu'il s'ensuit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11ème chambre, du 23 novembre 1988, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Dijon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Zambeaux conseiller le plus ancien faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Guirimand conseiller rapporteur, MM. Dardel, Dumont, Fontaine, Milleville, Alphand, Carlioz conseillers de la chambre, M. Libouban avocat général, Mme Gautier greffier de chambre.