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27/03/1990 | FRANCE | N°89-83312

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 mars 1990, 89-83312


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept mars mil neuf cent quatre vingt dix, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller DARDEL, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN et FABIANI et de la société civile professionnelle Charles et Arnaud De CHAISEMARTIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBOUBAN ;
Statuant sur le pourvoi formé par :

X... Jean-Pierre, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11ème cham

bre, en date du 17 mars 1989 qui, sur son appel du jugement relaxant Chri...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept mars mil neuf cent quatre vingt dix, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller DARDEL, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN et FABIANI et de la société civile professionnelle Charles et Arnaud De CHAISEMARTIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBOUBAN ;
Statuant sur le pourvoi formé par :

X... Jean-Pierre, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11ème chambre, en date du 17 mars 1989 qui, sur son appel du jugement relaxant Christian Y... et Emmanuel Z... du délit de diffamation publique envers un fonctionnaire public et complicité, a confirmé la décision entreprise, le déboutant de sa demande de dommages-intérêts ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ; Sur les faits et la procédure ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que par exploit en date du 3 mars 1988 Jean-Pierre X..., magistrat, alors secrétaire général du syndicat de la magistrature, a fait citer devant le tribunal correctionnel Christian Y..., directeur de publication du quotidien " Le Figaro ", et Emmanuel Z..., journaliste, pour diffamation publique envers un fonctionnaire public et complicité, en application des articles 29, 31 de la loi du 29 juillet 1881, à la suite de la parution dans le numéro 13 456 daté du 4 décembre 1987 dudit périodique d'un article signé des initiales d'Emmanuel Z..., intitulé : " et vilipendé à gauche " et retenu à raison du passage suivant " et Jean-Pierre X... donne rendez-vous aux militants le 10 décembre prochain pour le cas où la Cour de Cassation dessaisirait définitivement le juge Claude
A...
du dossier Michel B... afin d'envisager éventuellement une action violente, maigre consolation pour les plus endurcis qui n'auront été satisfaits que par la position officielle du syndicat condamnant le comportement du juge C... dans l'affaire D... " ; Qu'après relaxe du prévenu par le tribunal, la Cour d'appel, sur appel de la partie civile, a confirmé le jugement la déboutant de son action ;
En cet état ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 31 et 32 de la loi du 29 juillet 1881, 1382 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a débouté X... de sa demande de réparation civile à raison de la diffamation dont il avait été l'objet ;
" aux motifs que l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 sur lequel est fondée la poursuite prévoit et punit la diffamation commise envers les personnes protégées, les magistrats en particulier et ce à raison de leurs fonctions ou de leur qualité ; qu'en l'espèce, le fait imputé à Jean-Pierre X..., alors secrétaire général du syndicat de la magistrature, est celui d'avoir, dans le cadre du congrès de ce syndicat, donné rendez-vous aux militants à telle date, afin d'envisager éventuellement une action violente, en réponse à telle décision prochaine de la Cour de Cassation qui ne donnerait pas satisfaction au syndicat ; qu'un tel fait, à le supposer établi, ne constituerait, par sa nature même, ni un acte de la fonction même de magistrat, ni un abus de cette fonction ; qu'il n'aurait pas davantage une relation directe et étroite avec la qualité de magistrat de la partie civile en ce que cette qualité n'a pas été le moyen de proposer aux militants du syndicat, dans l'éventualité précitée, une action violente, ni n'a été le support nécessaire du fait imputé, lequel support a été la qualité de la partie civile à savoir celle de secrétaire général du syndicat de la magistrature et non sa qualité de magistrat à laquelle un tel fait n'est nullement inhérent ; qu'en l'occurence Jean-Pierre X..., alors même que, par ailleurs, il était investi de la fonction judiciaire qui lui avait été confiée par l'Etat et lui imposait notamment une obligation de réserve et quelle qu'ait été alors sa position administrative personnelle, est visée par le texte incriminé en sa qualité de citoyen agissant à titre personnel comme militant et responsable syndical, devant pouvoir alors s'exprimer aussi librement que possible ; qu'il importe peu, en B..., que la diffamation ait pu avoir pour résultat d'atteindre en fait le magistrat qu'est Jean-Pierre X... ; qu'ainsi celuici ne pouvait agir que sur le fondement de l'article 32 alinéa 1er de la loi précitée punissant la diffamation commise envers un particulier ; que la juridiction de jugement n'ayant pas le pouvoir de changer la qualification donnée au fait par la poursuite, la partie civile et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, ne peut qu'être déboutée de son action ;
" alors que, l'article 31 de la loi de 1881 punit en particulier les diffamations contre les magistrats qui d'après la nature du fait sur lequel elles portent contiennent la critique d'actes de la fonction ou d'abus de la fonction ou encore impliquent que la qualité ou la fonction de la personne visée ait été soit le moyen d'accomplir le fait imputé soit son support nécessaire ou soit relative à un fait qui a rejailli directement sur ses fonctions publiques et l'aurait amené à manquer gravement aux devoirs de sa charge ; qu'en l'espèce la Cour d'appel considère elle-même comme diffamatoire le fait d'avoir imputé au magistrat Jean-Pierre X... d'avoir pu envisager dans l'exercice de ses fonctions syndicales le recours à une action violente dans le but de s'opposer à une décision de la Cour Suprême et a par là-même nécessairement constaté que l'imputation était relative à des propos qui s'il les avait tenus l'auraient amené à manquer gravement aux devoirs de sa charge et notamment à ses obligations particulières de responsable au sein d'un syndicat de magistrats tenu à une impérieuse réserve dans l'exercice comme en dehors de l'exercice de ses fonctions, imputation dès lors susceptible de rejaillir directement sur ses fonctions publiques dont relève l'exercice de l'activité syndicale et à travers lui d'atteindre le service public dont il fait partie en faisant douter les justiciables de son impartialité ; qu'en cet état, la Cour ne pouvait déclarer irrecevable l'action introduite sur le fondement de l'article 31 de la loi sans méconnaître les conséquences légales de ses propres constatations et partant violer les textes susvisés " ;
Attendu qu'en statuant comme elle l'a fait par les motifs repris au moyen, la Cour d'appel loin d'encourir les griefs de celui-ci, a au contraire donné base légale à sa décision ;
Attendu qu'en effet, le caractère légal des imputations diffamatoires s'apprécie, non d'après le mobile qui les a inspirées ni d'après le but auquel elles tendent, mais d'après la nature du fait sur lequel elles portent ; Qu'en l'espèce, dès lors qu'il était imputé au demandeur, responsable d'un syndicat professionnel, le fait, vrai ou faux, d'avoir appelé les membres de ce syndicat, réunis en congrès, à une éventuelle manifestation de violence pour protester contre une décision de justice à venir, ledit demandeur était visé à raison de son activité syndicale distincte de son activité professionnelle et a été atteint non comme fonctionnaire public mais en tant que particulier D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : MM. Zambeaux conseiller le plus ancien faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Dardel conseiller rapporteur, Dumont, Fontaine, Milleville, Alphand, Carlioz conseillers de la chambre, Mme Guirimand conseiller référendaire, M. Libouban avocat général, Mme Gautier greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 89-83312
Date de la décision : 27/03/1990
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Diffamation - Procédure - Action civile - Activité syndicale - Personne atteinte non comme fonctionnaire public mais en tant que particulier - Recevabilité (non).


Références :

Code civil 1382
Loi du 29 juillet 1881 art. 31 et 32

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 17 mars 1989


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 27 mar. 1990, pourvoi n°89-83312


Composition du Tribunal
Président : Zambeaux conseiller le plus ancien faisant fonctions de président en remplacement du président empêché

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1990:89.83312
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