AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
I°) Sur le pourvoi n° 87-14.809 formé par le BUREAU D'ETUDES TECHNIQUES DE CONSTRUCTIONS IMMOBILIERES (BETCI), société anonyme, dont le siège est à Boulogne (Hauts-de-Seine), ..., représentée par son président-directeur général, demeurant en cette qualité audit siège,
Contre :
1°) L'OFFICE PUBLIC MUNICIPAL D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE LA VILLE D'ANGERS, dont le siège est à Angers (Maine-et-Loire), ... ;
2°) La COMPAGNIE FRANCAISE D'ASSURANCES EUROPEENNES (CFAE), dont le siège est à Paris (2e), ... ;
3°) La société anonyme GROUPE SPRINKS, Groupe international d'assurances de réassurances, dont le siège est à Paris (2e), ... ;
4°) La COMPAGNIE NOUVELLE D'ASSURANCES, société anonyme, dont le siège est à Paris (8e), ..., présentement dénommée CIGNA ;
II) Et sur le pourvoi n° 87-15.046 formé par L'OFFICE PUBLIC MUNICIPAL D'HABITATIONS A LOYER MODERE DE LA VILLE D'ANGERS,
Contre :
1°) La COMPAGNIE NOUVELLE D'ASSURANCES (présentement dénommée CIGNA) ;
2°) Le BUREAU D'ETUDES TECHNIQUES DE CONSTRUCTIONS IMMOBILIERES (BETCI) ;
3°) La COMPAGNIE FRANCAISE D'ASSURANCE EUROPEENNES (CFAE) ;
en cassation du même arrêt rendu le 9 mars 1987 par la cour d'appel d'Angers (1re chambre, section B) ;
Le Bureau d'études techniques de constructions immobilières, demandeur au pourvoi n° 87-14.809, invoque à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
L'Office public municipal d'habitations à loyer modéré de la ville d'Angers, demandeur au pourvoi n° 87-15.046, invoque à l'appui de son recours les trois moyens de cassation également annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 14 février 1990, où étaient présents : M. Jouhaud, président, M. Kuhnmunch, rapporteur, MM. Viennois, Grégoire, Lesec, Fouret, Mabilat, conseillers, Mme Crédeville, M. Charruault, conseillers référendaires, M. Sadon, premier avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Kuhnmunch, les observations de la SCP Le Bret et Laugier, avocat du Bureau d'études techniques de constructions immobilières, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard, avocat de l'Office public municipal d'habitations à loyer modéré de la ville d'Angers, de la SCP Peignot et Garreau, avocat de la Compagnie française d'assurances européennes et de la société Groupe Sprinks, de la SCP Desaché et Gatineau, avocat de la Compagnie nouvelle d'assurances, les conclusions de M. Sadon, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Met hors de cause le Groupe Sprinks ;
Ordonne la jonction des pourvois n° 87-15.046 et n° 87-14.809 ;
Attendu que l'Office public municipal d'habitations à loyer modéré d'Angers (OPHLM) a passé une convention avec le Bureau d'études techniques de constructions immobilières (BETCI), ainsi qu'avec d'autres intervenants, pour la construction d'un ensemble de logements ; que des désordres étant apparus peu après les réceptions provisoires, l'OPHLM a saisi le tribunal administratif ; que cette juridiction a condamné le BETCI à payer à l'Office diverses sommes ; que ce jugement a également déclaré le BETCI solidairement responsable avec l'architecte et une entreprise pour une certaine somme ; que l'OPHLM a demandé leur garantie aux assureurs du BETCI qui ont été successivement la Compagnie nouvelle d'assurance (CNA présentement dénommée CIGNA) et la Compagnie française d'assurances européennes (CFAE) ; que la cour d'appel a, en ce qui concerne la CNA, jugé qu'elle n'était tenue à garantie que jusqu'à concurrence d'une somme déjà réglée par elle à l'OPHLM qui a été débouté du surplus de sa demande ; qu'à l'égard de la CFAE, l'arrêt attaqué a, d'abord, estimé que la responsabilité propre du BETCI relative à certains désordres n'était pas garantie et a condamné ce bureau d'études à rembourser à l'assureur la somme que celui-ci lui avait réglée et a dit, ensuite, que, pour les condamnations in solidum, l'indemnité garantie devait s'imputer sur le montant des garanties de base prévues pour la responsabilité propre du BETCI ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° 87-15.046 formé par l'OPHLM :
Attendu que cet Office fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande tendant au règlement par la CNA du montant des indemnités prononcées à l'encontre du BETCI à concurrence de 1 000 000 francs pour chacun des sinistres afférents aux façades et aux terrasses de niveaux au motif que ces sinistres ayant donné lieu à une réclamation formulée au cours de la même année ne pouvaient, selon les conventions passées entre la CNA et le BETCI, donner lieu à garantie qu'à concurrence de 1 000 000 francs alors que, selon le moyen, si la police complémentaire -dite de deuxième ligne- prévoyait expressément une garantie supplémentaire limitée à 500 000 francs par sinistre et par année d'assurance, la police de base -de première ligne-, garantissant le même montant, ne mentionnait pas une telle limitation de sorte que la cour d'appel a dénaturé la police litigieuse ;
Mais attendu que tant l'article 2 des conditions spéciales de la police de première ligne que l'article II des conditions particulières de la police de deuxième ligne prévoient chacun une garantie de 500 000 francs "par sinistre et par année d'assurance" ; que c'est par suite sans dénaturation que la cour d'appel a jugé que la CNA n'était tenue pour l'année considérée qu'à concurrence de 1 000 000 francs ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
Le rejette ;
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi n° 87-15.046 formé par l'OPHLM et sur le premier moyen du pourvoi n° 87-14.809 formé par le BETCI, pris en leurs diverses branches :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que l'arrêt attaqué a jugé, en ce qui concerne les désordres affectant l'étanchéité des terrasses, que la CFAE n'était pas tenue à garantie au
regard des stipulations de la police et qu'il n'était pas possible d'aller à l'encontre de ces stipulations malgré une lettre de l'assureur du 10 février 1983 acceptant de prendre en charge ces désordres aux motifs qu'il n'était pas établi que l'assureur avait eu l'intention de couvrir un sinistre qu'il aurait su ne pas devoir garantir aux termes de sa police, son consentement étant "entaché d'un vice tenant à une erreur sur la portée de ses obligations, eu égard aux circonstances dans lesquelles les désordres s'étaient trouvés révélés" ;
Attendu cependant que la lettre adressée le 10 février 1983 par le représentant de la CFAE au BETCI faisait savoir à ce bureau d'études qu'après avis d'un spécialiste du droit des assurances, les désordres relatifs à l'étanchéité des terrasses seraient couverts ; qu'en déniant que cet engagement explicite de prise en charge du sinistre ait pu modifier les stipulations contractuelles initiales, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen du pourvoi n° 87-15.046 ainsi que sur le second du pourvoi n° 87-14.809 :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que la cour d'appel a jugé que la clause de la police d'assurance par laquelle la CFAE couvrait, dans la limite de 1 000 000 francs, les condamnations in solidum prononcées contre le BETCI devait s'interpréter non pas comme une garantie complémentaire s'ajoutant, au cas de condamnation in solidum, à la garantie de base de 3 000 000 francs prévue pour la responsabilité propre du bureau d'études, mais comme un plafond à l'intérieur de ces 3 000 000 francs par sinistre et par année d'assurance, la compagnie ne restant alors tenue qu'à concurrence de 2 000 000 francs pour les condamnations prononcées contre le seul assuré ;
Attendu cependant que la clause additionnelle n° 4 de la police, dérogeant à l'exclusion de garantie des condamnations in solidum prévue par les conditions générales, stipulait que "les engagements de la compagnie sont ceux des garanties de base, mais en tout état de cause ne sauraient excéder 1 000 000 francs par année et par sinistre", étant ensuite précisé que "la présente clause additionnelle n° 4 donnera lieu à une surprime annuelle calculée en fonction de la prime des garanties de base" ; qu'il résulte de cette clause claire et précise que les condamnations in solidum sont assurées dans la limite d'un plafond de 1 000 000 francs, sans imputation sur la garantie de base ; que la cour d'appel, en dénaturant ladite clause, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a jugé, d'une part, que la CFAE ne devait pas garantir le BETCI des désordres afférents à l'étanchéité des terrasses et, d'autre part, que la garantie due par la même compagnie à l'égard du même bureau d'études des condamnations in solidum prononcées contre lui devait s'imputer sur le montant de la garantie de base -d , l'arrêt rendu le 9 mars 1987, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne la CFAE et la CIGNA, aux dépens des deux pourvois et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel d'Angers, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt sept mars mil neuf cent quatre vingt dix.