LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Monsieur Elie, Marcel Y..., demeurant à Paris (17ème), ...,
en cassation des arrêts rendus les 24 janvier 1986 et 30 mai 1988 par la cour d'appel de Basse-Terre, au profit :
1°/ de Mademoiselle Aline, Coralie, Gabrielle Y..., demeurant immeuble Liber Plocoste, appartement 12, à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe),
2°/ de Mademoiselle Laure, Rosa, Emmanuelle Y..., demeurant immeuble Liber Plocoste, appartement 51, à Pointe-àPitre (Guadeloupe),
3°/ de Madame A..., Josèphe, Rose, Louise X... née Y..., demeurant immeuble Liber Plocoste, appartement 512, à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe),
4°/ de Mademoiselle Marie, Arlette, Marcelline Z..., demeurant immeuble Liber Plocoste, appartement 721, à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe),
défenderesses à la cassation ; Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 6 février 1990, où étaient présents :
M. Camille Bernard, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Bernard de Saint-Affrique, rapporteur, M. Massip, conseiller, Mme Flipo, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Bernard de Saint-Affrique, les observations de Me Gauzès, avocat de M. Y..., de Me Cossa, avocat de Mlles Aline et Laure Y..., de Mme X... et de Mlle Z..., les conclusions de Mme Flipo, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Attendu qu'il résulte des énonciations des juges du fond que Sylvère Y... est décédé le 19 juin 1975, en laissant, comme successibles, son épouse née X..., à laquelle il avait légué un terrain par testament authentique du 21 mai 1975, deux enfants légitimes, Aline et Laure, ainsi que deux enfants naturels Arlette Z... et Elie, Marcel Y... ; que ce dernier a formé une action en réduction de legs ; que le premier des deux arrêts attaqués (Basse-Terre, 24 janvier 1986) a prescrit la réduction de la libéralité litigieuse, soit en nature, par retranchement d'une surface de 50 m2, soit en valeur, par le versement d'une indemnité de 125 163 francs ; que le second de ces deux arrêts (Basse-Terre, 30 mai 1988), interprétant le précédent, a précisé que la légataire pouvait librement opter pour la réduction en nature ou pour le paiement en argent, à concurrence du montant fixé par la première décision ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Elie, Marcel Y... fait grief à l'arrêt du 24 janvier 1986 d'avoir dit que la légataire pouvait conserver la totalité du terrain litigieux, moyennant le versement d'une indemnité en argent aux autres héritiers, alors, selon le moyen, qu'en statuant ainsi, sur le fondement de l'article 867 du Code civil, sans rechercher si le conjoint survivant, qui avait reçu une libéralité excédant ses droits, tels que définis par l'article 767 du même Code, pouvait être considéré comme un successible, au sens du premier de ces deux textes, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ; Mais attendu que le conjoint survivant a la qualité de successible, même lorsque, se trouvant en concours avec des héritiers réservataires, il ne dispose, sur la succession de son époux prédécédé, que du droit d'usufruit de l'article 767 du Code civil ; qu'il est fondé à se prévaloir, en cette qualité, des articles 866 et suivants du même code, pour réclamer, en totalité, l'objet de la libéralité dont il a été gratifié, sauf à récompenser les cohéritiers en argent ; qu'en reconnaissant à Mme Sylvère Y..., la faculté de conserver la totalité du terrain légué, moyennant versement d'une récompense à ses cohéritiers, l'arrêt attaqué, faisant ainsi implicitement mais nécessairement application des dispositions précitées, se trouve légalement justifié ; que le moyen ne peut donc être accueilli ; Le rejette ; Mais sur le second moyen :
Vu l'article 868 du Code civil ; Attendu, selon ce texte que lorsque la réduction d'une libéralité n'est pas exigible en nature, le légataire est débiteur d'une indemnité équivalente à la portion excessive de la libéralité réductible, calculée d'après la valeur des objets donnés ou légués à l'époque du partage, et leur état au jour où la libéralité a pris effet ; Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué du 24 janvier 1986, que pour fixer l'étendue de la portion excessive du legs réductible de
Mme veuve Y..., ainsi que le montant de l'indemnité équivalente à cette portion, la cour d'appel a retenu la valeur du bien, concerné par ce legs au jour du décès du donateur ; que ce faisant, elle a violé les dispositions du texte susvisé, tant dans l'arrêt du 24 janvier 1986, que dans celui du 30 mai 1988, qui, interprétant le premier, en est donc la suite, et se trouve ainsi annulé de plein droit sur les points atteints par la cassation, dans la décision donnant lieu à interprétation :
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions fixant l'étendue de la portion excessive du legs litigieux, ainsi que le montant de l'indemnité équivalente à cette portion, l'arrêt rendu le 24 janvier 1986, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France ; Dit n'y avoir lieu à statuer sur le pourvoi en tant que dirigé du même chef contre l'arrêt interprétatif du 30 mai 1988 ; Condamne les défendeurs, envers M. Y..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Basse-Terre, en marge ou à la suite des arrêts partiellement annulés ;