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20/02/1990 | FRANCE | N°88-87524

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 février 1990, 88-87524


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice, à PARIS, le vingt février mil neuf cent quatre vingt dix, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ZAMBEAUX, les observations de la société civile professionnelle WAQUET et FARGE et de la société civile professionnelle BORE et XAVIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ROBERT ;
Statuant sur le pourvoi formé par :

B... JeanFrancois,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIXENPROVENCE, chambre corr

ectionnelle, en date du 28 novembre 1988, qui, pour injures publiques envers...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice, à PARIS, le vingt février mil neuf cent quatre vingt dix, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ZAMBEAUX, les observations de la société civile professionnelle WAQUET et FARGE et de la société civile professionnelle BORE et XAVIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ROBERT ;
Statuant sur le pourvoi formé par :

B... JeanFrancois,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIXENPROVENCE, chambre correctionnelle, en date du 28 novembre 1988, qui, pour injures publiques envers un citoyen chargé d'un mandat public, l'a condamné à 5 000 francs d'amende et à des réparations civiles ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur l'action publique ;
Sur le moyen relevé d'office et pris de la violation de l'article 2, 6° de la loi du 20 juillet 1988 ;
Vu ledit article ;
Attendu que selon ce texte sont amnistiés les délits prévus par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse commis avant le 22 mai 1988 ;
Attendu que l'article comportant le passage qualifié d'injurieux par la partie civile a été publié dans le numéro daté des 27 août2 septembre 1987 de l'hebdomadaire " l'Evènement du Jeudi " ;
Qu'il s'ensuit que c'est en méconnaissance des dispositions précitées de la loi du 20 juillet 1988 que la cour d'appel, confirmant le jugement entrepris du 2 juin 1988, a, le 28 novembre 1988, condamné le prévenu à une amende de 5 000 francs alors que l'action publique était éteinte depuis la mise en vigueur de la loi d'amnistie ;
Qu'ainsi la cassation est encourue ;
Sur l'action civile ;
Attendu qu'aux termes de l'article 24 de la loi précitée du 20 juillet 1988 la juridiction de jugement, saisie de l'action publique, reste compétente pour statuer sur les intérêts civils ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 29, al. 1 et 2, et 35 de la loi du 29 juillet 1881, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'injures publiques ;
" aux motifs, d'une part, que l'affirmation selon laquelle le maire de Z... symboliserait un système corrompu et corrupteur ne renfermait que l'imputation d'un fait indéterminé ou qui, manquant de précision et même étant de nature à nuire à l'honneur et à la considération, constituait sans qu'il y ait contradiction, une injure ; que la Cour n'étant saisie que du texte incriminé, peu importait que, par la suite, l'article publié se réfère à des faits précis et déterminés susceptibles d'être réfutés par la preuve de leur inexistence ;
" aux motifs, d'autre part, sur le reste du passage incriminé que l'article n'ayant cité que le maire de Z..., ce dernier pouvait valablement estimer que les termes " maires fous ou caractériels " s'appliquaient à sa personne ;
" alors, d'une part, que lorsque l'injure se rattache à l'imputation d'un fait déterminé portant atteinte à l'honneur et à la considération, elle est indissociable de la diffamation, et le délit d'injure s'absorbe dans la diffamation ; qu'en l'espèce, comme le relève l'arrêt attaqué, l'article faisait état de faits précis, justifiant l'imputation de corruption contenue dans le passage incriminé ; qu'à supposer qu'il soit injurieux de présenter le maire de Z... comme le symbole de cette corruption, cette injure, compte tenu du contexte de l'article, était indissociable de l'imputation diffamatoire portant sur des faits précis de corruption ; que le prévenu ne pouvait dès lors être poursuivi que du chef de diffamation et devait pouvoir bénéificier de l'exceptio veritatis ;
" alors, d'autre part, que, contrairement aux énonciations de l'arrêt attaqué, les juges du fond sont tenus, pour apprécier la portée injurieuse ou diffamatoire d'un écrit, de relever toutes les circonstances extrinsèques au passage dénoncé de nature à révéler sa véritable nature ;
" alors, enfin, que l'expression " maires fous ou caractériels " qui termine une phrase présentant une description générale de la situation politique dans l'ensemble du midi de la France, ne se rapportait à aucune personne déterminée, mais visait globalement, de façon générale et indéterminée, l'ensemble des élus locaux ; que dès lors, elle ne constituait pas une injure punissable au sens de l'article 29, al. 2, de la loi de 1881 " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que, pour apprécier la qualification légale qu'il convient de donner à un propos retenu comme injurieux, les juges doivent prendre en considération non seulement les termes mêmes relevés dans la citation mais aussi les éléments extrinsèques de nature à donner à l'expression incriminée son véritable sens et à caractériser l'infraction ;
Attendu que Jacques X..., maire de Z..., a fait citer devant la juridiction répressive sous la prévention d'injure publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, JeanFrançois B..., directeur de la publication de " l'Evènement du Jeudi ", à raison de la publication, dans le numéro précité de cet hebdomadaire, d'un article intitulé " AlpesMaritimes, Var, Bouches-du-Rhône le Midi estil pourri ? " signé de Y... et comprenant une présentation suivie des initiales S. M ainsi rédigée : " Mais voilà qu'un système corrompu et corrupteur symbolisé par l'actuel maire de Z..., entretenu par l'accumulation de fortunes plus ou moins bien acquises et favorisé par l'autocensure pratiquée par un journal comme A... est en train de répandre son venin dans l'ensemble du corps régional. Peu à peu l'extrémisme impose sa loi, les malfrats pénètrent les institutions, les escrocs et les trafiquants dictent leurs conditions, les demisels des affaires ou de la politique affluent, des mafias électoralistes font nommer des maires fous ou caractériels " ; que le plaignant considérait que les termes " mais voilà qu'un système corrompu et corrupteur symbolisé par l'actuel maire de Z... est en train de répandre son venin dans l'ensemble du corps régional... les malfrats pénètrent les institutions... des mafias, électoralistes font nommer des maires fous ou caractériels " étaient injurieux à son égard ;
Attendu que le prévenu ayant fait valoir que les termes critiqués constituaient en raison du contexte résultant de l'article, inséparable de sa présentation, soit une diffamtion soit une considération générale n'atteignant pas le plaignant, la cour d'appel, pour dire le prévenu coupable d'injure publique, après avoir déclaré que " l'imputation ne renfermant que celle d'un fait indéterminé ou qui manquant de précision et même étant de nature à nuire à l'honneur ou à la considération constitue, sans qu'il y ait contradiction, une injure ", énonce que " n'étant saisie que du texte incriminé peu importe que, par la suite, l'article publié se réfère à des faits précis et déterminés susceptibles d'être réfutés par la preuve de leur inexistence " :
Mais attendu qu'en refusant d'examiner le contenu de l'article dont les propos incriminés ne constituent que la présentation, les juges ont méconnu le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs ;
CASSE et ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'AixenProvence en date du 28 novembre 1988 ;
I Sur l'action publique :
Déclare l'action publique éteinte ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
II Sur l'action civile :
Pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de GRENOBLE, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Berthiau conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Zambeaux conseiller rapporteur, MM. Dardel, Dumont, Fontaine, Milleville, Alphand, Carlioz conseillers de la chambre, Mme Guirimand conseiller référendaire, M. Robert avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 88-87524
Date de la décision : 20/02/1990
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, chambre correctionnelle, 28 novembre 1988


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 20 fév. 1990, pourvoi n°88-87524


Composition du Tribunal
Président : M. Berthiau conseiller doyen, faisant fonctions de président

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1990:88.87524
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