La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/01/1990 | FRANCE | N°89-85607

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 janvier 1990, 89-85607


CASSATION sur les pourvois formés par :
- X... René,
- Y... Georges,
- Z... Florence, épouse A...,
- B... Hafiza,
inculpés d'infraction à la législation sur les stupéfiants et intérêt à la fraude, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris du 10 août 1989 qui a refusé d'annuler des actes de l'information.
LA COUR,
Vu l'ordonnance en date du 25 octobre 1989 par laquelle le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat des pourvois en application des articles 570 et 571 du Code de procédure pénale ;
Vu l

es mémoires produits ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Sur le premie...

CASSATION sur les pourvois formés par :
- X... René,
- Y... Georges,
- Z... Florence, épouse A...,
- B... Hafiza,
inculpés d'infraction à la législation sur les stupéfiants et intérêt à la fraude, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris du 10 août 1989 qui a refusé d'annuler des actes de l'information.
LA COUR,
Vu l'ordonnance en date du 25 octobre 1989 par laquelle le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat des pourvois en application des articles 570 et 571 du Code de procédure pénale ;
Vu les mémoires produits ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Georges Y..., Florence Z... et Hafiza B... et pris de la violation des articles 679, 681, 688, 84 et 171 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation de la procédure diligentée à compter du 24 novembre 1988 à 15 heures 55 ;
" alors, d'une part, que lorsqu'un officier de police judiciaire est susceptible d'être inculpé d'un délit commis dans l'exercice de ses fonctions, le procureur de la République doit présenter sans délai requête à la chambre criminelle aux fins de désignation de la juridiction chargée de l'instruction ; qu'en l'espèce, le procureur de la République de Bobigny était en possession d'un rapport de l'OCTRIS, mettant nommément en cause, à l'occasion d'un trafic de stupéfiants, Y... et X..., officiers de police judiciaire ; que le Parquet ne pouvait donc procéder ni à des constatations, ni à deux auditions, et devait présenter immédiatement, au seul vu de ce rapport, la requête prévue aux articles 679 et 681 du Code de procédure pénale ; qu'ainsi, c'est à tort que la chambre d'accusation a refusé d'annuler les actes datés du 24 novembre à 15 heures 55, 17 heures 24 et 17 heures 39, ainsi que la procédure subséquente ;
" alors, d'autre part, que, après que le Parquet a présenté la requête aux fins de désignation, et dans l'attente de celle-ci, la procédure ne peut être poursuivie dans les termes du droit commun et un juge d'instruction désigné que dans la mesure où il y a urgence-que l'ordonnance du 24 novembre 1988 désignant Mme Costefloret comme juge d'instruction ne constate pas l'urgence ; qu'aucune urgence n'était caractérisée en l'espèce-qu'enfin, l'urgence ne saurait résulter de la prétendue nécessité de mettre les intéressés en détention, une telle mesure étant illégale comme l'ont révélé des arrêts postérieurs à la chambre d'accusation approuvés par la chambre criminelle " ;
Attendu, d'une part, qu'avant de présenter requête le 24 novembre 1988 à la Cour de Cassation en vue de la désignation d'un juge d'instruction, par application de l'article 687 du Code de procédure pénale, le procureur de la République qui avait connaissance que les infractions qui lui étaient dénoncées auraient été commises par des officiers de police judiciaire, identifiés, dans la circonscription où ceux-ci avaient compétence pour agir, avait le pouvoir de procéder aux vérifications qu'il estimait utiles ;
Que, d'autre part, les dispositions de l'article 688 du Code de procédure pénale qui prévoient que, jusqu'à la désignation de la juridiction compétente, la procédure est suivie conformément aux règles de compétence du droit commun, permettaient au ministère public de requérir l'ouverture d'une information, dont l'urgence est présumée, dès lors que la requête susvisée était en même temps établie ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le second moyen de cassation proposé par les mêmes demandeurs et pris de la violation des articles 173, 679, 681 du Code de procédure pénale, du principe de l'autorité de la chose jugée, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation de la procédure diligentée à compter du 24 novembre 1988 à 15 heures 55 ;
" aux motifs que l'ouverture de l'information repose sur la chose matérielle ayant fait l'objet des scellés annulés, à savoir de l'héroïne ; que la matière même du scellé n'était pas atteinte par l'annulation et qu'il était possible de demander aux deux premiers enquêteurs, dont le rapport n'avait pas été annulé, de s'expliquer sur la provenance du stupéfiant déposé au greffe ;
" alors, d'une part, que la première procédure avait été annulée à partir du réquisitoire introductif du 9 mars 1988 ; que cette annulation atteignait non seulement la confection des scellés mais la saisie même du stupéfiant effectuée à l'occasion de cette procédure ; qu'elle atteignait également le rapport des deux enquêteurs qui avaient procédé à l'enquête, à la saisie et à la confection des scellés ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a méconnu l'étendue de la nullité prononcée par des décisions définitives ;
" alors, d'autre part, que l'interdiction de puiser aucun renseignement dans les actes annulés d'une procédure s'étend à tout artifice qui est de nature à reconstituer la substance des actes annulés ; qu'en l'espèce, les constatations et auditions des enquêteurs ayant agi dans le cadre de la procédure annulée auxquelles a procédé le Parquet, le 24 novembre 1988, entre 15 heures 55 et 18 heures 10, avait pour seul objet de reconstituer partie de la procédure annulée en raison de l'inobservation des formalités substantielles et d'ordre public des articles 679 et 681 du Code de procédure pénale ; qu'ainsi, ces actes devaient être également annulés, ainsi que toute la procédure subséquente " ;
Et sur le moyen unique de cassation proposé pour René X... et pris de la violation des articles 173 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à mémoire régulièrement déposé, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation de la procédure ;
" aux motifs que par arrêt du 24 novembre 1988, la chambre d'accusation de la cour de Paris a annulé l'ensemble de la procédure d'information exception faite du rapport de l'Office central des stupéfiants (OCTRIS) du 9 mars 1988, du réquisitoire introductif et de l'arrêt de désignation du juge d'instruction de Bobigny ; que par arrêt du 21 décembre 1988, la chambre criminelle de la Cour de Cassation a cassé cette décision seulement en ce qu'elle n'avait pas prononcé la nullité du réquisitoire introductif et a annulé cet acte ; que dans leurs mémoires, les conseils des inculpés soutiennent que l'information actuelle a été intégralement réalisée à partir de la procédure annulée, mais que, dans le cas d'espèce, il ne s'agit pas d'exploiter des copies de pièces annulées mais la matière non concernée par cette annulation, le stupéfiant ; que la thèse selon laquelle l'étiquette jointe aux scellés faisait partie du dossier ne peut être admise, l'étiquette en question n'étant que l'identification matérielle des objets et faisant corps avec eux et qu'il était donc possible de demander aux premiers enquêteurs, dont le rapport n'avait pas été annulé, de s'expliquer sur la provenance du stupéfiant déposé au greffe sans que l'on puisse parler d'un subterfuge destiné à reconstituer des actes annulés ;
" alors, d'une part, qu'il se déduit des termes de l'article 173 du Code de procédure pénale qu'il est interdit non seulement de puiser des renseignements dans une procédure annulée, mais encore d'user de procédés ou artifices tendant à reconstituer la procédure annulée ; qu'ainsi que le soutenait le demandeur dans son mémoire régulièrement déposé, l'audition le 24 novembre 1988 par le procureur de la République de Bobigny de l'inspecteur de police qui avait confectionné les scellés et de l'inspecteur de police qui avait procédé aux surveillances sur la commission rogatoire qui avait été délivrée le 9 juillet 1988 constituait un procédé tendant à reconstituer la procédure annulée et que dès lors, en refusant d'annuler la procédure qui lui était soumise, l'arrêt attaqué a violé par fausse application l'article 173 du Code de procédure pénale et les droits de la défense ;
" alors, d'autre part, que la Cour de Cassation est en mesure de vérifier qu'aucune mention relative au nom des inspecteurs entendus le 24 novembre 1988 ne figure dans le rapport de l'OCTRIS du 9 mars 1988, seule pièce de fond qui subsistait de la procédure précédemment annulée et que, dès lors, l'arrêt ne pouvait se fonder sur l'existence de ce rapport pour déclarer régulières les auditions litigieuses " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'aux termes de l'article 173 du Code de procédure pénale les actes annulés sont retirés du dossier d'information et il est interdit d'y puiser aucun renseignement contre les parties au débat ; que cette interdiction doit s'étendre à tout procédé ou artifices qui serait de nature à reconstituer, au mépris de ce texte, la substance des actes annulés ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'après annulation, pour méconnaissance des dispositions de l'article 687 du Code de procédure pénale, par arrêt de la chambre d'accusation du 24 novembre 1988, des actes de l'information ouverte le 9 mars 1988 ayant entraîné l'inculpation des quatre demandeurs des chefs d'infraction à la législation sur les stupéfiants et intérêt à la fraude, le procureur de la République, se fondant sur la présence au greffe du tribunal correctionnel de scellés dont les étiquettes mentionnaient qu'ils contenaient des stupéfiants, a procédé à l'audition des officiers de police judiciaire ayant participé à la découverte des objets et produits en cause et à la confection desdits scellés ;
Que ces enquêteurs ont précisé, le 24 novembre 1988, les conditions dans lesquelles le 24 juin 1988, lors d'une surveillance organisée à l'aéroport de Roissy, avait été observé le comportement de Y... et X... puis comment avaient été saisis dans une chambre d'hôtel, retenue par Florence Z... et dont Hafiza B... avait la clé, les objets et stupéfiants placés sous les scellés déposés au greffe du Tribunal ; que le procureur de la République a, ensuite, le même jour, requis l'ouverture d'une nouvelle information contre René X..., Georges Y..., Florence Z... et Hafiza B... des mêmes chefs et à raison des mêmes faits que ceux, objet de l'information précédente annulée ;
Attendu que, pour considérer que l'audition par un magistrat du ministère public des deux officiers de police judiciaire ne caractérisait pas la reconstitution par artifice des procès-verbaux ayant constaté la saisie pratiquée le 24 juin 1988, annulés par l'arrêt du 24 novembre 1988 avec l'ensemble des actes de l'information ouverte le 9 mars 1988, les juges énoncent que les dispositions de l'article 173 du Code de procédure pénale ne s'appliquent pas lorsqu'il s'agit de procédures distinctes, que les objets eux-mêmes ne sont pas atteints par l'annulation et que les étiquettes apposées sur les scellés ne sont que " l'identification matérielle des objets et font corps avec eux " ;
Mais attendu qu'il résulte de la procédure que les objets et stupéfiants saisis le 24 juin 1988 l'ont été au cours de l'exécution d'une commission rogatoire, délivrée par le juge d'instruction, annulée, ainsi que tous les actes de l'information dans laquelle elle s'inscrivait, par l'arrêt du 24 novembre 1988, devenu définitif ; qu'ainsi l'audition le même jour, par un magistrat du ministère public, des officiers de police judiciaire ayant pratiqué la saisie en vertu de cette commission rogatoire ne vise qu'à reconstituer les procès-verbaux rapportant les circonstances dans lesquelles ladite saisie a été opérée et la relation pouvant exister entre celle-ci et les inculpés ; que si, après annulation d'une saisie, rien n'interdit d'en opérer une nouvelle, ce qui n'a pas été le cas, les actes relatifs à la procédure annulée sont réputés inexistants, y compris ceux qui rattachent les objets à cette procédure ;
Qu'enfin l'information requise le 24 novembre 1988, portant sur les mêmes faits et visant les mêmes inculpés que celle ouverte le 9 mars 1988 dont l'annulation a été prononcée, ne saurait, au regard de l'article 173 du Code de procédure pénale, être considérée comme une procédure complètement distincte de celle précédemment suivie dans laquelle elle trouve son origine ;
D'où il suit qu'en se prononçant comme elle l'a fait la chambre d'accusation a méconnu les textes visés au moyen et que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions, l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris du 10 août 1989,
Et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 89-85607
Date de la décision : 23/01/1990
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

INSTRUCTION


Références :

Code de procédure pénale 173
Code de procédure pénale 687
Code de procédure pénale 688

Décision attaquée : Chambre d'Accusation de Paris, 10 août 1989


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 jan. 1990, pourvoi n°89-85607, Bull. crim. criminel 1990 N° 42 p 115
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1990 N° 42 p 115

Composition du Tribunal
Président : M Berthiau, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : MME PRADAIN
Rapporteur ?: MR ZAMBEAUX
Avocat(s) : SCP CLAIRE WAQUET , H. FARGE ET H. HAZAN, SCP PIWNICA ET MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1990:89.85607
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award