LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice, à PARIS, le quinze janvier mil neuf cent quatre vingt dix, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller HEBRARD, les observations de la société civile professionnelle MASSEDESSEN, GEORGES et THOUVENIN et de Me BLANC, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ROBERT ; Statuant sur le pourvoi formé par :
X... Daniel
contre l'arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de LIMOGES en date du 10 mars 1989 qui, pour escroqueries, l'a condamné à 5 000 francs d'amende et qui a prononcé sur les réparations civiles ; Vu les mémoires produits tant en demande qu'en défense ; Sur le moyen unique pris de la violation des articles 405 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ; "en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X..., masseur-kinésithérapeute, coupable d'escroquerie ; "aux motifs que le prévenu ne respectait pas la nomenclature nationale et facturait à la Caisse des soins avec un supérieur à celui prévu et à celui prescrit par le docteur, et qu'il n'est pas contesté que sur certaines ordonnances, le prévenu rajoutait la mention "en piscine" sur une ordonnance médicale qui ne le prévoyait pas ; "alors que, d'une part, le simple mensonge n'est pas punissable s'il ne s'agit d'une simple allégation qui n'est pas corroborée et appuyée par des éléments externes destinés à lui donner force et crédit, qu'en l'espèce les allégations prétendument mensongères du prévenu se trouvaient consignées dans les documents versés aux débats, bulletins d'entente préalable et ordonnances médicales, qui ne pouvaient constituer des éléments extérieurs caractérisant des manoeuvres frauduleuses, que, dès lors, à défaut de constater tout autre élément extérieur, la cour d'appel a violé l'article 405 du Code pénal ; "alors que, d'autre part, en ne relevant pas que les cotations et modifications d'ordonnances n'étaient pas conformes à l'intérêt médical des patients, la cour d'appel n'a pas davantage caractérisé le caractère chimérique du but des manoeuvres imputées au prévenu, et violé encore l'article 405 du Code pénal."
Vu lesdits articles ; Attendu que le juge correctionnel ne peut prononcer une peine en raison de divers faits qu'il qualifie délits qu'autant qu'il constate l'existence des circonstances exigées par la loi pour que tous les faits soient punissables ; Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que Daniel X..., masseur-kinésithérapeute, à l'occasion des remboursements directs par la caisse d'assurance maladie de la HauteVienne, des soins prodigués à ses clients, a, d'une part, majoré le montant de ses honoraires en appliquant un coefficient supérieur à celui qui correspondait aux actes prescrits par le d médecin traitant ; que d'autre part il a personnellement surchargé quatre ordonnances médicales en y ajoutant la mention "soins à donner en piscine", ce qui lui a permis d'obtenir le paiement d'honoraires en partie indus ; Attendu que pour ces divers agissements X... a été poursuivi sous la prévention d'escroquerie ; que les juges du second degré ont retenu à sa charge l'ensemble de ces faits et ont fait droit à la demande de la caisse de sécurité sociale, partie civile, en condamnant le prévenu à réparer toutes leurs conséquences dommageables ; Mais attendu que si la cour d'appel a relevé à bon droit que les faux matériels commis sur les ordonnances médicales visées à la prévention, constituaient des manoeuvres frauduleuses au sens de l'article 405 du Code pénal, elle ne pouvait en revanche retenir comme constitutifs d'une escroquerie, les dépassements des tarifs pratiqués par le prévenu lesquels ne constituaient que de simples mensonges écrits, sans caractériser aucun acte extérieur de nature à donner à ceux-ci force et crédit ; Que, dès lors, en raison de l'indivisibilité entre la déclaration de culpabilité, la peine prononcée et les réparations allouées, l'arrêt attaqué encourt la cassation totale ; Par ces motifs,
CASSE et ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Limoges en date du 10 mars 1989, et pour être jugé à nouveau conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Poitiers, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Limoges, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Où étaient présents :
MM. Tacchella conseiller le plus ancien faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Hébrard conseiller rapporteur, Souppe, Gondre, Hecquard, Carlioz conseillers de la chambre, Bayet, de Mordant de Massiac conseillers référendaires, M. Robert avocat général, Mme Gautier greffier de chambre ;