LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le quatre janvier mil neuf cent quatre vingt dix, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire RACT-MADOUX, les observations de Me CHOUCROY, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général PRADAIN ; Statuant sur le pourvoi formé par :
X... Pierre,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 23 mars 1989 qui, pour complicité de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue, l'a condamné à 3 mois d'emprisonnement avec sursis, à 100 000 francs d'amende, ainsi qu'à des réparations civiles ; Vu le mémoire produit ; Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 59 et 60 du Code pénal, 1er de la d loi du 1er août 1905 modifié, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ; " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le demandeur coupable de complicité du délit de tromperie sur la qualité du produit vendu ; " aux motifs que la société X...et Fils, dont le demandeur est le responsable, a vendu à Z..., propriétaire du Château Gandoy Perrinat du vin de table français totalisant 396 hectolitres de vin ; que cette livraison était accompagnée de 87 titres de mouvements congés portant le nom des clients de Z... dans le Lot et ont donné lieu à l'établissement de quatre factures globales payées en espèces ; que ce vin a été livré par le chauffeur de X...et non par son transporteur habituel directement dans les chais de Z... à Sauveterre de Guyenne et que ce dernier l'a fait mettre aussitôt dans des cuves pour le mélanger ensuite avec la production AOC de sa propriété viticole vendue comme étant la récolte de 1984 ; qu'il apparaît que Z... a contacté directement X...en raison des difficultés éprouvées pour satisfaire sa clientèle eu égard au déficit de la récolte de 1984 ; que le demandeur lui a indiqué comment procéder et la marche à suivre, Z... lui ayant fourni la liste des clients fictifs provenant d'une région du Lot dont Z... est originaire ; qu'enfin X...a donné des directives générales à sa secrétaire pour les livraisons et les conditions de paiement ; que les contradictions existant entre les mentions apposées sur les congés et les conditions de la livraison effectuée par le chauffeur de X...et non par son transporteur habituel, dans les chais mêmes de Z..., les modalités de paiement effectué en espèces en plusieurs fois par Z... au nom de A...prouvent bien que le demandeur était d'accord pour que ces irrégularités permettent de dissimuler la destination frauduleuse de ce vin de table ; qu'il ne pouvait ignorer le caractère mensonger et irrégulier de ces opérations ; " alors que, d'une part, manque de base légale par contradiction de motifs, l'arrêt correctionnel qui, s'appuyant sur les déclarations de Mme Y..., secrétaire du demandeur, (attestation du 20 juin 1988) desquelles il résultait que celle-ci s'était occupée seule de tous les détails de l'opération, qu'il s'agisse du transfert et du règlement sans en informer le demandeur et déclare puiser dans cette attestation l'intention frauduleuse de celui-ci, laquelle est contredite par les termes mêmes de l'attestation ; " alors, d'autre part, que la cour d'appel a omis de répondre aux
chefs péremptoires des conclusions d'appel du demandeur soulignant qu'il avait vendu à perte les 396 hectolitres de vin de Z..., perte s'élevant à la somme de 144 320 francs en sorte que l'opération n'était pas destinée à équilibrer le bilan et excluait donc la mauvaise foi de X...; " alors, enfin, que la cour d'appel a statué par des motifs insuffisants pour écarter tous les moyens invoqués par le demandeur propres à exclure sa mauvaise foi et se borne à énoncer qu'il ne pouvait ignorer le caractère mensonger et irrégulier de ces opérations, se fondant ainsi sur une pure supposition, insusceptible de caractériser la connaissance effective des irrégularités de l'opération et a privé sa décision de base légale " ; Attendu qu'il est reproché au prévenu d'avoir en 1985 et 1986 vendu à Z..., propriétaire du Château Gandoy Perrinat, du vin de table français que ce dernier a fait mettre dans ses cuves pour le mélanger ensuite avec du vin d'appelation d'origine contrôlée de sa propriété vendu comme provenant de la récolte de 1984 ; Attendu que pour retenir la culpabilité du prévenu du chef de complicité de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue, et écarter l'argumentation de celui-ci qui soutenait qu'il ignorait l'usage qui allait être fait par Z... du vin qu'il lui avait vendu, la cour d'appel énumère les divers éléments qui fondent sa conviction de la mauvaise foi de l'intéressé, notamment les déclarations de Z... et de Mme Y..., secrétaire de X..., les contradictions entre les mentions figurant sur les congés et les conditions de livraison, les modalités de paiement effectué en espèces et la qualité de X..., négociant avisé ; Attendu qu'en l'état de ces énonciations qui relèvent du pouvoir souverain d'appréciation par les juges du fond des éléments de preuve qui leur étaient soumis, la cour d'appel a justifié sa décision ; Que le moyen doit dès lors être écarté ; Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de la violation des articles 1182 du Code civil, 2, 3, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ; " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable la constitution de partie civile de la Ligue des viticulteurs de la Gironde et a condamné le demandeur à verser à celle-ci la somme de 5 000 francs à titre de dommages et intérêts ; " au seul motif qu'eu égard aux justifications produites, il sera alloué à la partie civile la somme de 5 000 francs à titre de dommages et intérêts ; " alors que l'action civile ne peut être exercée devant les juridictions pénales que par celui qui a subi un préjudice personel prenant directement sa source dans l'infraction poursuivie ; que tel n'est pas le cas d'une association qui n'entre pas dans les prévisions des articles 2. 1 et suivants du Code de procédure pénale et dont le préjudice allégué n'est pas distinct du préjudice social dont la réparation est assurée par l'exercice même de l'action publique " ; Attendu que le moyen fait vainement grief à la cour d'appel d'avoir accordé des dommages et intérêts à la Ligue des viticulteurs de la Gironde dès lors que ce syndicat professionnel a notamment pour objet la protection des intérêts de la viticulture girondine, et que les fraudes ainsi révélées, en perturbant le jeu du marché et en ternissant l'image des viticulteurs girondins, a porté atteinte à l'ensemble de la profession ;
Que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents :
M. Le Gunehec président, Mme Ract-Madoux conseiller rapporteur, MM. Morelli, de Bouillane de Lacoste, Jean Simon, Blin, Alphand conseillers de la chambre, Louise, Maron conseillers référendaires, Mme Pradain avocat général, Mme Gautier greffier de chambre ;
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;