AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Monsieur Jean A..., demeurant anciennement à Mehun Sur Yevre (Cher), 13, place de l'Eglise, Marmagne, et actuellement à Marcilly-en-Gault (Loire-et-Cher),
en cassation d'un arrêt rendu le 2 juin 1987 par la cour d'appel de Bourges (1ère chambre civile), au profit de Madame Z... née Y... Monique, demeurant anciennement à Bourges (Cher), ..., et actuellement à Mehun-Sur-Yevre (Cher), ...
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 14 novembre 1989, où étaient présents : M. Jouhaud, président, M. Massip, conseiller rapporteur, MM. X... Bernard, Viennois, Grégoire, Lesec, Zennaro, Bernard de Saint-Affrique, Thierry, Averseng, Mabilat, conseillers, M. Charruault, conseiller référendaire, M. Dontenwille, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Massip, les observations de la SCP Defrenois et Levis, avocat de M. A..., les conclusions de M. Dontenwille, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne défaut contre Mme Z... ;
Attendu que Jean A... et Jacqueline Y... se sont mariés le 28 mai 1968 sous le régime de la communauté légale ; que l'épouse est décédée le 17 janvier 1983 laissant pour lui succéder son mari donataire de l'usufruit de l'universalité de ses biens et sa fille, Mme Monique Y..., épouse Z..., née avant son mariage ; que Mme Z... a assigné M. A... en liquidation partage de la succession et de la communauté conjugale et a demandé la licitation d'un ensemble immobilier, pour partie à usage commercial et pour partie à usage d'habitation, dépendant de cette communauté conjugale ; qu'elle a en outre soutenu que M. A... devait récompense à la communauté pour l'amélioration du fonds de commerce, qui lui était propre, exploité dans l'immeuble commun ; que l'arrêt attaqué a ordonné la licitation de l'immeuble et a commis un expert pour déterminer le montant de la recompense due par M. A... ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches, tel qu'il est énoncé au mémoire en demande et reproduit en annexe :
Attendu que M. A... reproche à l'arrêt attaqué d'avoir admis le principe d'un droit à récompense de la communauté et d'avoir ordonné une expertise pour déterminer le montant de ce droit ;
Attendu que la cour d'appel a estimé, motivant ainsi sa décision contrairement à ce que soutient la première branche du moyen, qu'il résultait des nombreux documents versés aux débats que d'importants travaux financés par la communauté avaient été faits pour l'exploitation du commerce de boucherie appartenant en propre à M. A... et que de nombreux matériels avaient été acquis ou aménagés aux frais de la communauté ; que la seconde branche du moyen est nouvelle et que, mélangée de fait et de droit elle est irrecevable ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;
Le rejette ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche ;
Vu l'article 815-5, alinéa 2, du Code civil, dans sa rédaction de la loi du 31 décembre 1976, applicable en la cause ;
Attendu qu'aux termes de ce texte le juge ne peut, sinon aux fins de partage, autoriser la vente de la pleine propriété d'un bien grevé d'usufruit contre la volonté de l'usufruitier ;
Attendu que pour ordonner la licitation de l'immeuble grevé d'usufruit au profit de M. A... l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte de cette disposition qu'à la demande d'un héritier nu propriétaire la vente aux enchères publiques d'un immeuble peut être judiciairement ordonnée en dépit de l'opposition du conjoint survivant commun en biens et institué par le de cujus légataire en usufruit de la totalité de la succession ;
Attendu cependant qu'en l'absence d'indivision entre l'usufruitier et le nu-propriétaire dont les droits sont de nature différente, il ne peut y avoir lieu à partage entre eux ; qu'il s'ensuit qu'en décidant la licitation en pleine propriété de l'immeuble grevé d'usufruit alors qu'une telle licitation n'aurait pu être ordonnée que pour réaliser un partage de la jouissance la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux autres branches du moyen ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a ordonné la vente aux enchères publiques de la pleine propriété de l'immeuble sis 13 place de l'église à Marmagne, l'arrêt rendu d d le 2 juin 1987, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne Mme Z..., envers M. A..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Bourges, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du treize décembre mil neuf cent quatre vingt neuf.