LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1°) M. Michel, André Y..., demeurant à Vierzon (Cher), ...,
2°) Mme F..., Michelle H..., divorcée Y..., demeurant à Mereau, Lury-sur-Arnon (Cher), lieu-dit Autry,
3°) M. Bernard, Guy, André G..., époux B..., demeurant à Vierzon (Cher), ...,
4°) Mme Anne-Marie B..., épouse G..., demeurant à Vierzon (Cher), ...,
5°) M. Gérard, Augustin A..., demeurant à Saint-Doulchard (Cher), ...,
6°) Mme Claudine, Marcelle X..., épouse A..., demeurant à Saint-Doulchard (Cher), ...,
7°) M. Daniel E..., demeurant à Bourges (Cher), 2, place des Quatre Piliers,
8°) Mme D..., Gérondine, Pierrette I..., épouse E..., demeurant à Bourges (Cher), 2, place des Quatre Piliers,
en cassation d'un arrêt rendu, le 15 avril 1987, par la cour d'appel de Bourges (1re Chambre), au profit du CREDIT D'EQUIPEMENT DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES, dont le siège est à Paris (2e), ...,
défendeur à la cassation ; Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 24 octobre 1989, où étaient présents :
M. Jouhaud, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Kuhnmunch, rapporteur, MM. Z... Bernard, Massip, Viennois, Zennaro, Fouret, Bernard de Saint-Affrique, Averseng, Pinochet, Mabilat, Lemontey, conseillers, Mme C..., M. Savatier, conseillers référendaires, M. Sadon, premier avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Kuhnmunch, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat des consorts Y..., des époux G..., des époux A... et des époux E..., de la SCP Urtin-Petit et Rousseau-Van Troeyen, avocat du Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises, les conclusions de M. Sadon, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que la Caisse nationale des marchés de l'Etat (CNME), aux droits de laquelle se trouve le Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises (CEPME), a, en 1978, garanti des prêts consentis à quatre sociétés à responsabilité limitée et destinés à l'acquisition des murs de locaux commerciaux dans une galerie marchande ainsi qu'à l'aménagement des surfaces ;
que la société Prism, initiatrice de l'opération et associée majoritaire de ces sociétés, en avait provoqué la création en 1978 ; que l'engagement de la CNME était notamment subordonné à l'inscription
d'un nantissement de premier rang sur les fonds de commerce, à celle d'une hypothèque de même rang sur les immeubles ainsi qu'à la sous-inscription de cautionnements solidaires par les gérants des SARL, les conjoints de ceux-ci et la société Prism ; que ces cautionnements ont été souscrits en mai et juillet 1978 avec renonciation au bénéfice de subrogation ; que les emprunteurs n'ayant pas remboursé leurs dettes, le CEPME, dont la garantie avait été mise en jeu, a obtenu, par l'arrêt infirmatif attaqué (Bourges, 15 avril 1987), la condamnation des époux E..., A..., G... ainsi que de M. Y... et de son ancienne épouse, qui s'étaient respectivement portés cautions de chacune des quatre SARL, au remboursement des emprunts, la société Prism ayant, en 1979, été mise en règlement judiciaire converti en liquidation des biens ; Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que les cautions font grief à l'arrêt attaqué de les avoir ainsi condamnées alors que, selon le moyen, d'une part, la caution est déchargée si le créancier, manquant à son obligation de contracter de bonne foi, s'abstient de l'informer de la situation irrémédiablement compromise du débiteur et alors que, d'autre part, la cour d'appel n'a pas répondu à des conclusions faisant valoir que la CNME, en tant que professionnelle du crédit, devait informer les cautions, dépourvues de toute connaissance commerciale, sur la portée économique et financière de leurs engagements ; Mais attendu que la CNME ne pouvait être tenue d'informer les cautions que dans la mesure où cet organisme avait eu connaissance de la situation irrémédiablement compromise du débiteur, ce qui n'est pas établi en l'espèce, l'arrêt attaqué ayant relevé que les crédits garantis avaient été ouverts au vu de dossiers constitués par une société de caution mutuelle dont étaient membres les différentes sociétés emprunteuses ; qu'ainsi, répondant aux conclusions invoquées, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ; Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il est encore reproché à la cour d'appel d'avoir admis que la renonciation des cautions
au bénéfice de subrogation était valable comme étant intervenue avant l'entrée en vigueur de la loi du 1er mars 1984, ayant modifié l'article 2037 du Code civil, alors que, selon le moyen, la règle d'ordre public édictée par cette loi s'applique aux contrats en cours et, par conséquent, à toutes les actions dirigées contre les cautions ;
Mais attendu que l'article 62 de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984 a prévu que les dispositions de ce texte entreraient en vigueur à partir de la publication des décrets pris pour son application et, au plus tard, un an après sa promulgation ; que l'article 2037 du Code civil, modifié par l'article 49 de cette loi, qui ne présente aucun caractère interprétatif, n'est, dès lors, pas applicable aux cautionnements souscrits antérieurement à cette entrée en vigueur ; que le moyen n'est donc pas fondé ; Et sur le troisième moyen :
Attendu qu'il est enfin fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir statué comme il a fait aux motifs que les cautions ne pouvaient se prévaloir ni d'une erreur sur l'existence des sûretés que devait obtenir la CNME, ni d'une négligence de cet organisme dans l'accomplissement des formalités nécessaires à leur efficacité alors que, selon le moyen, la cour d'appel n'a pas réfuté les motifs du jugement qu'elle a infirmé selon lesquels les cautions pouvaient s'estimer déchargées de leur engagement en application de l'article 2037 du Code civil puisqu'il résultait de différents éléments que la CNME n'avait pu obtenir qu'une hypothèque de second rang et que les radiations dont elle faisait état n'étaient que partielles et donc non susceptibles de procurer à cet établissement une hypothèque de premier rang ; Mais attendu que la cour d'appel a relevé "qu'il résultait des états de renseignements versés aux débats que la CNME disposait actuellement, à la suite des formalités effectuées par elle courant juin et juillet 1978, d'hypothèques en premier rang sur les immeubles appartenant aux sociétés... au même titre qu'un nantissement en premier rang des fonds de commerce concernés" ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision et que le moyen ne peut donc être accueilli ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;