LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE,
a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Monsieur André Y..., demeurant ... à Forges-les-Eaux (Seine-Maritime),
en cassation d'un arrêt rendu le 18 novembre 1986 par la cour d'appel de Rouen (Chambre sociale), au profit de Monsieur Jean X..., demeurant Hameau de Frétancourt, Roncherolles-en-Bray, Forges-les-Eaux (Seine-Maritime),
défendeur à la cassation ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 11 octobre 1989, où étaient présents :
M. Goudet, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Renard-Payen, conseiller rapporteur, M. Hanne, conseiller, MM. Feydeau, Laurent-Atthalin, conseillers référendaires, M. Dorwling-Carter, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Renard-Payen, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard, avocat de M. Z..., les conclusions de M. Dorwling-Carter, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; ! - Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 18 novembre 1986), que M. X..., engagé verbalement le 13 juillet 1981 par M. Z... en qualité de cadre technique et commercial, a été licencié le 11 juin 1982 avec dispense de préavis, pour insuffisance professionnelle et mésentente ; Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le licenciement du salarié était intervenu sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que, de première part, M. Z... faisait valoir dans ses conclusions devant la cour d'appel que ses relations avec M. X... étant dépourvues de tout formalisme, c'est à travers de nombreux incidents, contacts et observations, même réduits à leur plus simple expression, que dès le début de l'année 1982, une mésentente réelle qui portait gravement atteinte à la bonne marche de l'entreprise s'était instaurée dans leurs rapports ; que la cour d'appel, qui a totalement délaissé ces conclusions pertinentes, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, de deuxième part, la détérioration grave du climat entre un employeur et un salarié cadre constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement au regard des intérêts de l'entreprise, spécialement lorsque la petite taille de cette dernière exige de bonnes relations professionnelles entre les personnes, peu important que cette situation ne soit pas imputable au seul salarié ; qu'après avoir constaté l'existence de heurts violents entre M. Z... et M. X..., dénotant une absence certaine de confiance de la part du premier, la cour d'appel qui, pour estimer insuffisants
les motifs invoqués par l'employeur, énonce que M. Z... n'explicite pas les actes ou paroles de M. X... ayant motivé sa colère, s'est bornée, par un motif erroné, à substituer son appréciation à celle de l'employeur sur le danger que présentait pour son
entreprise le maintien de la présence du cadre ; qu'elle a ainsi fait une fausse application de l'article L. 122-14-3 du Code du travail ; alors que, de troisième part, la cour d'appel ne pouvait, sans contradiction, constater que l'employeur invoquait à l'encontre de M. X... une méconnaissance des problèmes de chantier et un défaut d'autorité sur les ouvriers, en s'appuyant notamment sur un sondage effectué auprès du personnel dont le résultat était défavorable au cadre, et déclarer en même temps que M. Z... ne s'expliquait pas sur les faits qui auraient caractérisé l'insuffisance professionnelle de son cadre ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a donc violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, de quatrième part, l'employeur responsable de la bonne marche de l'entreprise est seul juge, sauf détournement de pouvoir, de l'aptitude professionnelle de chacun de ses salariés ; que dès lors, en écartant, après avoir retenu arbitrairement les seules attestations favorables à M. X... de certains salariés et de son ancien employeur, le grief en apparence réel et sérieux d'insuffisance professionnelle invoqué par M. Z... à l'encontre du cadre qui avait reçu de nombreuses observations verbales à propos de la mauvaise surveillance des chantiers, la cour d'appel a derechef substitué son appréciation à celle de l'employeur à l'encontre duquel aucun détournement de pouvoir n'était cependant relevé ; que la cour d'appel ainsi a fait une inexacte application de l'article L. 122-14-3 du Code du travail ; Mais attendu qu'appréciant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a constaté que les griefs de l'employeur à l'égard du salarié n'étaient pas établis ; qu'en l'état de ces constatations, les juges du fond, ont décidé, dans l'exercice des pouvoirs qu'ils tiennent de l'article L. 122-14-3 du Code du travail, par une décision motivée, que le licenciement ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse ; Sur le second moyen :
Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir condamné l'employeur à verser des dommages-intérêts à son salarié pour préjudice moral, alors, selon le moyen, que, d'une part, la cour d'appel ne pouvait se fonder uniquement sur le fait que ce
travail était sans rapport avec celui effectué jusque-là par M. X... pour en déduire qu'il s'agissait d'une sanction revêtant un caractère malveillant et humiliant, sans rechecher si, comme le soutenait l'employeur, la nature et la taille de l'entreprise n'impliquaient pas que chacun puisse y exercer des activités très diverses, de sorte que le travail commandé entrait dans les fonctions normales du cadre ;
que la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ; et alors que, d'autre part, et en toute hypothèse, faute de s'être expliquée sur le fait que M. X... avait accepté d'effectuer les tâches demandées sans jamais prétendre qu'elles n'entraient pas dans ses fonctions -circonstance qui lui interdisait de se prévaloir de la situation pour demander des dommages-intérêts, la cour d'appel a encore privé de base légale sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ; Mais attendu que la cour d'appel a constaté que M. Z... avait imposé à M. X... un travail de terrassement et de maçonnerie commandé devant le personnel comme une sanction humiliante et sans objet, revêtant un caractère malveillant générateur d'un préjudice moral ; qu'elle a ainsi justifié sa décision ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;