LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE,
a rendu l'arrêt suivant :
Sur les pourvois formés par :
1°/ Monsieur Jean-Christian X..., demeurant à Sagone (Corse),
2°/ Monsieur Julien-Frédéric Z..., demeurant à Chamonix (Haute-Savoie), ...,
3°/ Monsieur Alain Y..., demeurant à Forges Les Eaux (SeineMaritime), ..., appartement 82,
en cassation des arrêts rendus le 23 juillet 1986 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale), au profit de la société anonyme SOCIETE IMMOBILIERE ET HOTELIERE DE BAGNOLESDEL'ORNE (SIHB), dont le siège est à Bagnoles-del'Orne (Orne), Casino du Lac,
défenderesse à la cassation ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 3 octobre 1989, où étaient présents :
M. Guermann, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Blohorn-Brenneur, conseiller référendaire rapporteur, M. Saintoyant, conseiller, Mme Beraudo, conseiller référendaire, M. Graziani, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire Blohorn-Brenneur, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de MM. X..., Z... et Y..., de Me Foussard, avocat de la société SIHB, les conclusions de M. Graziani, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le moyen unique, commun aux trois pourvois :
Vu la connexité, joint les pourvois n°s 86-44.655, 8644.657 et 8644.658 ; Attendu que selon les arrêts attaqués (Caen, 23 juillet 1986), la Société immobilière et hôtelière de Bagnoles-de-l'Orne (SIHB) a confirmé à MM. X..., Z... et Y... leur engagement comme employés dans un casino, au jeu de la roulette, dont l'ouverture avait été fixée au 27 avril 1984 ; que n'ayant pas obtenu le renouvellement de l'autorisation d'exploiter le jeu de la roulette, la société a écrit, le 5 juin 1984, aux salariés que, par suite de ce cas de force majeure, ils devaient considérer leur lettre d'engagement comme nulle et non avenue ; Attendu que les salariés reprochent aux arrêts d'avoir dit que la résiliation du contrat de travail n'était pas imputable à la société, alors, selon le moyen, que si une autorisation d'ouverture de jeux peut toujours être retirée par l'autorité administrative, de telle sorte que ce retrait est susceptible de constituer la force majeure justifiant la rupture des contrats de travail des salariés employés à l'activité de jeu, par contre l'obtention de
cette autorisation ne constitue en aucun cas un droit ; que le refus d'autorisation étant ainsi prévisible, il ne peut constituer le cas de force majeure justifiant la rupture des contrats conclus antérieurement ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1er de la loi du 15 juin 1907 et 1147 du Code civil ; alors, surtout, que la convention collective nationale du personnel des jeux dans les casinos prévoit que constitue la force majeure les suppressions d'une ou des autorisations d'exploiter les jeux pour une cause non imputable à l'employeur, il en est autrement de la non-délivrance de cette autorisation ; que si les contrats que les parties envisageaient de signer contenaient une clause prévoyant la résiliation de plein droit des contrats en cas de refus d'agrément, il résulte des constatations des arrêts que ces contrats n'avaient pas été signés ; qu'en opposant néanmoins aux salariés cette clause contractuelle par laquelle ils n'étaient pas liés, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; et alors, en toute hypothèse, que les salariés avaient fait valoir que le directeur du casino avait à l'audience du conseil de prud'hommes explicitement reconnu avoir eu, dès le 19 avril 1984, connaissance officieuse du refus à intervenir ; qu'en se contentant d'examiner la lettre officielle du 19 avril, sans répondre à ces conclusions, dont il résultait qu'outre cette lettre, l'employeur disposait d'une information caractérisant le manque de prévision fautif de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu que la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, ayant constaté l'impossibilité absolue pour l'employeur d'exécuter les contrats de travail en raison d'une cause qui lui était étrangère et ne pouvait lui être imputée, a justifié sa décision de débouter les salariés de leur demande de dommages-intérêts pour rupture abusive ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;