LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
I - Sur le pourvoi n° Z 87-16.010 formé par la BANQUE POPULAIRE DE LORRAINE, dont le siège social est à Metz (Moselle), ...,
II - Sur le pourvoi n° M 88-10.298 formé par la SOCIETE GENERALE, dont le siège est à Paris (9e), ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 15 mai 1987 par la cour d'appel de Versailles (4e Chambre), au profit :
1°) de la SOCIETE NANCEIENNE DE CREDIT INDUSTRIEL ET VARIN-BERNIER, dont le siège social est à Nancy (Meurthe-et-Moselle), 4 place André Maginot,
2°) de la SOCIETE CIVILE DU CENTRE COMMERCIAL DE LA DEFENSE, dont le siège social est Tour Fiat, place de la Coupole, La Défense 6, Paris La Défense,
3°) du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU CENTRE COMMERCIAL DE LA DEFENSE, pris en la personne de son syndic, la société SERGECIM, dont le siège est à Puteaux Les Quatre Temps (Hauts-de-Seine), Parvis de la Défense,
4°) de M. Yves Z..., pris ès qualités de syndic de la liquidation des biens de la société ROUMEAS, demeurant ...,
5°) de M. Alain G..., pris ès qualités de syndic de la liquidation des biens de la société ELPI, demeurant à Nancy (Meurthe-et-Moselle), 1 place Carnot,
6°) de M. A..., pris ès qualités de syndic de la liquidation des biens de la société ROUMEAS, demeurant à Saint-Dizier (Haute-Marne), ..., en remplacement de M. Yves Z...,
défendeurs à la cassation ; La Société nancéienne de crédit industriel et Varin-Bernier, défenderesse au pourvoi principal, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ; Les demanderesses aux pourvois principaux invoquent un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; La défenderesse au pourvoi incident invoque un moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 18 juillet 1989, où étaient présents :
M. Defontaine, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Patin, rapporteur, MM. Y..., E..., C..., F..., B...
D..., MM. Vigneron, Edin, conseillers, M. Le Dauphin, conseiller référendaire, M. Curti, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Patin, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la Banque populaire de Lorraine et de la Société générale, de la SCP Jean et Didier Le Prado, avocat de la
Société nancéienne de crédit industriel et Varin-Bernier, de la SCP Boré et Xavier, avocat de la Société civile du centre commercial de la Défense et du syndicat des copropriétaires du centre commercial de la Défense, les conclusions de M. Curti, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Joint le pourvoi n° Z 87-16.010 formé par la Banque populaire de Lorraine et le pourvoi n° M 88-10.298 formé par la Société générale, ainsi que le pourvoi incident formé par la Société nancéienne de crédit industriel et Varin-Bernier, qui attaquent le même arrêt ; Donne défaut contre M. G... ès qualités, M. Z... ès qualités et M. A... ès qualités ; Sur le moyen unique de chacun des pourvois :
Vu les articles 35 et 40 de la loi du 13 juillet 1967 et l'article 55 du décret du 22 décembre 1967 ; Attendu que, si le créancier d'un débiteur en règlement judiciaire ou en liquidation des biens, lorsqu'il se prétend titulaire d'une créance de somme d'argent ayant une origine antérieure à l'ouverture de la procédure collective, peut invoquer le principe de la compensation, c'est à la condition qu'il ait produit cette créance entre les mains du syndic, ou qu'il ait été relevé de la forclusion encourue pour avoir produit hors délai, afin d'en faire vérifier l'existence et le montant, même si, à défaut de titre, le créancier est dans l'obligation de faire reconnaître son droit ; Attendu, selon l'arrêt attaqué et les pièces de la procédure, que la société civile immobilière du Centre commercial de la Défense (le centre commercial) a fait effectuer, à partir de juin 1976, différents travaux de construction dont une partie a été exécutée par la société Rouméas, suivant marché du 26 mai 1978 ; que cette dernière société a, par acte du 2 août 1978, donné ce marché en nantissement à la Banque populaire de Lorraine, à la Société générale et à la Société nancéienne de crédit industriel et Varin-Bernier (les banques), puis a été mise, le 21 novembre 1978, en règlement judiciaire ultérieurement converti en liquidation des biens ; que la société Rouméas ayant demandé le paiement de sommes qu'elle estimait lui rester dues sur le prix du marché, le centre commercial s'est prévalu de malfaçons constatées, sur les travaux effectués par cette société, par l'expert X... qui a déposé son rapport le 6 mars 1984 et a opposé
l'exception de compensation ; que les banques sont intervenues au litige pour demander que les sommes dues à la société Rouméas leur soient attribuées en application du nantissement consenti par celle-ci en leur faveur ; Attendu que, pour accueillir l'exception de compensation et rejeter par voie de conséquence les demandes ainsi formées, la cour d'appel a retenu que le centre commercial, maître de l'ouvrage, pouvait se prévaloir d'un principe de créance certain, que les créances réciproques entre le centre commercial et la société Rouméas, nées d'un même contrat, justifiaient une "compensation légale", que, sans qu'il soit besoin de fixer le montant de la créance dont le principe était reconnu comme étant certain, il convenait de renvoyer le centre commercial à produire entre les mains du syndic de la liquidation des
biens de la société Rouméas, étant observé qu'à défaut de titre, le centre commercial s'était trouvé dans l'obligation de faire reconnaître son droit et qu'il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir produit antérieurement, et enfin que les malfaçons invoquées par le centre commercial n'étaient pas encore connues dans toute leur ampleur à la date du règlement judiciaire mais l'ont été seulement lors du dépôt, le 6 mars 1984, du rapport de l'expert X... ; Attendu qu'en se prononçant ainsi, après avoir constaté que le centre commercial n'avait pas produit la créance née du contrat du 26 mai 1978, d'où procédait la garantie décennale, et des désordres imputables à une faute d'exécution se rapportant à des travaux exécutés avant l'ouverture de la procédure collective de la société Rouméas, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales résultant de ses propres constatations ; PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes des banques, l'arrêt rendu le 15 mai 1987, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims ;