LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Vicenta Y..., veuve E..., née le 19 juin 1935 à Castellon de la Plana (Espagne), domiciliée ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 3 mars 1988 par la cour d'appel de Montpellier (1ère chambre), au profit :
1°/ de Mme D... Edmonde, épouse Z..., demeurant ... à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne),
2°/ de Mme D... Pierrette, veuve G..., demeurant ...,
3°/ de M. Albert E..., demeurant ...,
4°/ de Mme Juliette X..., épouse C...
H..., demeurant Lotissement Sainte Fructueuse n° 25 à Lunel (Hérault),
5°/ de M. Louis X..., demeurant Chemin du Triage, route de hestinglières à Lunel (Hérault),
6°/ de Mlle X... Irène, demeurant Lotissement Sainte Fructueuse n° 26 à Lunel (Hérault),
7°/ de Mme X... Marie A..., veuve F..., demeurant ... (Hérault),
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt :
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 5 juillet 1989, où étaient présents :
M. Jouhaud, conseiller doyen faisant fonctions de président ; M. Thierry, rapporteur M. Camille Bernard, conseiller ; M. Sadon, Premier avocat général ; Mlle Ydrac, greffier de chambre
Sur le rapport de M. le conseiller Thierry, les observations de Me Pradon Jacques, avocat de Mme veuve E..., de Me Baraduc-Benabent, avocat des consorts D..., de M. Albert E... et des consorts X..., les conclusions de M. Sadon, Premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le moyen unique pris en ses trois branches :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que Mme Y... et M. E... se sont mariés le 22 avril 1961 ; que, par acte notarié du 26 août 1966, le mari a fait donation à sa femme de l'usufruit de l'universalité de ses biens ; que celle-ci a pris en 1976 un amant, M. Adolphe B..., lequel, le 4 octobre 1977, a tué le mari d'un coup de feu ; que, selon arrêt du 14 mai 1980, la cour d'assises de l'Hérault a condamné M. Adolphe B... à la peine de 15 ans de réclusion criminelle du chef d'homicide volontaire, et Mme Y... à celle de cinq ans d'emprisonnement avec sursis, du chef de non-assistance à
personne en danger ; que l'arrêt attaqué (Montpellier, 3 mars 1988) a prononcé la révocation de la donation du 26 août 1966, et déclaré Mme Y... indigne de succéder à son mari, par application des dispositions de l'article 727-3° du Code civil ; Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, d'une part, qu'ayant été condamnée pour non-assistance à personne en danger, et non pour non-dénonciation de meurtre, seul délit visé par l'article 727-3° du Code civil, la cour d'appel aurait fait une fausse application
de ce texte ; alors, d'autre part, que les dispositions de l'arrêt civil seraient incompatibles avec celles de l'arrêt pénal ; et alors, enfin, que l'arrêt attaqué ne pouvait la priver de son usufruit légal sans violer l'article 767 du Code civil ; Mais attendu, d'abord, qu'aux termes de l'article 727-3° du Code civil, l'héritier majeur encourt la peine civile de l'indignité s'il a eu connaissance du meurtre du défunt et s'il ne l'a pas dénoncé ; qu'il n'est pas nécessaire qu'il ait été condamné de ce chef, une telle condamnation n'étant requise que dans le cas prévu par l'article 727-1° du même Code ; Attendu, ensuite, que seules ont autorité absolue de chose jugée et s'imposent en conséquence à la juridiction civile, les énonciations de la décision pénale qui correspondent à la chose certainement et nécessairement jugée ; qu'en l'espèce la cour d'assises, saisie exclusivement de l'infraction de non-assistance à personne en danger retenue à l'encontre de Mme Y..., n'est entrée en condamnation que de ce chef ; qu'elle n'a pas eu à se prononcer sur le délit de non-dénonciation de meurtre, qui n'était pas visé par l'arrêt de renvoi ; qu'il n'existe donc aucune contradiction entre la décision de la cour d'assises, qui n'a pas eu à statuer sur un délit pénal dont elle n'était pas saisie, et l'arrêt civil ayant retenu les faits qui auraient été susceptibles de constituer ce délit ; Attendu, enfin, que le conjoint survivant déclaré indigne ne peut prétendre à l'usufruit du quart de la succession, dès lors qu'il perd sa qualité d'héritier et se trouve exclu de cette succession ; D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;