AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE et ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Christiane Y..., demeurant 1, place du Martroi Loiret à Beaugency (Loiret),
en cassation d'un arrêt rendu le 30 avril 1987 par la cour d'appel de Grenoble (1ère chambre), au profit :
1°/ de la société à responsabilité limitée MER ET NEIGE, ... à La Roche-sur-Yon (Vendée),
2°/ de M. X..., ès qualités de mandataire liquidateur des biens de la société à responsabilité limitée MER et NEIGE,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt :
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 4 juillet 1989, où étaient présents : M. Defontaine, conseiller doyen faisant fonctions de président ; Mlle Dupieux, conseiller référendaire, rapporteur ; M. Montanier, avocat général ; Mme Arnoux, greffier de chambre.
Sur le rapport de Mlle Dupieux, conseiller référendaire, les observations de Me Boullez, avocat de Mme Y..., de Me Guinard, avocat de la société Mer et Neige et de M. X..., ès qualités, les conclusions de M. Montanier, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 30 avril 1987), que, par acte notarié du 5 janvier 1982, Mme Y... a donné un fonds de commerce de night-club en location-gérance à la société Mer et Neige (la société), mention étant faite de la main de Mme Y..., à la fin de l'acte, de la conformité des lieux avec les règles administratives de sécurité ; qu'un acte sous seing privé du même jour prévoyait la faculté, pour la locataire-gérante, d'acquérir le fonds pour la somme de 400 000 francs dont serait déduite celle de 60 000 francs, déjà versée à titre de dépôt de garantie pour la location-gérance ; que Mme Y..., après avoir refusé l'exécution de travaux importants et indispensables pour la sécurité des locaux, a donné congé, le 30 novembre 1982, à sa locataire qui a renoncé à l'exploitation du fonds de commerce ; que cette dernière ayant assigné Mme Y... en remboursement de la somme versée ainsi qu'en paiement de dommages-intérêts, Mme Y... lui a demandé le paiement de taxes sur les redevances de location-gérance, de dettes qu'elle devait payer pour son compte et de dommages-intérêts ; que les premiers juges, après avoir déclaré que Mme Y... était responsable du préjudice occasionné par la cessation d'exploitation du fonds de commerce l'ont condamné à indemniser la société et l'ont déboutée de toutes ses demandes ;
Attendu que, Mme Y... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à réparer le préjudice subi par sa locataire-gérante alors que, selon le pourvoi, d'une part, elle avait fait valoir dans des conclusions demeurées sans réponse que l'autorisation d'ouverture du night-club avait été redonnée à partir du 8 mars 1982, ce qui excluait l'existence du préjudice commercial allégué par la locataire-gérante ; que la cour d'appel, en estimant que le préjudice subi par la société résultait de la fermeture du night-club le 6 mars 1982, n'a pas répondu aux conclusions et a violé les articles 1147 du Code civil et 455 du nouveau Code de procédure civile, et - alors que, d'autre part, les juges du fond ne peuvent allouer au demandeur des sommes non réclamées ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, en accordant à la société, locataire-gérante, les sommes dues à Mme Y... en application de la loi du 20 mars 1956 à titre de supplément de dommages-intérêts, sans motiver sa décision, a violé les articles 4, 5 et 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu que le préjudice commercial de la société résultait non pas de la fermeture du night-club le 6 mars 1982, mais du trouble subi dans l'exploitation du fonds de commerce en raison de ce que celui-ci était dépourvu de toute sécurité, même la plus élémentaire, cependant que la bailleresse avait donné, sur ce point, des indications mensongères dans l'acte authentique de location-gérance, la cour d'appel a répondu en les écartant aux conclusions invoquées ;
Attendu, d'autre part, que l'arrêt a confirmé, en toutes ses dispositions, la décision de première instance qui déboutait Mme Y... de toutes ses demandes et qu'énonçant que les dépenses qu'elle avait pu supporter, en application de la loi du 20 mars 1956, restaient à sa charge, au besoin, à titre de dommages-intérêts la cour d'appel n'a pas alloué à la société des sommes que celle-ci n'avait pas demandées ;
D'où il suit que le moyen, n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen :
Attendu que, Mme Y... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à restituer à sa locataire-gérante une somme de 60 000 francs, alors que, selon le pourvoi, elle avait soutenu dans ses conclusions que de cette somme, il convenait de déduire le montant des loyers impayés, soit 34 800 francs, la T.V.A. sur les loyers, soit 10.560 francs et les dettes payées en application de la loi du 20 mars 1956 soit 23.976 91 francs, ce dont il résultait qu'après compensation, elle était créancière pour la somme de 9.563 91 francs ; que la cour d'appel, en s'abstenant de motiver sa décision et de répondre à ces conclusions, n'a pas donné de base légale à sa décision et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, qu'en déboutant Mme Y... de toutes ses demandes de sorte qu'aucune compensation ne pouvait intervenir, la cour d'appel a répondu aux conclusions invoquées ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... à une amende civile de cinq mille francs, envers le Trésor public ; à une indemnité de deux mille cinq cents francs envers la société Mer et Neige et M. X..., ès qualités, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix octobre mil neuf cent quatre vingt neuf.