LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société NEUFTEX, dont le siège est à Paris (2e), ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 16 avril 1987, par la cour d'appel de Rouen (2e chambre civile), au profit de la maison ENGELBRECHT, dont le siège est au Havre (Seine-Maritime), ...,
défenderesse à la cassation ; La demanderesse invoque à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 4 juillet 1989, où étaient présents :
M. Defontaine, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Nicot, rapporteur, MM. Y..., Le Tallec, Peyrat, Cordier, Bodevin, Sablayrolles, Plantard, Mme Z..., M. Edin, conseillers, Mlle X..., M. Lacan, conseillers référendaires, M. Montanier, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Nicot, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la société Neuftex, de la SCP Michel et Christophe Nicolay, avocat de la maison Engelbrecht, les conclusions de M. Montanier, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Attendu, selon les énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué (Rouen, 16 avril 1987), que la société Neuftex chargeait habituellement la société Ertil, commissionnaire de transport et en douanes à Pantin, d'effectuer le transport de marchandises importées après en avoir obtenu le dédouanement au Havre ; que la société Ertil avait recours à la société Engelbrecht, commissionnaire en douanes au Havre, pour procéder au dédouanement, ainsi que certaines opérations de transport ; que la société Ertil ayant été mise en liquidation des biens, la société Engelbrecht, qui avait cessé d'être payée par la société Ertil, a demandé à la société Neuftex le paiement des sommes qu'elle avait acquittées pour son compte ; Sur le moyen unique pris en sa première branche :
Attendu que la société Neuftex reproche à la cour d'appel de l'avoir condamnée à paiement envers la société Engelbrecht, commissionnaire en douanes, alors, selon le pourvoi, qu'en se bornant à relever que le nom de la Maison Engelbrecht figurait sur les documents douaniers et sur les feuilles d'expédition, pour en déduire que elle-même avait autorisé tacitement son mandataire, la société Ertil, à se substituer un autre mandataire, sans constater que la société Ertil, commissionnaire agréé en douane, n'avait qu'un seul bureau de douane à Paris impliquant la nécessité de se substituer un autre commissionnaire, ni relever que les documents douaniers et les
feuilles d'expédition portant le nom de la société Engelbrecht avaient été adressés à la société Neuftex préalablement au paiement par celle-ci des factures la société Ertil, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1994 du Code civil ; Mais attenu que l'action directe du mandataire substitué contre le mandant peut être exercé dans tous les cas, que la substitution ait été, ou non, autorisée par le mandant ; que dès lors par le mandant ; que dès lors la cour d'appel n'avait pas à effectuer la recherche inopérante visée au pourvoi ; que le moyen n'est donc pas fondé en sa première branche ; Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Attendu que la société Neuftex fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le pourvoi, que si le mandataire substitué a bien une action directe contre le mandant, cette action directe ne peut être utilement exercée que dans la limite des droits appartenant au débiteur intermédiaire contre le sous-débiteur au moment où elle est exercée, de sorte que le sous-débiteur qui a de bonne foi payé le débiteur intermédiaire avant cette date ne peut être obligé à payer une seconde fois le mandataire substitué ; qu'en l'espèce, en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1994 du Code civil ; Mais attendu que la cour d'appel a décidé à bon droit que la société Ertil ne pouvait opposer à la société Engelbrecht, agissant en la qualité de mandataire substitué, les paiements faits par elle à la société Ertil, même si ces paiements étaient antérieurs à l'exercice par la société Engelbrecht des droits propres qu'elle tenait des dispositions du second alinéa du l'article 1994 du Code civil ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé en sa deuxième branche ; Et sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Attendu que la société Neuftex fait enfin le même reproche à l'arrêt, alors, selon le pourvoi, que le mandataire substitué doit comme tout mandataire répondre à l'égard de son mandant des fautes commises dans sa gestion ; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté que la société Engelbrecht a commis une faute en avançant et en payant les droits de douane durant six mois sans avoir reçu aucun paiement de la société Ertil ; que cependant la cour d'appel a décidé que cette imprudence ne pouvait avoir pour effet de la priver de son droit de recouvrer les sommes dues ; que dès lors en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1992 du Code civil ; Mais attendu qu'après avoir relevé que la société Engelbrecht avait
manqué de prudence en continuant d'avancer les frais de douane dès lors que ses factures n'étaient plus payées par la société Ertil, l'arrêt constate que cette situation n'a duré que quelques mois et que, de son côté, la société Neuftex ne s'était pas assurée que les sommes versées à son mandataire servaient à payer son mandataire substitué ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel a pu décider que l'imprudence de la société Engelbrecht ne pouvait avoir pour effet de la priver de son droit à recevoir les sommes qui lui étaient dues ; d'où il suit que le moyen n'est pas davantage fondé en sa dernière branche qu'en ses deux premières ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;