LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1°/ Monsieur Maurice X...,
2°/ Madame Marie-Thérèse X..., née HAMON,
demeurant ensemble ... (Côtes-du-Nord),
en cassation d'un arrêt rendu le 9 décembre 1986 par la cour d'appel d'Orléans (chambre civile, 2e section), au profit de :
1°/ Monsieur Gérard Z..., demeurant ... (Indre-et-Loire),
2°/ Madame Madeleine Y..., épouse Z..., demeurant ... (Indre-et-Loire),
3°/ La société à responsabilité limitée TRANSACTIONS TOURANGELLES, Cabinet ALAS, dont le siège est ... (Indre-et-Loire),
4°/ Le CREDIT MUTUEL, dont le siège social est ... (Indre-et-Loire),
défendeurs à la cassation ; Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 4 juillet 1989, où étaient présents :
M. Defontaine, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Lacan, conseiller référendaire rapporteur, M. Hatoux, conseiller, M. Montanier, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Lacan, les observations de la SCP Desaché et Gatineau, avocat des époux X..., de la SCP Waquet et Farge, avocat des époux A... et de la société Transactions tourangelles, Cabinet Alas, de Me Choucroy, avocat du Crédit mutuel, les conclusions de M. Montanier, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt infirmatif attaqué qu'aux termes d'un acte intitulé "promesse synallagmatique de vente et d'achat d'un fonds de commerce" en date du 13 décembre 1982, les époux X... se sont engagés à acquérir des époux A... un fonds de boulangerie-pâtisserie moyennant une somme de 1 800 000 francs, et à verser, lors de la réalisation définitive, une commission d'un montant de 106 740 francs au cabinet négociateur, la société "Transactions tourangelles, Cabinet Alas" (le cabinet Alas) ; que la prise de possession devait avoir lieu au plus tard le 15 mai 1983 ; qu'en cas de défaillance de l'une des parties, celle-ci devait payer à l'autre, à titre de dédit, une somme de 100 000 francs qui "comprendrait l'indemnité du cabinet négociateur" ; qu'une condition suspensive était prévue, consistant en l'obtention
par les acquéreurs d'un prêt destiné à financer l'achat du fonds ; que les époux X... ayant renoncé à réaliser la vente, faute selon eux d'avoir pu obtenir le prêt sollicité, les époux A... et le cabinet Alas les ont assignés en paiement, respectivement, du dédit et de la commission d'agence ; Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que les époux X... reprochent à l'arrêt d'avoir accueilli ces demandes, alors, selon le pourvoi, d'une part, que toute obligation est nulle lorsqu'elle a été contractée sous condition potestative de la part de celui qui s'oblige ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la condition d'obtention du prêt, à laquelle était subordonnée la réalisation de la vente du fonds, ne pouvait, "sans revêtir un caractère potestatif", être laissée à la convenance des emprunteurs ; que l'arrêt en conclut que ladite condition devait nécessairement être interprétée par référence aux usages bancaires en vigueur à l'époque de la convention ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a refusé de tirer les conséquences, quant à la validité de la convention, du caractère potestatif de la condition constaté par elle et a violé, par refus d'application, l'article 1174 du Code civil ; et alors, d'autre part, que la non-réalisation de la condition suspensive dans le délai prévu entraîne la caducité de la vente ; que chacune des parties est fondée à se prévaloir du dépassement du délai prévu dans leur intérêt commun ; qu'en l'espèce, par acte du 13 décembre 1982, vendeurs et acquéreurs avaient prévu que la prise de possession devait intervenir au plus tard le 15 mai 1983 ; que, compte tenu des nouvelles exigences manifestées par le Crédit mutuel le 18 mai 1983, les époux X... n'ont pas obtenu dans le délai imparti le prêt dont ils avaient besoin ; qu'en refusant néanmoins aux époux X... la possibilité de se prévaloir de ce dépassement du délai, au motif que les époux A... n'avaient pas eux-mêmes manifesté leur intention de s'en prévaloir, quand, en l'absence de renonciation commune des parties aux conséquences du délai, les époux X... pouvaient valablement exciper de la non-réalisation de la condition avant la date limite du 15 mai 1983, l'arrêt a violé les articles 1176 et 1134 du Code civil ; Mais attendu, d'une part, que, loin de constater le caractère potestatif de la condition suspensive prévue au contrat, la cour d'appel n'a fait, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la volonté des parties, qu'en exclure l'existence ; que la première branche du moyen procède par dénaturation du motif critiqué ; Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a retenu que les époux X..., n'ayant pas accepté les propositions de prêt qui leur avaient été faites avant le 15 mai 1983 par le Crédit mutuel et qui n'étaient pas contraires aux pratiques bancaires à l'époque considérée, ne pouvaient prétendre être étrangers à la défaillance de
la condition suspensive à l'expiration du délai prévu par le contrat ; qu'elle en a déduit à juste titre qu'ils ne pouvaient exciper de cette défaillance pour réclamer la caducité de la vente et se soustraire à leurs obligations, dès lors que les époux A... n'avaient pas entendu eux-mêmes se prévaloir des dépassements de ce délai ; Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1134 du Code civil ; Attendu que la cour d'appel a condamné les époux X... à payer aux époux A... la somme de 100 000 francs en exécution de la convention du 13 décembre 1982 et au cabinet Alas la somme de 106 740 francs en exécution du "bon de commission du même jour" ; Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'acte du 13 décembre 1982 stipulait qu'en cas de défaillance de l'une des parties, celle-ci devrait payer à l'autre, à titre de dédit, une somme de 100 000 francs qui "comprendrait l'indemnité du cabinet négociateur", la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la convention des parties ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné les époux X... à payer au cabinet Alas la somme de 106 740 francs, l'arrêt rendu le 9 décembre 1986, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;