AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Société commerciale de produits agricoles, société anonyme, dont le siège social est situé au Bois, Le Puy Notre Dame à Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire),
en cassation d'un arrêt rendu le 7 novembre 1985, par la cour d'appel d'Angers (chambre sociale), au profit de Monsieur Philippe X..., demeurant à Soulanger, Doué la Fontaine (Maine-et-Loire), rue des Dahlias,
défendeur à la cassation ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 20 juin 1989, où étaient présents : M. Cochard, président, M. Vigroux, conseiller rapporteur, M. Hanne, conseiller, Mme Beraudo, M. Faucher, Mme Marie, conseillers référendaires, M. Franck, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Vigroux, les observations de Me Garaud, avocat de la Société commerciale de produits agricoles, les conclusions de M. Franck, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 7 novembre 1985) que M. X..., chauffeur magasinier au service de la Société commerciale de produits agricoles a été licencié le 21 février 1984 pour faute grave au motif essentiel qu'il avait refusé de communiquer à son entreprise les disques chronotachigraphes qu'il détenait ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné, en conséquence, l'employeur à verser au salarié des dommages-intérêts de ce chef ainsi que des indemnités compensatrices de préavis, alors, selon le moyen, que d'une part, l'employeur soutenait que les disques tachigraphes devaient être conservés par lui, afin qu'il puisse les présenter aux autorités compétentes pour apprécier la conformité de la pratique suivie dans l'entreprise par rapport à la réglementation des transports de la Communauté économique européenne, et que leur défaut de présentation était pénalement sanctionné ; qu'en décidant que le grief tiré du défaut de remise à l'employeur des disques chronotachigraphes était imprécis et insusceptible de fonder valablement le licenciement, sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors que, d'autre part, en statuant comme ci-dessus, sans prendre en considération le fait que l'employeur est tenu de présenter les disques chronotachigraphes aux autorités compétentes pour leur permettre d'apprécier la conformité de la pratique suivie dans l'entreprise par rapport à la règlementation de la Communauté économique européenne, la cour d'appel, qui n'a pas justifié légalement sa décision, a violé les dispositions considérées des articles L.122-14-3 et L.122-14-4 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté que la réalité du motif invoqué par l'employeur, en ce qui concernait le refus du salarié de communiquer à l'entreprise les disques qu'ils détenait, n'était pas établie ; qu'il s'ensuit que le moyen, en ses deux branches est inopérant ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait, alors, selon le moyen, que, d'une part, pour débouter le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les premiers juges avaient expressement retenu que, convoqué à un entretien préalable à son licenciement, auquel il ne s'était pas rendu, le salarié prétextait qu'il n'avait pu retirer sa lettre recommandée en temps utile ; mais, qu'à la lecture des pièces versées au dossier, il s'avérait qu'il aurait pu retirer cette lettre le 18 février 1984 ; qu'il n'avait réagi que le 25 février, soit après son licenciement intervenu le 22 février ; qu'en décidant que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, sans réfuter cette argumentation des premiers juges, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors que, d'autre part, le juge est tenu d'examiner le caractère réel et sérieux de chacune des causes de licenciement invoquées par l'employeur ; qu'en l'espèce, dans sa lettre du 1er mars 1984 en réponse à la demande du salarié, l'employeur constatait que l'attitude désinvolte de celui-ci, qui ne s'était pas donné la peine de venir à l'entretien préalable auquel il avait été régulièrement convoqué, le mettait dans l'obligation de le licencier ; qu'en omettant d'examiner le caractère réel et sérieux de cette cause de licenciement admise par les premiers juges, la cour d'appel a violé l'article L.122-14-3 du Code du travail ;
Mais attendu que la société, qui avait demandé l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions n'avait pas soutenu dans ses conclusions d'appel que l'attitude désinvolte du salarié constituait une cause de licenciement ; qu'ainsi le moyen qui est nouveau et mélangé de fait et de droit, est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Société commerciale de produits agricoles, envers M. X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du trois octobre mil neuf cent quatre vingt neuf.