LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice, à PARIS, le vingt septembre mil neuf cent quatre vingt neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller DIEMER, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE et BRIARD, avocat en la Cour et les conclusions de M. l'avocat général PERFETTI ;
Statuant sur les pourvois formés par :
Y... Alain,
contre l'arrêt de la cour d'assises de la SEINE-MARITIME en date du 12 décembre 1988 qui, pour coups ou violences volontaires ayant entraîné la cécité, la perte d'un oeil ou d'autres infirmités permanentes et commis à l'aide d'une arme, l'a condamné à 7 ans de réclusion criminelle, ainsi que contre l'arrêt du 15 décembre 1988 par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation proposé, pris de la violation des articles 309 et 310 du code pénal, 349 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale ; " en ce que la première question a été posée en ces termes :
" l'accusé Alain Y... est-il coupable d'avoir volontairement à 76500 Elboeuf, le 12 juin 1986, porté des coups à Richard X... ou commis des violences ou voies de fait sur la personne de celui-ci, lesdits coups, violences ou voies de fait ayant entraîné pour Richard X... la cécité, la perte d'un oeil ou d'autres infirmités permanentes ? ".
" alors qu'il résulte des dispositions de l'article 349 du Code de procédure pénale que des questions distinctes doivent être posées sur le fait principal et sur chacune des circonstances aggravantes ; " que la question posée dans les termes ci-dessus reproduits est entachée de complexité ; " qu'en effet le fait principal de coups, violences ou voies de fait volontaires est réprimé différemment selon les conséquences qu'il entraîne ; " que dès lors la Cour et le jury ayant été interrogés à la fois sur le fait principal et sur une circonstance aggravante, le principe ci-dessus rappelé a été méconnu " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il résulte de l'article 349 du code de procédure pénale que des questions distinctes doivent être posées sur le fait principal et sur chacune des circonstances aggravantes ;
Attendu que la Cour et le jury ont répondu affirmativement à la première question qui leur était posée en ces termes :
" l'accusé Alain Y... est-il coupable d'avoir volontairement à... le... porté des coups à Richard X..., ou commis des violences ou voies de fait ayant entraîné pour Richard X... la cécité, la perte d'un oeil ou d'autres infirmités permanentes ? " ;
Attendu que la cour et le jury ont ainsi été interrogés par une question unique sur les coups ou violences volontaires et sur le fait qu'ils ont entraîné la cécité, la perte d'un oeil ou d'autres infirmités ;
Que cette question réunissant le fait principal et la circonstance aggravante, lesquels peuvent donner lieu à des réponses différentes qui, diversement appréciées, peuvent conduire à des conséquences différentes, est entachée de complexité ;
Que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs,
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'assises de la Seine-Maritime du 12 décembre 1988, ensemble la déclaration de la cour et du jury et les débats qui l'ont précédée, par voie de conséquence CASSE ET ANNULE l'arrêt du 15 décembre 1988 par lequel la Cour a prononcé sur les intérêts civils, et pour être jugé à nouveau conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises de l'Eure, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises de la SeineMaritime et sa mention en marge ou à la suite des arrêts annulés ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents :
MM. Le Gunehec président, Diémer conseiller rapporteur, Tacchella, Zambeaux, Malibert, Guth, Milleville, Guilloux, Massé conseillers de la chambre, Pelletier, Mme Guirimand conseillers référendaires, M. Perfetti avocat général, Mme Patin greffier de chambre.