LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Philippe F..., demeurant ... à l'D... Adam,
en cassation d'un arrêt rendu le 17 juin 1987 par la cour d'appel de Versailles (13ème chambre), au profit :
1°/ de M. X..., Charles A..., demeurant ... à Colombes (Hauts-de-Seine),
2°/ de M. B..., ès qualités de syndic à la liquidation des biens de la société anonyme BOREAL, demeurant ... (6ème),
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt :
LA COUR, en l'audience publique du 13 juin 1989, où étaient présents :
M. Baudoin, président ; M. Cordier, rapporteur ; MM. Y..., C..., Le Tallec, Peyrat, Nicot, Bodevin, Sablayrolles, Plantard, Mme E..., M. Edin, conseillers ; Mlle Z..., M. Lacan, conseillers référendaires ; M. Montanier, avocat général ; Mme Arnoux, greffier de chambre
Sur le rapport de M. le conseiller Cordier, les observations de la SCP Waquet et Hélène Farge, avocat de M. F..., les conclusions de M. Montanier, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Donne défaut contre MM. A... et Girard, ce dernier pris en sa qualité de syndic de la liquidation des biens de la société Boréal ; Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu que M. F... fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 17 juin 1987) d'avoir prononcé l'annulation pour cause de dol de la cession à M. A... d'actions d'une société qu'il possédait et dont il assurait la direction et de l'avoir condamné à en restituer le prix à l'acquéreur, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'aux termes de l'article 1116 du Code civil, il n'y a pas dol lorsque les affirmations erronées n'ont pas été déloyales parce qu'elles n'ont pas été émises dans le but de tromper ; que la cour d'appel qui a déclaré que l'erreur était "évidemment" intentionnelle car elle provenait de M. F..., président du conseil d'administration, sans rechercher si M. F... avait sciemment caché à M. A... la véritable situation de la société, a privé sa décision de base légale au regard de l'article susvisé ; alors d'autre part, que le silence ne peut être constitutif d'un dol que s'il porte sur un élément sur lequel le cocontractant ne pouvait s'informer ; qu'en l'espèce, M. A... s'est fait assister d'un expert comptable ayant toute latitude pour mener ses investigations comme il l'entendait, que la cour d'appel a constaté le pouvoir dont disposait M. A... pour s'informer et sa carence notamment à recueillir l'avis du commissaire aux comptes ; qu'en décidant, néanmoins, la nullité de la cession pour dol, la cour d'appel a violé l'article 1116 du Code civil ; alors, enfin, que le dol ne justifie pas l'annulation du contrat lorsque la victime a commis elle-même une faute ayant concouru à son ignorance ; qu'en l'espèce, l'arrêt, qui, tout en retenant une imprudence de la victime telle qu'"elle aurait largement contribué à sa déconvenue", a annulé le contrat, a violé l'article 1116 du Code civil ; Mais attendu qu'après avoir constaté que, pour dissimuler la situation financière réelle de la société, M. F... avait intentionnellement omis de comptabiliser une part importante des factures de ses fournisseurs, et fait ainsi ressortir sa volonté délibérée de tromper son co-contractant, l'arrêt retient que, sans cet artifice, qui avait permis la présentation d'un "bilan fallacieux", M. A... n'aurait pas contracté aux conditions où il l'a fait ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, peu important dès lors que M. A... ait été assisté d'un expert-comptable ou qu'il ait omis de recueillir l'avis du commissaire aux comptes, la cour d'appel a pu décider que les agissements de M. F... revêtaient un caractère dolosif entraînant la nullité de la convention ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi