LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Monsieur Rolf D., en cassation d'un arrêt rendu le 2 novembre 1987, par la cour d'appel de Paris (1re chambre section A), au profit :
1°/ de la société anonyme les EDITIONS G. et F., dont le siège social est à Paris (6e), 6, rue des Saint Pères,
2°/ de Monsieur Thierry W.,
défendeurs à la cassation ; Le demandeur invoque à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 20 avril 1989, où étaient présents :
M. Aubouin, président, M. Burgelin, rapporteur, MM. Chabrand, Michaud, Devouassoud, Deroure, Mme Dieuzeide, MM. Delattre, Laplace, conseillers, MM. Herbecq, Bonnet, conseillers référendaires, M. Ortolland, avocat général, Mme Lagardère, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Burgelin, les observations de la SCP Waquet et Farge, avocat de M. D., de Me Roger, avocat de la société anonyme les Editions G. et F. et de M. W., les conclusions de M. Ortolland, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 2 novembre 1987), que M. Thierry W. a publié aux éditions G. un ouvrage intitulé "Le KGB en France" dont trois pages sont consacrées au cas de M. Rolf D., chercheur au Centre national de la recherche scientifique, qui fait l'objet d'une information judiciaire à la suite de renseignements qu'il aurait communiqués à une puissance étrangère ; que, s'estimant diffamé, M. D. a assigné l'auteur du livre et son éditeur pour avoir réparation de son préjudice ; Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande alors qu'en se bornant à affirmer que M. W. avait agi de bonne foi, sans rechercher s'il s'était comporté en écrivain prudent, avisé et conscient des devoirs d'objectivité qui lui incombaient et qu'en ne relevant pas qu'il avait manqué à son devoir d'historien en présentant M. D. comme un espion à la solde du KGB ou de la république démocratique d'Allemagne, la cour d'appel aurait violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt, ayant relevé que M. W. avait fait oeuvre de spécialiste de l'histoire immédiate, par son style, ses précisions, la minutie de ses recherches, l'exactitude de ses références et de ses citations ainsi que par son souci d'objectivité, retient qu'il avait exposé les thèses de l'accusation aussi bien que celles de la défense selon lesquelles son activité s'était située dans le cadre d'échanges normaux d'informations entre scientifiques de divers pays et que son récit constituait une synthèse honnête d'articles de journaux de bonne réputation consacrés à cette affaire ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il est fait reproche à l'arrêt d'avoir écarté toute imputation de faute à l'encontre de M. W., alors que, d'une part, en présentant M. D. comme un espion tout en reconnaissant qu'il n'avait fait l'objet d'aucune condamnation de ce chef, l'auteur aurait porté atteinte à la présomption d'innocence de l'intéressé, ce qui constituerait une faute distincte de la diffamation, alors que, d'autre part, M. W. n'aurait pu faire état de charges pesant contre l'inculpé avant qu'il eût été renvoyé devant une juridiction de jugement, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel aurait violé les articles 6 de la convention européenne des droits de l'homme et 1382 du Code civil ; Mais attendu qu'il résulte des productions que les pages incriminées de l'ouvrage litigieux ne comportent pas le mot "charges" ; Et attendu que l'arrêt énonce que l'atteinte à la présomption d'innocence ne constitue pas, en l'espèce, un manquement distinct de la faute résultant des imputations arguées de diffamation, du fait que l'auteur a évoqué, par ailleurs, les réactions des défenseurs de l'intéressé ainsi que ses propres dénégations ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;