LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. François B..., demeurant Le Cannet Rocheville (Alpes-maritimes), ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 4 février 1986 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (9ème chambre sociale), au profit de la société à responsabilité limitée GASSMANN, dont le siège social est sis à Cannes La Bocca (Alpes-maritimes), Rotonde SNCF, boulevard du Midi,
défenderesse à la cassation.
LA COUR, en l'audience publique du 16 mars 1989, où étaient présents :
M. Goudet, conseiller le plus ancien faisant fonction de président ; M. Combes, conseiller rapporteur ; MM. X..., C..., Hanne, conseillers ; M. Y..., Mme Z..., Mme A..., Mme Pams-Tatu, conseillers référendaires ; M. Picca, avocat général ; Mme Collet, greffier de chambre
Sur le rapport de M. le conseiller Combes, les observations de Me Choucroy, avocat de M. B..., les conclusions de M. Picca, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. B... a été engagé le 1er mai 1978 par la société Gassmann, vins et spiritueux, en qualité de représentant rétribué selon un fixe et des commissions sur les ventes par lui réalisées ; que se plaignant de ce que son employeur avait unilatéralement minoré le taux initialement prévu de ses commissions et omis de les lui payer pour des commandes passées par son intermédiaire ou directement par ses clients, il a sollicité un réajustement et un rappel de commissions ; Sur les deuxième et troisième moyens réunis :
Attendu que M. B... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande en rappel de commissions et d'avoir refusé d'ordonner une nouvelle expertise, alors, selon les moyens, d'une part, qu'il incombe à l'employeur débiteur de l'obligation de rapporter la preuve du paiement des salaires afférents au travail effectivement accompli ; que, par suite, en faisant peser sur le représentant salarié la preuve du bien fondé de ses prétentions, la cour d'appel a renversé la charge de sa preuve et violé l'article 1315 du Code civil ; d'autre part, que la preuve du paiement des sommes dues par l'employeur doit résulter des énonciations des livres de comptabilité obligatoires ; que le salarié peut établir, suivant le même mode, l'absence de paiement, de telle sorte que le refus par l'employeur de faire état et de produire ses livres et sa comptabilité peut justifier l'existence de la créance du salarié ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel en se bornant à énoncer, pour écarter la demande, que les carnets de commandes n'avaient pas été produits, n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'imposaient sur le terrain de la charge de la preuve ; alors, en outre, que les commandes dites indirectes sont celles passées directement par le client auprès de l'entreprise, que, par
définition, pour de tels ordres le représentant ne détient aucun bon de commande ; que, par suite, en subordonnant la preuve de la passation des ordres indirects à la production d'un état des commandes par le représentant, la cour d'appel a encore renversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil ; et alors enfin que, viole l'article 146, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la cour d'appel qui, alors que la preuve de la fraude alléguée était rapportée refuse d'ordonner une expertise aux fins de déterminer le montant des commissions dues au représentant qui ne pouvait être établi que par des recherches de pièces auxquelles il ne pouvait procéder lui-même ; Mais attendu que c'est sans renverser la charge de la preuve que la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'ordonner une mesure d'instruction, a constaté que le salarié n'avait pas fourni les éléments en sa possession, propres à établir le bien fondé de ses demandes ; D'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ; Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 1134 du Code civil ; Attendu que pour débouter M. B... de sa demande tendant à un réajustement de ses commissions dont le taux de calcul avait été unilatéralement minoré par l'employeur, la cour d'appel a énoncé que si cette modification portait sur un élément substantiel du contrat de travail l'absence de toute protestation, ni réserve de la part de M. B..., qui ne pouvait ignorer la diminution du taux sur lequel étaient calculées ses commissions entre le 1er juillet 1978 et le 21 août 1979 date de la première contestation, permettait de retenir l'existence d'un accord implicite de l'intéressé concernant ladite modification ; Qu'en statuant ainsi, alors que l'acceptation par M. B... de la modification de son contrat de travail ne pouvait résulter de la seule poursuite par lui du travail, la cour d'appel qui n'a pas relevé d'autres éléments dont aurait pu être déduite la volonté non équivoque du salarié d'accepter cette modification, a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en ce qu'il a débouté M. B... de sa demande en réajustement de ses commissions, l'arrêt rendu le 4 février 1986, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ; Laisse à chaque partie la charge respective et ses dépens ;