AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1°/ la compagnie d'assurances LA LUTECE, Direction de Paris, dont le siège est à Paris (9e), ...,
2°/ Monsieur Mohamed Y..., commerçant,
3°/ Monsieur Mohamed A..., commerçant,
exploitant ensemble un hôtel meublé à Paris (15e), ... où ils demeurent,
en cassation d'un arrêt rendu le 13 novembre 1986 par la cour d'appel d'Orléans (audience solennelle civile), au profit de la compagnie d'assurances RHIN ET MOSELLE, dont le siège est à Paris (9e), ...,
défenderesse à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 15 mars 1989, où étaient présents : M. Ponsard, président, M. Fouret, rapporteur, MM. Z..., X... Bernard, Massip, Viennois, Kuhnmunch, Bernard de Saint-Affrique, Pinochet, Mabilat, conseillers, Mme Crédeville, conseiller référendaire, Mme Flipo, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Fouret, les observations de la SCP Le Bret et de Lanouvelle, avocat de la compagnie d'assurances La Lutèce et de MM. Y... et A..., de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la compagnie d'assurances Rhin et Moselle, les conclusions de Mme Flipo, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. Mohamed Y..., M. Mohamed A... et leur assureur, la compagnie La Lutèce, reprochent à l'arrêt attaqué (Orléans, 13 novembre 1986) de les avoir condamnés in solidum à rembourser à la compagnie Rhin et Moselle, la somme versée par celle-ci, au titre des "pertes indirectes", à ses propres assurés, propriétaires de l'immeuble partiellement détruit par un incendie dont MM. Y... et A..., locataires, ont été déclarés responsables, alors, selon le moyen, d'une part, que, depuis une délibération du 9 février 1954, dont la portée n'a pas été contestée par la compagnie Rhin et Moselle, tout recours concernant ce chef de préjudice est exclu entre les adhérents à la convention de l'assemblée plénière des sociétés d'assurances contre l'incendie et les risques divers, APSAIRD, au nombre desquels la même compagnie n'a pas davantage contesté appartenir, de sorte qu'a été violé l'article 1134 du Code civil, et alors, d'autre part, qu'en mettant à la charge de la compagnie La Lutèce la preuve relative à la portée de la convention APSAIRD, que la compagnie Rhin et Moselle n'avait pourtant pas contestée, l'arrêt a méconnu les termes du litige ;
Mais attendu qu'en l'état des conclusions par lesquelles la compagnie Rhin et Moselle avait maintenu sa demande de remboursement des "pertes indirectes", en dépit du moyen relatif à la convention APSAIRD, invoqué par la compagnie
La Lutèce, la cour d'appel a estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis et sans méconnaître les termes du litige, que la compagnie La Lutèce ne démontrait pas que la compagnie Rhin et Moselle s'était contractuellement engagée à renoncer à tout recours du chef des pertes indirectes ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision sur ce point et que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir fixé à la date de l'assignation introductive d'instance le point de départ des intérêts au taux légal de la somme à rembourser à la compagnie Rhin et Moselle alors, selon le moyen, que les intérêts moratoires d'une indemnité réparatrice d'un préjudice ne peuvent courir qu'à compter de la décision qui statue sur la responsabilité et évalue le dommage ;
Mais attendu que la cour d'appel, saisie d'une action en remboursement exercée contre les responsables de l'incendie et leur assureur par la compagnie Rhin et Moselle subrogée dans les droits de ses assurés qu'elle a indemnisés, n'a pas fixé le montant de la créance et s'est bornée à constater que la compagnie justifiait avoir déboursé la somme qu'elle réclamait ; qu'elle a décidé, sans encourir la critique du moyen, que les intérêts au taux légal sur cette somme était dus à compter de la date de l'assignation ; que le moyen n'est pas davantage fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la compagnie d'assurances La Lutèce et MM. Y... et A..., envers la compagnie d'assurances Rhin et Moselle, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt cinq avril mil neuf cent quatre vingt neuf.