LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Monsieur Paul, Guy X..., agriculteur, demeurant aux Petits Ageots Commune de Champagne (Charente-Maritime), Saint-Agnant,
en cassation d'un arrêt rendu le 9 avril 1986 par la cour d'appel de Poitiers (chambre civile-2ème section), au profit :
1°/ de Monsieur Philippe H..., notaire, demeurant ... (Gironde),
2°/ de Monsieur Pierre, François, Dominique Z... né à Tunis le 28 décembre 1940, représentant, demeurant au Breuil Magné, lotissement Richou (Charente-Maritime),
3°/ de Madame Jacqueline F..., épouse de M. Pierre Z..., demeurant lotissement Richou au Breuil Magné (Charente-Maritime),
4°/ de Monsieur Patrick D..., conducteur de travaux, demeurant précédemment à La Fondelay, commune de Thaire d'Aunis, (Charente-Maritime) Aigrefeuille d'Aunis mais actuellement sans résident ni domicile, ni lieu de travail connus,
5°/ de Madame Annick B... épouse D..., demeurant précédemment à La Fondelay commune de Thaire d'Aunis (Charente-Maritime) Aigrefeuille d'Aunis mais actuellement sans résidence, ni domicile, ni lieu de travail connus,
défendeurs à la cassation.
EN PRESENCE :
1°/ de Monsieur Patrick E..., demeurant 2 lotissement des Erables à Saint-Hippolyte (Charente-Maritime),
2°/ de Madame Colette, Francine, Juliette G..., épouse E..., demeurant 2 lotissement des Erables (Charente-Maritime), Saint-Hippolyte,
LA COUR, en l'audience publique du 10 janvier 1989, où étaient présents :
M. Ponsard, président ; M. Viennois, rapporteur ; MM. C..., Y... Bernard, Massip, Grégoire, Bernard de Saint-Affrique, Averseng, Mabilat, conseillers ; Mme Crédeville, conseiller référendaire ; Mme Flipo, avocat général ; Mlle Ydrac, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Viennois, les observations de la SCP Lemaître et Monod, avocat de M. X..., de la SCP Boré et Xavier, avocat de M. H..., les conclusions de Mme Flipo, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que M. X..., ayant obtenu d'un acte de donation-partage du 19 novembre 1977 diverses parcelles de terrain en a vendu une première, puis une deuxième, par un acte sous seing privé du 27 juillet 1978 établi en l'étude de M. H..., notaire, aux époux E... sous les conditions suspensives de l'obtention d'un certificat d'urbanisme ou d'un permis de construire et d'un prêt pour l'acquisition du terrain ; que, le 17 novembre 1978, M. X... a cédé le surplus du terrain aux consorts A..., sous conditions de l'obtention d'un arrêté de lotissement et d'un prêt ; que, malgré la réalisation des conditions suspensives mises à la vente consentie aux époux E..., M. X... s'est refusé à passer l'acte authentique au motif qu'en application de l'article R. 315-1 du Code de l'urbanisme, s'il ratifiait cette vente sans avoir obtenu un arrêté de lotissement, il ne pourrait vendre le troisième lot avant dix ans comme terrain à bâtir ; que les époux E... ont assigné M. X... en réalisation de la vente ; que M. X... a assigné le notaire en garantie et les consorts D... et Z... en nullité de la troisième vente ; que le tribunal de grande instance a constaté que la vente était parfaite, ordonné une expertise aux fins d'apprécier le préjudice des époux E... et condamné le notaire à garantir M. X... à concurrence des 2/3 ; qu'en cause d'appel, M. X... a soutenu que la vente ne pouvait être déclarée parfaite en raison de ce que le notaire n'avait reçu l'acte de donation-partage du 19 novembre 1977 qu'en présence de quatre héritiers sur cinq, en violation des articles 1075, alinéa 2, et 1077 du Code civil ; Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. X... reproche à l'arrêt attaqué (Poitiers, 9 avril 1986) d'avoir déclaré parfaite la vente consentie aux époux E... et de l'avoir condamné à leur payer la somme de 180 000 francs en réparation de leur préjudice, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en se bornant à constater l'éventualité d'une action en réduction insusceptible d'entacher de nullité la donation-partage, sans rechercher si le risque d'une telle action en réduction, dont le notaire n'a nullement informé le vendeur, n'était pas de nature à engager sa responsabilité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision et alors, d'autre part, que la gratification d'un donataire ne lui interdit pas d'exercer une action en réduction s'il n'existe pas à l'ouverture de la succession des liens non compris dans le partage et suffisants pour composer ou compléter sa réserve, compte tenu des libéralités dont il a pu bénéficier, de sorte qu'en statuant comme elle a fait la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale ;
Mais attendu que la cour d'appel relève qu'il n'était pas contesté que l'héritier, qui n'avait pas participé effectivement à la donation-partage du 19 novembre 1977, avait déjà été gratifié par deux donations antérieures du 27 juin 1974 et du 1er décembre 1977 ; qu'appréciant souverainement les circonstances de la cause, elle en a déduit que le risque que cet héritier exerce l'action en réduction prévue à l'article 1077-1 du Code civil, qui a notamment pour objet de compléter sa réserve, n'était qu'éventuel et que la validité de la vente du lot destiné aux époux E... n'était pas subordonnée à une ratification de la donation-partage ; que les juges du second degré ont par là-même écarté l'existence d'un préjudice certain dont pouvait se prévaloir M. X... ; d'où il suit qu'en aucune de ses deux branches, le moyen n'est fondé ; Sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il est encore fait grief à la cour d'appel d'avoir rejeté la demande en garantie dirigée contre le notaire, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en constatant qu'"il incombait en principe au notaire d'attirer l'attention de M. X... sur les conséquences de la seconde vente au regard des règles d'urbanisme" et en admettant que le terrain litigieux ne pouvait plus être construit, sous réserve du succès hypothétique d'un recours contre un refus de lotissement, la cour d'appel, qui a caractérisé un préjudice direct et certain résultant de la faute du notaire, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et alors, d'autre part, que la circonstance que l'inconstructibilité du troisième lot eût été, en toute hypothèse, opposée à M. X... pour des motifs distincts de la question de l'autorisation de bâtir, est étrangère au préjudice subi par le propriétaire des trois lots qui ne se serait pas engagé dans une opération de lotissement si le notaire n'avait pas manqué à son devoir d'information, de sorte que la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale ; Mais attendu qu'en relevant que le lotissement du troisième lot a été refusé, selon le certificat d'urbanisme du 5 mai 1980, non pas sur le fondement de l'article R. 315-1 du Code de l'urbanisme, mais parce que la parcelle n'était pas constructible en raison de ce que "le terrain par sa localisation hors agglomération est de nature à favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation de l'espace naturel environnant au sens de l'article R. 111-14-1 du Code de l'urbanisme" et "à porter atteinte sur caractère des lieux avoisinants" selon l'article R. 111-21 du même code, la cour d'appel a caractérisé l'absence de tout lien de causalité entre l'abstention du notaire à informer M. X... des conséquences résultant des ventes successives et le refus de l'administration d'autoriser le lotissement, fondé exclusivement sur le caractère non constructible du terrain ; d'où il suit qu'en aucune de ses deux branches, le moyen n'est fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi