LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1°) Madame veuve B... née Jeanine C..., demeurant à Bischwiller (Bas-Rhin), ...,
2°) Monsieur Guy B..., médecin, demeurant à Bichwiller (Bas-Rhin), ...,
3°) Mademoiselle Sabine B..., aide-comptable, demeurant à Bischwiller (Bas-Rhin), ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 11 février 1987 par la cour d'appel de Colmar (1ère chambre civile), au profit de Monsieur Wolfgang X..., demeurant à Bischwiller (Bas-Rhin), ...,
défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 14 décembre 1988, où étaient présents :
M. Ponsard, président, M. Bernard de Saint-Affrique, rapporteur, MM. A..., Z...
Y..., Massip, Viennois, Zennaro, Fouret, Pinochet, conseillers, Mme Crédeville, conseiller référendaire, M. Sadon, premier avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Bernard de Saint-Affrique, les observations de Me Choucroy, avocat des consorts B..., de la SCP Masse-Dessen et Georges, avocat de M. X..., les conclusions de M. Sadon, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Attendu selon les énonciations des juges du fond, que M. B... et son épouse possédaient en indivision avec M. X... un terrain que le premier a partiellement mis à la disposition de la société dont il était président, sans loyer ni indemnité, pour y exploiter un embranchement ferroviaire ; qu'à la suite de difficultés ayant opposé les co-indivis M. X... a diligenté une action dans les termes de l'article 815-5 du Code civil, en sollicitant des juges du fond l'autorisation de passer outre à l'opposition de M. B... pour agir en son nom et dans l'intérêt de l'indivision en vue d'obtenir le paiement d'un loyer ; que la cour d'appel (Colmar, 11 février 1987) a accueilli cette demande en relevant d'office que celle-ci trouvait exclusivement son fondement dans les dispositions non invoquées de l'article 815-6, aux termes desquelles, le président du tribunal de grande instance peut prescrire ou autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l'intérêt commun, et notamment désigner un indivisaire comme administrateur, avec les pouvoirs et obligations définis par les articles 1873-5 à 1873-9 du Code civil ; Sur le premier moyen :
Attendu que les consorts B..., venant aux droits de M. B... décédé, font grief à la cour d'appel d'avoir ainsi statué alors, selon le moyen que les parties n'avaient débattu contradictoirement que de l'application de l'article 815-5 du Code civil et qu'en statuant d'office sur le fondement de l'article 815-6, substitué au premier de ces deux textes, sans avoir invité les intéressés, à formuler leurs observations sur les conditions spécifiques de son application, l'arrêt attaqué a violé le principe de la contradiction ; Mais attendu qu'il résulte des mentions figurant dans l'arrêt attaqué que la cour d'appel a accueilli la demande de M. X... sur le fondement de l'article 815-6 en relevant au préalable que les parties avaient débattu dans leurs conclusions de l'intérêt commun et de la notion d'urgence dont procède la mise en oeuvre de ce texte ; qu'ainsi le moyen manque en fait ; Sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que les consorts B... reprochent également à la cour d'appel d'avoir fait droit aux prétentions de M. X... sur le fondement de l'article 815-6 du Code civil alors, selon le moyen, que d'une part les mesures urgentes à prescrire en vertu de ce texte doivent, en raison de leur caractère provisoire, comporter un délai d'exécution et qu'une autorisation d'agir en justice ne peut donc être accordée que sous condition d'une introduction de l'instance avant un temps fixé, alors, d'autre part, que la loi du 31 décembre 1976 sur l'indivision ne peut porter atteinte aux droits acquis antérieurement entre co-indivis de sorte que la cour d'appel aurait dû rechercher, comme l'y invitaient les conclusions, si l'autorisation donnée par M. B... de construire un branchement ferroviaire sur le terrain indivis ne "relevait" pas d'une occupation gratuite alors acceptée par son co-indivisaire M. X... et alors enfin que l'appréciation des notions d'intéret commun et d'urgence au regard de l'article 815-6 du Code civil eût impliqué que soient pris en compte les faits décisifs que soulignaient les conclusions en tant que l'utilisation à titre gratuit du terrain indivis se limitait à une superficie infime et avait pris fin en février 1985 ; Mais attendu sur le premier point que l'article 815-6 du Code civil ne subordonne à
aucune limitation dans le temps, les mesures prises en application de ses dispositions ; Attendu, sur le second point, qu'aux termes de l'arrêt attaqué il a été constaté que la demande de M. X..., pour obtenir l'autorisation d'agir en paiement d'un loyer, à partir du 1er janvier 1979, devait être examinée au regard des articles 815 et suivants du code civil, tels que résultant de la loi du 31 décembre 1976, applicable aux indivisions existant lors de son entrée en vigueur, le 1er juillet 1977 ; qu'en conséquence, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu autoriser M. X..., par application de l'article 815-6 du Code civil, tel qu'il résulte de la même loi, à exercer une action en justice, pour obtenir exclusivement "sur le fondement qu'il lui plairait" une rémunération liée à l'occupation du terrain indivis, en réservant ainsi,
implicitement mais nécessairement aux bénéficiaires de droits acquis la possibilité de s'en prévaloir devant la juridiction appelée à statuer au principal sur la même action ; Attendu enfin, sur le troisième point, qu'ayant pu relever qu'au regard de l'article 815-6 du Code civil il était de l'intérêt commun, des indivisaires qui avaient immobilisé des capitaux dans l'achat d'un terrain, de faire fructifier ce bien et d'obtenir une rémunération en contrepartie d'une occupation et d'une utilisation partielle, la cour d'appel a souverainement estimé qu'au regard des dispositions de l'article 815-6 précité, il y avait, en l'espèce urgence à donner l'autorisation sollicitée pour agir à cette fin conformément à l'intérêt de l'indivision, "compte tenu de la perte de revenus importants" auxquels celle-ci pourrait prétendre du chef de l'occupation litigieuse ; D'où il suit que l'arrêt attaqué, n'encourt aucun des griefs du moyen, et que celui-ci doit être rejeté en ses trois branches ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;