AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1°) Monsieur Emilien X...,
2°) Madame Jeanne A..., épouse X...,
demeurant ensemble ... (Indre-et-Loire),
en cassation d'un arrêt rendu le 25 mars 1986 par la cour d'appel d'Orléans (chambre civile - 2ème section), au profit de l'Association de la Résidence du Bel Age, dont le siège social est ... (Indre-et-Loire),
défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en
l'audience publique du 6 décembre 1988, où étaient présents :
M. Ponsard, président, M. Zennaro, rapporteur, M. Fabre, président faisant fonctions de conseiller, Mme Flipo, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Zennaro, les observations de la SCP Waquet et Farge, avocat des époux Z..., de Me Cossa, avocat de l'Association de la Résidence du Bel Age, les conclusions de Mme Flipo, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu selon les énonciations des juges du fond, que les époux Emilien Y...
A... ont, par acte notarié du 20 janvier 1981, acquis l'usufruit d'un appartement dans un immeuble dénommé "résidence du Bel Age" qui accueille des personnes du troisième âge et met à leur dispostion un certain nombre de services assurés par une association dite "Association de la résidence du Bel Age" (l'Association) à laquelle ils ont adhéré le 8 avril 1981, lors de leur installation ; qu'ils ont démissionné de cette Association le 23 décembre 1982, pour compter du 1er janvier 1983 et ont cessé à cette date de verser leurs cotisations jusqu'à leur départ de la résidence, qui a eu lieu le 17 octobre 1984 ; que l'Association les a assigné en paiement de l'arriéré de leurs cotisations ;
Attendu que les époux X... reprochent à l'arrêt infirmatif attaqué (Orléans, 25 mars 1986) de les avoir condamnés à payer cet arriéré de cotisations alors, selon le moyen, d'une part, que, la clause du contrat de constitution d'usufruit selon laquelle ils devaient acquitter les charges de co-propriété ainsi que les cotisations de fonctionnement à l'Association ayant pour seul objet de définir le destinataire des paiements et non de déterminer le caractère obligatoire ou non du coût des prestations, et encore moins de dire que des prestations assurées par l'Association seraient dues, nonobstant le fait que les intéressés n'y aient pas eu recours, la cour d'appel, en statuant comme elle a fait, a dénaturé la dite clause de ce contrat et violé l'article 1134 du Code civil ; alors,
d'autre part, que, l'objet de l'Association étant d'assurer à ses membres diverses prestations et services et les tiers n'ayant aucun droit à ces prestations réservées aux membres sociétaires, ils avaient perdu tout droit à ces prestations dès leur démission et qu'en décidant le contraire, l'arrêt attaqué a violé l'article 3 des statuts de l'Association et l'article 1134 du Code civil ; et alors, enfin, qu'en toute hypothèse, le débiteur d'une obligation synallagmatique se trouvant délié de cette obligation si son cocontractant n'exécute pas lui-même la sienne, leur refus de poursuivre l'exécution de la convention était justifié par le fait que M. X... avait été victime, lors d'un recours aux services collectifs de l'Association, de voies de fait pénalement sanctionnées qui constituaient de la part de l'Association une violation de ses engagements, et qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé l'article 1184 du Code civil ;
Mais attendu, d'abord, que c'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, de la clause ambigüe du contrat de constitution d'usufruit relative au paiement des cotisations de fonctionnement à l'Association, que la cour d'appel a estimé que les cotisations litigieuses correspondaient aux cotisations de fonctionnement due à l'Association à titre de rétribution des services collectifs gérés par celle-ci et mis à la disposition de tous les résidents ;
Attendu, ensuite, qu'en constatant qu'il résultait de cette clause que les époux X... s'étaient expréssément engagés à régler les dites cotisations pendant toute la durée de l'usufruit et en déduisant de ses constatations que leur engagement n'était pas subordonné à leur qualité de membre associé de l'Association, mais à leur seule qualité d'usufruitier et qu'ils ne pouvaient donc se prévaloir de leur démission pour cesser de participer au réglement des services collectifs dont ils avaient conservé l'usage potentiel même après le 1er janvier 1983, la cour d'appel n'a pas violé les statuts de l'Association dans leur rédaction applicable à l'époque du litige ;
Attendu, enfin, que les époux X... n'ont pas soutenu devant la cour d'appel qu'ils étaient en
droit de refuser d'exécuter l'obligation d'acquitter les cotisations réclamées en raison de l'inexécution par l'Association de ses propres obligations à leur égard ; que le moyen tiré de l'exception "non adimpleti contractus", mélangé de fait et de droit, ne peut être présenté pour la première fois devant la Cour de Cassation ;
D'où il suit que le moyen non fondé en ses deux premières branches, est irrecevable en sa troisième branche ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux X..., envers l'Association de la Résidence du Bel Age, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix huit janvier mil neuf cent quatre vingt neuf.
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