LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1°/ la SOCIETE CIVILE D'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE COURS PRIVE FRANCOIS A..., ... à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne),
2°/ la SOCIETE COOPERATIVE OUVRIERE DE PRODUCTION (SCOP) COURS LAVOISIER, 14, rue de l'Eglise à Joinville-le-Pont (Val-de-Marne),
en cassation d'un arrêt rendu le 27 février 1985 par la cour d'appel de Paris (21ème chambre, section B), au profit de Mme Andrée X..., demeurant ... (6ème),
défenderesse à la cassation
LA COUR, en l'audience publique du 23 novembre 1988, où étaient présents :
M. Cochard, président ; M. Goudet, conseiller rapporteur ; MM. Le Gall, Saintoyant, Vigroux, conseillers ; Mme Z..., M. Y..., M. Laurent-Atthalin, conseillers référendaires ; M. Ecoutin, avocat général ; Mme Collet, greffier de chambre
Sur le rapport de M. le conseiller Goudet, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard, avocat de la société civile d'Enseignement secondaire cours privé François A... et de la Société coopérative ouvrière de production, Cours Lavoisier, les conclusions de M. Ecoutin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Attendu selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 février 1985) que Mme X... a été engagé en qualité de professeur par la Société coopérative ouvrière de production (SCOP) Cours Lavoisier du 15 septembre 1979 au 15 septembre 1980 et du 15 septembre 1980 au 15 septembre 1981 ; que le 24 avril 1981 un cahier des revendications a été déposé auprès de la direction de l'établissement et une partie du personnel dont Mme X... s'est mis en grève ; qu'au cours du mois de mai les sociétés ont déclaré résilier pour fautes lourdes le contrat de travail de Mme X... ; Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que les contrats ayant lié Mme X... à la SCOP cours Lavoisier pour la période du 15 septembre 1979 au 15 septembre 1980, puis pour la période du 15 septembre 1980 au 15 septembre 1981, étaient des contrats à durée indéterminée, et d'avoir, en conséquence, d'une part, alloué à la salariée à titre d'indemnités de rupture, les sommes de 3 251,14 francs (indemnité de préavis) de 2 792,60 francs (indemnité de congés payés) et de 6 000 francs (dommages-intérêts pour rupture abusive de contrat à durée indéterminée) et, d'autre part, ordonné à son profit la remise d'un certificat de travail pour la totalité de sa période d'emploi dans la SCOP Lavoisier, alors que, selon le moyen, suivant les dispositions de l'alinéa 1 de l'article L. 121-1, en sa rédaction issue de la loi du 3 janvier 1979 alors en vigueur, le contrat de travail à durée déterminée est celui qui comporte un terme certain et fixé avec précision dès sa conclusion ; que, selon les dispositions de l'alinéa 2 du même texte, un tel contrat peut être renouvelé une fois pour une période également déterminée dont la durée ne peut excéder celle de la période initiale et en application d'une clause figurant dans le contrat initial ; que, dès lors, la cour d'appel, qui constate que les deux contrats successivement conclus entre la salariée et la SCOP cours Lavoisier avaient été souscrits chacun pour une durée d'une année et qu'ils étaient assortis chacun d'un terme certain et fixé avec précision dès leur conclusion (15 septembre 1980 pour l'un, 15 septembre 1981 pour l'autre), ne tire pas de ses propres énonciations la conséquence légale qui en découle, à savoir que le renouvellement unique, opéré en vertu d'une clause conforme aux prévisions de l'article L. 121-1, alinéa 3, ancien du Code du travail, pour une même durée d'un contrat souscrit pour une durée d'un an ne modifiait pas la nature de l'engagement, lequel restait à durée déterminée, peu important la stipulation réservant aux parties la faculté d'y mettre fin à tout moment, celles-ci n'en ayant pas fait usage pour rompre le contrat ; qu'ainsi, elle viole par refus d'application les articles L. 122-1 et L. 122-3 et par fausse application les articles L. 122-4, L. 122-8 et L. 122-14-4 du Code du travail ; Mais attendu que c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu qu'en elle-même, la faculté reconnue aux parties de mettre fin à tout moment, au contrat avait pour effet que celui-ci ne comportait pas un terme certain ; qu'ainsi le moyen n'est pas fondé ; Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit abusif le licenciement du salarié et d'avoir en conséquence alloué cette dernière des indemnités de préavis et de congés-payés, ainsi que des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, alors d'une part que constitue une faute lourde justifiant le licenciement d'un salarié gréviste le fait, pour ce dernier, qui exerce la profession d'enseignant dans un établissement scolaire, de dissuader les élèves d'assister aux cours des professeurs non grévistes, ce comportement caractérisant une voie de fait tendant à porter atteinte au libre exercice du travail des élèves et professeurs non-grévistes, en sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui n'a pas tiré de ses propres constatations la conséquence légale qui en découlait, a violé l'article L. 521-1 du Code du travail ; alors, d'autre part, que la cour d'appel ne répond pas au moyen des écritures des sociétés faisant valoir à plusieurs reprises que pour parvenir à dissuader les élèves d'assister aux cours des professeurs non-grévistes, la salariée s'était livrée, avec d'autres de ses collègues, à une occupation illicite des locaux également caractéristique d'une voie de fait manifeste entravant la liberté du travail et, partant, d'une faute lourde ; qu'en s'abstenant de s'expliquer de ce chef, elle a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, en outre, que la cour d'appel ne répond pas davantage au moyen des écritures des sociétés faisant valoir que la salariée avait, avec d'autres collègues, organisé pendant la grève des cours parallèles ; que, ce faisant, elle entache sa décision d'un défaut de motifs en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, enfin, que la preuve du détournement du fichier de la clientèle ne pouvait être établie par les sociétés que par des recherches de pièces, notamment dans la comptabilité et les fichiers administratifs de la SARL Cours Montaigne (établissement d'enseignement privé fondé par la salariée et concurrent des Cours Lavoisier et François A...), auxquelles les sociétés ne pouvaient procéder elles-mêmes ; d'où il suit qu'en refusant d'ordonner l'expertise demandée aux fins d'établir cette preuve, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 146 alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu, d'une part, que, répondant aux conclusions invoquées, les juges du fond ont relevé que le déroulement des cours n'avaient pas été réellement affecté pendant la grève, qu'ils ont pu en déduire qu'aucune faute lourde ne pouvait dès lors être retenue à l'encontre de la salariée ; que d'autre part appréciant souverainement les moyens de preuves qui lui étaient soumis, la cour d'appel a retenu qu'il n'était pas établi que Mme X... ait détourné le fichier des parents d'élèves ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ; Sur le troisième moyen :
Attendu qu'il est encore fait grief à la décision d'avoir réduit à 25 000 francs le montant de l'indemnité forfaitaire (50 000 francs) prévue en cas d'infraction à la clause de non-concurrence par les contrats liant la salariée à la SCOP Cours Lavoisier, alors que, d'une part, l'indemnisation forfaitaire préalablement fixée, due à l'employeur en vertu d'une clause de non-concurrence, n'est pas une peine privée dans la mesure où elle a pour contrepartie le droit recouvré par le salarié de se livrer, dans un secteur géographique donné, à une activité qu'il s'était engagé à ne pas exercer, et ne peut dès lors être modéré ; qu'ainsi, en en réduisant le montant, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 1152, alinéa 2, du Code civil et, par refus d'application, l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, que, en ne précisant pas en quoi l'indemnité stipulée au profit de l'employeur était manifestement excessive par rapport au préjudice réellement subi par celui-ci, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1152, alinéa 2, du Code civil ; Mais attendu, en premier lieu, que l'indemnité forfaitaire convenue entre les parties étant destinée à réparer les conséquences dommageables pour l'ancien employeur de l'inexécution par la salariée de l'obligation de non-concurrence, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé qu'elle pouvait user de la faculté reconnue au juge par l'article 1152, alinéa 2 du Code civil de modérer la peine ; Attendu, en second lieu, qu'ayant retenu, par motifs adoptés et tenant aux particularités du contrat que le montant des indemnités résultant de la clause pénale était excessif, la cour d'appel qui a souverainement apprécié le préjudice subi par la société n'a fait qu'user du pouvoir qu'elle tient de l'article précité en fixant l'indemnité due à la société ; que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi