LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société d'exploitation des transports CARRE, ... (Val d'Oise),
en cassation d'un jugement rendu le 14 janvier 1985 par le conseil de prud'hommes de Montmorency (section commerce), au profit de Monsieur Pierre Z..., demeurant 69, Résidence Ile de France, Luzarches (Val d'Oise),
défendeur à la cassation ; LA COUR, en l'audience publique du 12 octobre 1988, où étaient présents :
M. Cochard, président ; M. Saintoyant, conseiller rapporteur ; MM. Goudet, Guermann, Vigroux, conseillers ; M. X..., Mlle A..., M. David, conseillers référendaires ; M. Ecoutin, avocat général ; Mme Collet, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Saintoyant, les conclusions de M. Ecoutin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le premier moyen :
Attendu, selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Montmorency, 14 janvier 1985), que M. Z... a été engagé par la société d'exploitation des transports
Y...
le 14 février 1977 en qualité de chauffeur poids lourds ; qu'ayant demandé le 9 janvier 1984 l'autorisation de licencier pour motif économique ce salarié, son employeur, l'a, par lettre du 21 janvier 1984 "rendu libre" pour le 23 janvier ; qu'après avoir obtenu l'autorisation sollicitée, la société a notifié le licenciement le 24 janvier 1984 et a versé une indemnité de licenciement à M. Z... ; que ce dernier a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et des dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ; que la société a formé une demande reconventionnelle en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et en remboursement de l'indemnité de licenciement ; Attendu que la société fait grief au jugement de l'avoir condamnée à payer à M. Z... l'indemnité de préavis et de l'avoir déboutée de ses propres demandes, alors, selon le moyen, qu'elle avait versé au dossier une inscription de faux ; qu'en refusant de surseoir à statuer et en écartant cette "inscription de faux", le conseil de prud'hommes a violé l'article 303 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la procédure prévue par les articles 303 et suivants du nouveau Code de procédure civile s'applique aux actes authentiques ; que la pièce contre laquelle la société déclarait former une inscription de faux était une lettre adressée au conseil de prud'hommes par le nouvel employeur de M. Z... ; que le conseil de prud'hommes n'avait donc pas l'obligation de surseoir à statuer ; que le moyen ne saurait être accueilli ; Sur le second moyen :
Attendu que la société reproche encore au jugement d'avoir statué comme il l'a fait alors, selon le moyen, que, d'une part, le conseil de prud'hommes a refusé, tant à l'audience qu'après celle-ci de lui communiquer des attestations remises par la partie adverse, alors que, d'autre part, il a rejeté systématiquement les attestations produites par elle ; qu'ainsi il a violé les articles 200, alinéa 2 et 202 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu que, d'une part, défaut d'énonciation contraire dans la décision, les documents sur lesquels les juges se sont appuyés et dont la production n'a donné lieu à aucune contestation devant eux, sont réputés, sauf preuve contraire, avoir été régulièrement produits aux débats et soumis à la libre discussion des parties ; que, d'autre part, ayant retenu que par la lettre du 21 janvier 1984, l'employeur s'était engagé à verser au salarié ses indemnités de licenciement, peu important qu'il n'effectue pas son préavis, le conseil de prud'hommes n'était pas tenu de préciser les raisons pour lesquelles il écartait des attestations ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; Sur le troisième moyen :
Attendu qu'il est encore reproché au jugement d'avoir condamné l'employeur au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, alors, selon le moyen, que le conseil de prud'hommes qui "n'a pas démontré de façon concrète que le salarié avait été dispensé de l'exécution du préavis, s'est fondé sur un document dont l'auteur était M. Z... et non M. Y..., gérant de la société" ; qu'ainsi il a violé, par fausse application, l'article L. 122-8 du Code du travail et l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu qu'après avoir relevé que la lettre susvisée du 21 janvier 1984 n'avait pas été rédigée par M. Y..., le conseil de prud'hommes a constaté qu'il l'avait signée et a estimé qu'y était exprimée la volonté non équivoque de l'employeur de libérer M. Z..., de dispenser le salarié de l'exécution du préavis et de lui payer les indemnités de rupture ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;