LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Monsieur Michel O..., syndic de la société anonyme P... FRANCE, dont le siège est à Avesnes sur Helpe (Nord), ...,
en cassation d'un jugement rendu le 14 janvier 1986 par le conseil de prud'hommes de Fourmies (section industrie), au profit de :
1°/ Monsieur Jean X..., domicilié à Le Favril-Landrecies (Nord), rue Grenotte,
2°/ Monsieur René D..., domicilié à Englefontaine (Nord), ...,
3°/ Monsieur Marcel Y..., domicilié à Forest en Cambresis (Nord), chaussée Brunehaut,
4°/ Monsieur Yves A..., domicilié à Maroilles (Nord), rue de Cerfmont,
5°/ Monsieur Christian C..., domicilié à Forest en Cambresis (Nord), chaussée Brunehaut,
6°/ Monsieur Francis E..., domicilié à Forest en Cambresis (Nord), ...,
7°/ Monsieur Michel F..., domicilié à Landrecies (Nord), 18, Les Acacias,
8°/ Monsieur Edouard G..., domicilié à Landrecies (Nord), rue de la Cramainque,
9°/ Monsieur Gilbert H..., domicilié à Landrecies (Nord), ...,
10°/ Monsieur Michel I..., domicilié à Landrecies (Nord), route d'Happegarbe,
11°/ Monsieur Christian J..., domicilié à Landrecies (Nord), route de Fontaine,
12°/ Monsieur André K..., domicilié à Landrecies (Nord), rue de la Percherie,
13°/ Monsieur Jean-Marie L..., domicilié à Fontaine au Bois (Nord), rue du Cateau,
14°/ Monsieur Henri N..., domicilié à Landrecies (Nord), route d'Happegarbes,
15°/ Monsieur Michel Q..., domicilié à Landrecies (Nord), route de Fontaine,
16°/ Monsieur Marcel R..., domicilié à Landrecies (Nord), route d'Happegarbes,
défendeurs à la cassation ; LA COUR, en l'audience publique du 6 octobre 1988, où étaient présents :
M. Goudet, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Benhamou, conseiller rapporteur, MM. Leblanc, Combes, Zakine, conseillers, M. B..., Mme Z..., M. M..., Mme Pams-Tatu, conseillers référendaires, M. Franck, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Benhamou, les observations de Me Roger, avocat de M. O..., ès qualités de syndic de la liquidation des biens P... France, de la SCP Peignot et Garreau, avocat de MM. L... et F..., les conclusions de M. Franck, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur les deux moyens réunis :
Attendu que le syndic de la liquidation des biens de la société P... France reproche au jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Fourmies, 14 janvier 1986) d'avoir décidé que l'indemnité de licenciement due respectivement à M. X... et à quinze autres salariés de la société P... France, licenciés pour cause économique en 1983, devait être calculée sur la base de leur salaire brut, alors, selon le pourvoi, que, d'une part, la loi n° 84-575 du 9 juillet 1984 portant diverses dispositions d'ordre social ayant précisé en son article 19 qu'elle n'entrerait en vigueur que le 1er janvier 1985, le conseil de prud'hommes, en conférant à cette loi un caractère rétroactif dans ses dispositions relatives au calcul de l'indemnité de licenciement, a violé l'article 2 du Code civil, alors que, d'autre part, une loi ne pouvant être considérée comme interprétative qu'autant qu'elle se borne à reconnaître, sans rien innover, un droit préexistant qu'une définition imparfaite avait rendu susceptible de controverse, n'entre pas dans une telle catégorie l'article 59 de la loi du 9 juillet 1984 qui dispose que le calcul de l'indemnité de licenciement sera effectué sur la base de la rémunération brute du salarié licencié et non plus sur celle de la rémunération perçue antérieurement, une telle disposition conférant au salarié un droit ne préexistant pas dans la législation antérieure ; qu'en décidant le contraire, le conseil de prud'hommes a violé l'article 2 du Code civil ; alors, en outre, qu'en s'abstenant de caractériser l'existence et l'applicabilité en l'espèce des usages auxquels ils se sont référés pour faire droit à la demande des salariés, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ; alors, enfin, que, dès lors que l'article 563-5 de la convention collective de la métallurgie applicable en l'espèce dispose que l'indemnité de licenciement est calculée sur la base de l'horaire pratiqué et du salaire perçu, le conseil de prud'hommes, en affirmant qu'il en résultait que l'indemnité devait être calculée sur la base du salaire brut, a introduit dans ce texte une disposition qu'il ne comporte pas et l'a violé par fausse application ; Mais attendu, d'une part, qu'aucun article de la loi n° 84-575 du 9 juillet 1984 n'indique que ses dispositions n'entreront en vigueur que le 1er janvier 1985 ; d'où il suit que le moyen manque en fait dans sa première branche ;
Attendu, d'autre part, que l'article 59 de la loi susvisée qui a précisé que la rémunération visée par l'article L. 122-9 du Code du travail est la rémunération brute, s'étant borné à reconnaître, sans rien innover, un état de droit préexistant qu'une définition imparfaite ou une énonciation imprécise avait rendu susceptible de controverse, le jugement attaqué a exactement reconnu un caractère interprétatif à cette disposition et décidé que l'expression "salaire perçu" visée dans la convention collective applicable devait s'entendre par "salaire brut" ; qu'elle a ainsi, abstraction faite du motif surabondant se référant aux usages, légalement justifié sa décision ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;