LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société anonyme PERLES FRANCE, dont le siège est à Gonesse (Val-d'Oise), ZAE La Grande Couture, Rue Ampère ; en cassation d'un arrêt rendu le 18 avril 1985 par la cour d'appel de Paris (21ème Chambre - section B), au profit de Monsieur Jean-Paul X..., demeurant à Neuilly-Plaisance (Seine-Saint-Denis), ... ; défendeur à la cassation ; LA COUR, en l'audience publique du 5 octobre 1988 où étaient présents :
M. Goudet, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Aragon-Brunet, conseiller référendaire rapporteur, MM. Guermann, Saintoyant, Vigroux, conseillers, Mlle Y..., M. David, conseillers référendaires, M. Franck, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Aragon-Brunet, les observations de Me Foussard, avocat de la société Perles France, de Me Cossa, avocat de M. X..., les conclusions de M. Franck, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 avril 1985), que M. X... a été employé en qualité de représentant exclusif par la société Perles France du 1er septembre 1977 au 11 décembre 1980, date de son licenciement pour motif économique ; Attendu que la société fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer un rappel de commissions sur deux commandes passées par les firmes Interoutil et SI-DO, alors, selon le pourvoi, que, d'après un usage accepté par écrit par M. X... dans ses premières manifestations, les "affaires exceptionnelles" -à savoir les affaires donnant lieu soit à une faible marge bénéficiaire, soit à une absence de bénéfice, soit à une perte- n'ouvraient droit aux représentants qu'à une commission à un taux réduit ; que, faute d'avoir recherché si les commandes passées par les sociétés Interoutil et SI-DO, dans le cadre des affaires exceptionnelles, ne devaient pas, en raison de l'usage, donner lieu à taux de commission réduits même en l'absence de consentement de M. X..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 1135 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel devant laquelle l'existence d'un usage n'avait pas été invoquée, a retenu que le taux des commissions versées à M. X... n'avait jamais été diminué sans son accord exprès et que, s'agissant de ces deux commandes, il avait refusé, par écrit, la réduction de sa commission ; que le moyen n'est pas fondé ; Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer au salarié des frais professionnels afférents aux commandes passées par les firmes Interoutil et SI-DO, alors que la cour d'appel ne pouvait condamner la société Perles France à verser à M. X... une somme au titre du remboursement de frais sans constater que le représentant avait été contraint d'exposer des frais en vue de la passation des deux commandes litigieuses ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué manque de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ; Mais attendu que la cour d'appel a relevé que le contrat de travail prévoyait le versement, sans aucune condition, d'un pourcentage du chiffre d'affaires à titre de frais professionnels ; que le moyen n'est pas fondé ; Sur le troisième moyen :
Attendu que la société fait, en outre, grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer au salarié une indemnité de congés payés calculée sur le montant du rappel de commissions, alors que la cour d'appel qui, de ce chef, n'a donné aucun motif à sa décision, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu que la cour d'appel a entériné, sur ce point le montant déterminé par l'expert judiciaire, qui n'était pas contesté devant elle ; que le moyen n'est pas fondé ; Sur le quatrième moyen :
Attendu que la société critique l'arrêt en ce qu'il l'a condamnée à payer au salarié une commission de retour sur échantillonnage, alors que le fait que les commandes soient provenues de l'ancien secteur attribué à M. X... n'impliquait pas nécessairement qu'elles fussent le fruit du travail de prospection du représentant et la conséquence directe des échantillonnages et prix faits par lui, les clients pouvant s'être adressés directement à la société sans passer par l'intermédiaire de ce dernier, par lequel ils n'ont pas été démarchés ; que faute de s'être expliqués sur ce point, les juges du second degré ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, devant laquelle la société n'avait pas fait valoir que les commandes lui avaient été adressées directement, a relevé que ces commandes étaient dues au travail personnel de M. X... qui, d'ailleurs, n'avait pas été remplacé dans son secteur ; que le moyen n'est pas fondé ; Et sur le cinquième moyen :
Attendu que la société reproche enfin à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer au salarié une indemnité de clientèle de 86 096 francs alors, d'une part, que pour fixer à la somme de 86 096 francs le montant de l'indemnité de clientèle, l'expert a fait apparaître que, parmi les clients préexistants que M. X... avait prospectés, certains avaient accru le volume de leurs commandes et qu'une augmentation de 874 302 francs du chiffre d'affaires réalisé auprès d'eux s'en était suivie ; qu'il résulte cependant du rapport d'expertise que d'autres clients préexistants, également démarchés par M. X..., avaient, dans le même temps, réduit leurs commandes en sorte que le chiffre d'affaires réalisé auprès d'eux avait subi une diminution de 185 684 francs dont l'expert a omis de tenir compte ; d'où il suit qu'en entérinant de ce chef le rapport d'expertise sans s'expliquer sur la réduction du nombre des commandes observées chez certains clients suivis par M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 751-9 du Code du travail, alors, d'autre part, que l'indemnité n'est due qu'autant que le représentant a apporté une clientèle stable ; que des clients mauvais payeurs ne sauraient constituer une clientèle avec laquelle des relations d'affaires peuvent se poursuivre de façon satisfaisante, à savoir une clientèle stable ; d'où il suit qu'en fixant le montant de l'indemnité de clientèle compte tenu de l'apport de clients mauvais payeurs, la cour d'appel a violé l'article L. 751-9 du Code du travail ; et alors, enfin, que la stabilité de la clientèle se déduit du renouvellement des commandes ; qu'ainsi, en s'abstenant de rechercher si les clients apportés par M. X... avaient continué de s'approvisionner auprès de la société Perles France, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 751-9 du Code du travail ; Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a retenu que M. X... avait maintenu la clientèle existante lors de sa prise de fonction et qu'il avait augmenté le chiffre d'affaires réalisé avec certains clients ; que, d'autre part, elle a estimé qu'il n'était pas établi que de nouveaux clients aient connu des difficultés de paiement ; qu'enfin, elle s'est placée à l'époque de la rupture pour apprécier l'apport de clientèle sans avoir à rechercher si les nouveaux clients avaient continué à s'approvisionner auprès de la société ; que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;