LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société SAUNIER-DUVAL, société anonyme au capital de 129 880 800 francs, inscrite au RCS de Nanterre sous le n° B 669 804 833, dont le siège social est sis à Rueil-Malmaison Cédex (Hauts-de-Seine), ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 23 juin 1986 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (3ème chambre civile), au profit :
1°/ de la Compagnie d'exploitation thermique dite CETH dont le siège social est sis à Marseille (Bouches-du-Rhône), 7, avenue Ile de France,
2°/ de la société SETHA, société d'études thermiques hydrauliques et aéroliques, dont le siège est sis à Paris (11ème), ...,
3°/ le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier RUHL COTE D'AZUR, représenté par son syndic en exercice le Cabinet EUROPAZUR, dont le siège social est sis à Nice (Alpes-Maritimes), Place Masséna, lui-même pris en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés audit siège,
4°/ de Monsieur Jean-Claude Z..., administrateur-syndic, demeurant à Nice (Alpes-Maritimes), ..., pris en sa qualité de syndic de la liquidation des biens de la société anonyme BROCART,
5°/ de la Société mutuelle d'assurance des syndicats du bâtiment et des travaux publics L'AUXILIAIRE dont le siège social est sis à Lyon (Rhône), 50, Cours F Roosevelt,
6°/ de la Société d'exploitation du Méridien Nice (SOMENI) dont le siège social est sis à Nice (Alpes-Maritimes), ...,
défendeurs à la cassation ; La société SEITHA a formé un pourvoi incident par mémoire déposé au greffe le 13 avril 1987 contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; La société Saunier-Duval invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 28 juin 1988, où étaient présents :
M. Monégier du Sorbier, président ; M. Beauvois, rapporteur ; M. Y..., Paulot, Tarabeux, Chevreau, Didier, Senselme, Douvreleur, Capoulade, Deville, Darbon, conseillers ; M. X..., Mme Cobert, conseillers référendaires ; M. de Saint-Blancard, avocat général ; Mme Prax, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Beauvois, les observations de Me Choucroy, avocat de la société Saunier-Duval, de Me Delvolvé, avocat de la compagnie d'exploitation thermique dite CETH, de la SCP Peignot et Garreau, avocat de la société SETHA et de M. Z..., ès qualités, de Me Guinard, avocat du Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Ruhl Côte d'Azur, de la SCP Masse-Dessen et Georges, avocat de la société L'Auxiliaire, de Me Cossa, avocat de la société SOMENI, les conclusions de M. de Saint-Blancard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur la recevabilité du pourvoi incident, examinée d'office :
Attendu que nul ne peut se pourvoir deux fois contre le même arrêt ; Attendu que sur le pourvoi principal n° 86-17-482 de la société compagnie d'exploitation thermique, dite CETH, contre un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 23 juin 1986, la société SETHA a formé, le 13 avril 1987, un pourvoi incident qui a été rejeté par un arrêt de la Cour de Cassation du 21 mars 1988 ; que sur le pourvoi n° 86-17.516 formé par la société Saunier-Duval contre le même arrêt, la société SETHA s'est à nouveau pourvue par voie incidente et dans les mêmes termes ; D'où il suit que ce nouveau pourvoi est irrecevable ; Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 juin 1986), que la Société hôtelière et commerciale de Nice Côte-d'Azur a, courant 1973 et 1974, sous la maîtrise d'oeuvre complète de M. A..., fait édifier un ensemble immobilier, actuellement en copropriété, et dont les travaux pour le lot "traitement de l'eau" ont été, suivant les études et plans d'exécution de la Société d'études thermiques Hydrauliques et aéroliques (SETHA), attribués à la société Saunier-Duval qui en a sous-traité une partie à la société Brocart, mise depuis en état de liquidation des biens, avec M. Z... pour syndic et assurée par la compagnie L'Auxiliaire ; que l'exploitation du réseau de distribution d'eau chaude et froide a été confiée à la société CETH avant la réception des installations et par la suite à la société Compagnie française d'exploitation thermique (COFRETH), aux droits de la société CPTD ; qu'en raison des désordres affectant, après réception, les installations, le syndicat des copropriétaires a assigné tous les locateurs d'ouvrage et les entreprises chargées de l'exploitation du réseau de distribution d'eau en responsabilité et réparation des préjudices subis ;
Attendu que la société Saunier-Duval fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée "in solidum" avec le bureau d'études SETHA et l'entreprise CETH à payer au syndicat des copropriétaires le coût des travaux de remplacement des canalisations du réseau, alors, selon le moyen, "d'une part, que l'entrepreneur ne répond que des dommages résultant d'un vice de construction et non des dommages résultant du mauvais entretien de l'ouvrage par le maître de l'ouvrage ou par l'entrepreneur chargé par le maître de l'ouvrage de cet entretien ; qu'en l'espèce, après avoir elle-même admis qu'au moment de la mise en service et avant tout entretien l'ouvrage était en bon état, la cour d'appel devait rechercher, ainsi que la société Saunier-Duval l'y invitait dans ses conclusions d'appel, si le mauvais entretien de cet ouvrage par la société CETH n'était pas la cause exclusive des désordres invoqués ; que dès lors, en retenant la responsabilité de la société Saunier-Duval, au seul motif qu'elle avait choisi un procédé dont la fiabilité était aléatoire et que le sous-traitant avait interrompu le traitement filmogène massif, sans constater que ces fautes étaient à l'origine des dommages invoqués par le maître de l'ouvrage, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1147, 1792 et 2270 du Code civil, alors, d'autre part, et en tout état de cause, qu'après avoir retenu que le dommage invoqué trouvait sa cause dans un défaut d'entretien, imputable au maître de l'ouvrage ou à tout le moins à l'entrepreneur chargé par lui d'assurer l'entretien du réseau, la cour d'appel ne pouvait pas condamner l'entrepreneur général à réparer l'intégralité de ce dommage sans violer les textes susvisés" ; Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que l'origine de tous les désordres résidait dans le fait que la distribution d'eau avait été réalisée avec des tubes d'acier noir par l'entreprise sous-traitante de la société Saunier-Duval et que la qualification professionnelle de cette dernière ne lui permettait pas d'ignorer le risque inhérent à l'emploi d'acier noir et le caractère aléatoire du traitement de protection rendu indispensable par l'utilisation d'eau adoucie, agressive à l'égard du métal, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ; Mais sur le second moyen du pourvoi principal :
Vu l'article 1134 du Code civil ; Attendu que pour mettre hors de cause la société L'Auxiliaire, assureur de la société Brocart, l'arrêt énonce que les dispositions de la police garantissant la responsabilité biennale et décennale de cette société sont inapplicables en l'espèce, les travaux litigieux ayant été exécutés par l'assuré en qualité de sous-traitant de la société Saunier-Duval et seule sa responsabilité contractuelle, non garantie, pouvant être engagée à l'égard de l'entrepreneur principal ;
Qu'en statuant par cette seule affirmation, sans rechercher si la clause garantissant la société Brocart pour les dommages lui incombant en qualité de sous-traitant ne concernait pas la garantie due par ce sous-traitant à l'entrepreneur principal, lui-même tenu dans les conditions et limites posées par les articles 1792 et 2270 du Code civil, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; PAR CES MOTIFS :
DECLARE irrecevable le pourvoi incident formé par la société SETHA ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que l'arrêt a confirmé la mise hors de cause de la société L'Auxiliaire, l'arrêt rendu le 23 juin 1986, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;