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12/07/1988 | FRANCE | N°84-95488

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 juillet 1988, 84-95488


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le douze juillet mil neuf cent quatre vingt huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire LOUISE, les observations de Me CHOUCROY, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général PRADAIN ; Statuant sur le pourvoi formé par :

- Y... Gérard,

- Z... Renée épouse Y...,

- Y... Jean-Louis,

- Y... Jean-Luc,

parties civiles,
contre un arrêt de la cour d'appel de RENNES, chambre correctionnelle

, en date du 23 octobre 1984, qui a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par lesdites parti...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le douze juillet mil neuf cent quatre vingt huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire LOUISE, les observations de Me CHOUCROY, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général PRADAIN ; Statuant sur le pourvoi formé par :

- Y... Gérard,

- Z... Renée épouse Y...,

- Y... Jean-Louis,

- Y... Jean-Luc,

parties civiles,
contre un arrêt de la cour d'appel de RENNES, chambre correctionnelle, en date du 23 octobre 1984, qui a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par lesdites parties civiles et condamné F... Jean-Luc et X... Jean, pour non assistance à personne en péril et F... pour homicides involontaires, chacun à deux ans d'emprisonnement avec sursis et dix mille francs d'amende, F... à la suspension de son permis de conduire pendant un an ainsi qu'à des réparations civiles ; Vu le mémoire produit ; Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 311 et 319 du Code pénal, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ; " en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement par lequel le tribunal correctionnel s'est déclaré compétent, les faits visés dans la poursuite étant de nature délictuelle ; " au motif qu'en l'espèce il n'est nullement démontré avec certitude que Jean X..., dans le bref instant qui a précédé l'accident, ait utilisé le projecteur qu'il détenait, ni qu'il ait ébloui Eric A... avec cet objet, que, notamment, Françoise B... (réf. sa première déclaration du 30 juillet 1981) n'avait tout d'abord pas signalé l'emploi d'un projecteur par le passager du véhicule Golf, que les trois personnes qui ont rendu visite à Jean-Manuel Y..., à l'hôpital, où il avait été admis notamment pour une fracture du rachis et où il devait décéder dans le mois ou presque, n'ont pu que rapporter les propos d'une personne gravement blessée ;

" alors que, d'une part, ainsi que le rappelaient les parties civiles dans leurs écritures prises devant la Cour, Melle B... avait précisé lors de l'information que le conducteur du véhicule avait commencé à perdre le contrôle de celui-ci, juste après que le projecteur ait été braqué vers le rétroviseur, que dès lors en écartant la nature criminelle de l'infraction en se fondant sur une première déclaration de Melle B..., témoin dont les déclarations ont été totalement contredites par les circonstances du litige non contestées de l'espèce la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ; " alors d'autre part que dans leurs écritures les parties civiles avaient également souligné que, sur son lit d'hôpital, Jean-Manuel Y... avait déclaré que les conducteurs de la Golf s'étaient acharnées à vouloir les faire aller " dans les décors " et qu'il avait le sentiment que ceux-ci les poursuivraient jusqu'au moment où ils iraient effectivement " dans les décors ", que, dès lors, en écartant ce témoignage de nature à établir le caractère criminel des faits poursuivis, en se bornant à retenir que ces propos émanaient d'une personne gravement blessée, la cour d'appel n'a pas davantage donné un quelconque fondement légal à sa décision " ; Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué qu'une automobile conduite par A... et dont Jean-Manuel Y... était le passager a percuté un talus après avoir été poursuivie, à grande vitesse, par un autre véhicule piloté par Lognone et dont le passager X... brandissait un projecteur mobile pour éclairer la route et essayer d'éblouir le conducteur de la voiture pourchassée ; que A... a été tué sur le coup et que Jean-Manuel Y... est décédé des suites de ses blessures quelques semaines plus tard ; Attendu que Lognome et X... ont été, pour ces faits, poursuivis sous l'inculpation notamment d'homicides involontaires ; Attendu que les parties civiles demanderesses ont soulevé, avant tout débat au fond, l'incompétence de la juridiction correctionnelle en soutenant que les faits poursuivis constituaient le crime prévu par l'article 311 du Code pénal et non le délit prévu par l'article 319 dudit Code ; Attendu que pour rejeter cette exception, la cour d'appel après avoir analysé les faits dont elle était saisie, énonce qu'il n'est aucunement démontré que dans le bref instant qui a précédé l'accident, X... ait utilisé le projecteur mobile susmentionné ni qu'il ait, alors, ébloui A... ; que les juges en déduisent que la cause des homicides n'est pas un fait de violence volontaire mais une grave imprudence, à savoir la poursuite à vive allure de la voiture des victimes ; Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa compétence ;

D'où il suit que le moyen ne saurait qu'être écarté ; Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 319 du Code pénal, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ; " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Manuel Y... responsable pour 1 / 5ème de l'homicide dont il a été victime, sa part de responsabilité rejaillissant sur ses ayants-droit ; " au motif qu'il est établi que Jean-Manuel Y... avait omis d'attacher sa ceinture de sécurité au moment de l'accident alors qu'il avait eu tout le loisir de le faire, étant devenu passager ; " alors que les parties civiles avaient souligné dans leurs écritures que Jean-Manuel Y... avait cédé la place de conducteur à Eric A... tandis que le véhicule Jaguar était déjà engagé sur la petit route et qu'allait se produire l'accident ; d'où il suit que la victime n'avait pas bouclé sa ceinture de sécurité ; que dès lors, en se bornant à fonder la part de responsabilité laissée à celle-ci sur une telle omission, et sans se prononcer davantage sur les circonstances propres de l'espèce, la Cour d'appel n'a pas davantage donné de base légale à sa décision " ; Vu lesdits articles ensemble les articles 1er, 3 et 47 de la loi numéro 85-677 du 5 juillet 1985 ; Attendu, d'une part, qu'aux termes de l'article 47 de la loi du 5 juillet 1985 susvisée, les articles 1er à 6 de celle-ci s'appliquent, dès la publication de ce texte, aux accidents ayant donné lieu à une action en justice introduite avant cette publication, y compris aux affaires pendantes devant la Cour de Cassation dès lors que n'est pas intervenue une décision de justice irrévocablement passée en force de chose jugée ; Attendu, d'autre part, que les articles 1er et 3 de ladite loi disposent qu'hormis les conducteurs d'un véhicule terrestre à moteur, les victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un tel véhicule ne peuvent se voir opposer leur propre faute que si celle-ci est inexcusable et a été la cause exclusive de l'accident ; Attendu qu'en suite du pourvoi régulier des parties civiles demanderesses, l'arrêt attaqué n'a pas acquis, à leur égard, le caractère d'une décision irrévocablement passée en force de chose jugée ; Attendu que la cour d'appel a déclaré Jean-Manuel Y..., passager de la voiture conduite par A..., responsable pour un cinquième des conséquences dommageables de l'accident dont il a été victime, en retenant, par une appréciation souveraine, qu'en omettant d'attacher sa ceinture de sécurité, il avait commis une faute ayant directement contribué au dommage par lui subi ;

Attendu, en cet état, que si la cour d'appel a justifié sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil, elle n'a cependant pas été amenée à se prononcer sur le caractère inexcusable de la faute retenue à la charge de la victime ; Attendu, en conséquence, que si l'arrêt attaqué n'encourt pas la censure pour s'être prononcé comme il l'a fait, il doit être annulé en vue d'un nouvel examen du litige en fonction des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 entrée en vigueur postérieurement à la date de la décision ; Par ces motifs,

ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de RENNES en date du 23 octobre 1984 mais seulement en ses dispositions civiles relatives aux consorts Y..., et pour qu'il soit de nouveau statué conformément à la loi, dans les limites de l'annulation prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Caen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 84-95488
Date de la décision : 12/07/1988
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(Sur le 2e moyen) ACTION CIVILE - Accident de la circulation - Faute inexcusable de la victime - Définition - Application de la loi du 5 juillet 1985.


Références :

Loi 85-677 du 05 juillet 1985

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 23 octobre 1984


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 jui. 1988, pourvoi n°84-95488


Composition du Tribunal
Président : M. LEDOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1988:84.95488
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