LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le onze juillet mil neuf cent quatre vingt huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller GUTH, les observations de Me CHOUCROY et Me COPPER-ROYER, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général PRADAIN ; Statuant sur les pourvois formés par :
- LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR
D'APPEL DE PAU,
- B... Francine, partie civile,
contre un arrêt rendu le 30 juillet 1986 par la cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle, qui a relaxé Nicla X..., veuve D..., des fins de la poursuite pour complicité de non-représentation d'enfant et a débouté la partie civile ; Joignant les pourvois en raison de la connexité ; Vu les mémoires produits en demande et en défense ; Sur le moyen unique de cassation, présenté par le procureur général et pris d'" une contradiction certaine entre les motifs de l'arrêt ", (qui) " équivaut à une absence de motifs " et de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale ; Sur le moyen unique de cassation, proposé par Francine B... et pris de la violation des articles 357 du Code pénal, 59, 60 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ; " en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré non établi le délit de complicité de non représentation d'enfant et d'enlèvement d'enfant mis à la charge de Mme Veuve D..., et a débouté la demanderesse de ses demandes ;
" aux motifs que D... a été condamné par défaut par le tribunal correctionnel de Mont-de-Marsan, le 28 février 1986, à 1 an d'emprisonnement pour non-représentation et enlèvement de sa fille Vinka, ayant été établi qu'à l'issue d'un droit de visite, en exécution d'une ordonnance de référé du 15 février 1983, il ne présentait pas l'enfant le 3 août 1984 à sa mère qui en avait la garde ; qu'il prenait la fuite, se cachant vraisemblablement à l'étranger avec l'enfant ; qu'il est reproché à Mme D..., mère de Philippe D..., d'avoir, en connaissance de cause, depuis le début d'août 1984, aidé ou assisté dans les faits qui ont préparé, facilité ou consommé le délit de non représentation et d'enlèvement de la jeune Vinka, délit pour lequel son fils a été condamné ; que Philippe D... devait prendre sa fille pendant 1 mois et qu'à l'issue de ce droit de visite, expirant en l'espèce le 3 août 1984, il devait rendre l'enfant à sa mère ; qu'il a déclaré à Y..., en juillet 1984, qu'il partait et que le témoin a compris qu'il se rendait à l'étranger ; que, le 17 juin 1985, Mme D... a reconnu, devant le magistrat instructeur, s'être rendue à San Francisco où demeurait son fils, 15 jours après qu'il soit parti, selon ses dires, pour lui demander de ramener l'enfant ; qu'il n'est pas établi qu'il y ait eu concertation entre la mère et le fils pour soustraire l'enfant à la garde de sa mère ; que Mme D... avait rejoint son fils en Amérique après la consommation du délit ; qu'en réalité les envois d'argent, les achats ou vente de dollars, les achats de vêtements et jouets, le soutien des amies de la prévenue sont des actes commis postérieurement à la réalisation du délit ; que, certes, s'ils font apparaître que Mme D... a voulu et veut entraver la répression du délit et si, par son comportement, il peut être soutenu qu'elle apporte un soutien à son fils, ces actes ayant été commis après la consommation de l'infraction ne peuvent établir le délit de complicité retenu à l'encontre de la prévenue, l'aide ou l'assistance devant intervenir soit antérieurement, soit au moment de la réalisation ou de la consommation du délit ; " alors, d'une part, que le délit de non représentation d'enfant est un délit continu, qui se renouvelle chaque fois que, mis en demeure d'exécuter la décision de justice, le parent s'y refuse ; que toute personne qui aide ou assiste l'auteur d'une telle infraction se rend coupable de complicité ; qu'il s'ensuit que la Cour ne pouvait, sans méconnaître la portée de ses propres constatations, refuser de condamner la mère de l'auteur principal en qualité de complice, après avoir elle-même relevé que celle-ci avait accompli de nombreux actes propres à faciliter l'enlèvement et tout mis en oeuvre pour empêcher sa représentation ; qu'ainsi l'arrêt est entaché de manque de base légale, au regard des articles 60 et 357 du Code pénal ;
" alors, d'autre part, et en tout état de cause, que la Cour ne pouvait, sans se contredire, énoncer tout à la fois qu'il n'est pas établi qu'il y ait eu concertation entre la mère et le fils, à l'effet de soustraire l'enfant à la garde de la mère et relever un certain nombre d'actes positifs propres à établir la complicité " ; Lesdits moyens étant réunis ; Attendu que pour infirmer le jugement du tribunal correctionnel de Mont-de-Marsan, condamnant X... Nicla veuve D... pour complicité du délit de non-représentation d'enfant, commis par son fils D... Philippe, l'arrêt attaqué énonce " que le 17 juin 1985 Mme D... a reconnu devant le juge d'instruction s'être rendue à San Francisco où demeurait son fils, quinze jours après qu'il soit parti, selon ses dires, pour lui demander de ramener l'enfant " et " qu'il n'a pas été établi qu'il y ait eu concertation entre la mère et le fils pour soustraire l'enfant à la garde de sa mère " ; Attendu que de ces énonciations et constatations exemptes de contradiction, fondées sur l'appréciation souveraine des éléments de preuve contradictoirement débattus, la cour d'appel, abstraction faite de motifs surabondants voire erronés, qui n'a retenu à la charge de Nicla X... veuve D... que des actes postérieurs à la réalisation du délit sans relever l'existence d'une concertation antérieure, a pu en déduire que la prévenue devait être relaxée sans encourir les griefs allégués aux moyens, lesquels dès lors ne sauraient être accueillis ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE les pourvois ; Laisse les dépens exposés par la partie civile demanderesse à la charge du Trésor public (AJ. totale du 9 avril 1987) ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Où étaient présents :
MM. Angevin conseiller le plus ancien faisant fonctions de président en l'absence de président, Guth conseiller rapporteur, Charles Petit, Tacchella, Gondre, Malibert conseillers de la chambre, M. Pelletier, Mme Ract-Madoux, M. Azibert, Mme Bregeon conseillers référendaires, Mme Pradain avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ; En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;