LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le premier juin mil neuf cent quatre vingt huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller GUTH, les observations de Me RYZIGER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général RABUT ; Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Jacques dit Y... dit A..., partie civile,
contre un arrêt (n° 86-3463) de la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 21 janvier 1987, qui a constaté le caractère définitif du jugement de relaxe rendu en faveur de Martine Z... du chef de dénonciation calomnieuse, et a prononcé sur les intérêts civils ; Vu le mémoire produit ; Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 373 du Code pénal, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale ; " en ce que la décision attaquée a relaxé la demoiselle Z... du chef de dénonciation calomnieuse ; " aux motifs que lors des incidents qui se produisent depuis la naissance de l'enfant commun de Martine Z... et de son ancien amant, Jacques Y..., ce dernier a été conduit au poste de police, en raison du scandale public créé par la déclaration de Martine Z... se plaignant d'être importunée par lui et disant, selon les mentions de la main courante, qu'il serait porteur d'un couteau ; que le fait que Jacques Y... n'ait été trouvé porteur d'aucune arme ne saurait suffire à établir la mauvaise foi de Martine Z..., qui s'est exprimée au conditionnel et n'a pas confirmé, lors de son audition par un officier de police que son poursuivant était armé ; qu'au surplus, en admettant même que la décision de Martine Z... puisse être considérée comme une dénonciation d'un fait susceptible de sanction pénale, cette déclaration ne saurait être jugée comme une dénonciation calomnieuse, en l'absence de décision de classement du Parquet compétent pour y donner suite ;
" alors, d'une part, que le fait de présenter, même de manière déguisée et par voie d'insinuations, un fait comme ayant un caractère délictueux, suffit à constituer l'élément matériel du délit de dénonciation calomnieuse ; qu'en effet, celui qui use d'artifices de style pour donner aux faits, objet de sa dénonciation un caractère délictueux ne saurait échapper à la répression ; qu'à supposer que la demoiselle Z... ait utilisé un conditionnel, pour affirmer que le demandeur " serait porteur d'un couteau ", elle n'aurait pas moins procédé à la dénonciation, par voie d'insinuation, d'un fait faux, de telle sorte que cette dénonciation tomberait sous le coup de l'article 373 du Code de procédure pénale ; " alors, d'autre part, que l'élément intentionnel de la dénonciation calomnieuse résulte de la connaissance qu'avait le prévenu de la fausseté du fait dénoncé ; qu'en ne recherchant pas si Melle Z... connaissait la fausseté du fait qu'elle dénonçait, la cour d'appel a par là même privé son arrêt de base légae ; " alors, enfin, que la police judiciaire est chargée de constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler les preuves, d'en rechercher les auteurs ; que, lorsqu'à la suite d'un incident sur la voie publique, aucun élément constitutif d'une infraction n'est constaté, les agents et officiers de police judiciaire n'ont pas l'obligation de transmettre le résultat de leur investigation au Parquet, en vue de procéder à une décision sur l'action publique ; que, la simple constatation matérielle par les agents et officiers de police judiciaire du commissariat de Saint-Maur que Y... n'était pas armé, contrairement à ce qu'avait affirmé ou insinué Melle Z... suffisait à établir la fausseté du fait dénoncé " ; Attendu, d'une part, que sur l'action publique, c'est à bon droit que la cour d'appel a constaté le caractère définitif du jugement non frappé d'appel par Martine Z... et le ministère public ; Que, d'autre part, sur les intérêts civils, les juges, après avoir analysé les faits de la cause, ont relevé que les éléments constitutifs du délit de dénonciation calomnieuse ne se trouvaient pas réunis, en l'absence de décision souveraine de l'autorité compétente constatant la fausseté des faits ; Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a donné une base légale à sa décision ; Que, dès lors, le moyen doit être écarté ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ;