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30/05/1988 | FRANCE | N°87-83803

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 30 mai 1988, 87-83803


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le trente mai mil neuf cent quatre vingt huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller HEBRARD, les observations de Me GAUZES et de la société civile professionnelle GUIGUET, BACHELLIER et POTIER de la VARDE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général RABUT ; Statuant sur les pourvois formés par :

- Z... Daniel,

- X... Jacques,

- X... Georges,

- X... Guy,
contre un arrêt de la cour d'appel de LYON, 4ème

chambre, en date du 27 mai 1987 qui, après avoir rejeté les exceptions soulevées, a cond...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le trente mai mil neuf cent quatre vingt huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller HEBRARD, les observations de Me GAUZES et de la société civile professionnelle GUIGUET, BACHELLIER et POTIER de la VARDE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général RABUT ; Statuant sur les pourvois formés par :

- Z... Daniel,

- X... Jacques,

- X... Georges,

- X... Guy,
contre un arrêt de la cour d'appel de LYON, 4ème chambre, en date du 27 mai 1987 qui, après avoir rejeté les exceptions soulevées, a condamné le premier, pour délit de banqueroute, à 2 ans d'emprisonnement, dont dix-huit mois avec sursis, les trois autres, pour complicité de ce délit et recel, à 15 mois d'emprisonnement avec sursis et 100 000 francs chacun ; Vu la connexité joignant les pourvois ; Vu le mémoire personnel régulièrement produit par Daniel Z... ; Attendu que le dit mémoire qui ne vise aucun texte de loi dont la violation serait alléguée, n'offre à juger aucun point de droit ; qu'ainsi, ne remplissant pas les conditions exigées par l'article 590 du Code de procédure pénale, il ne sauraît être accueilli ; Vu les mémoires produits ; Sur le premier moyen de cassation, proposé par Z..., et pris de la violation des articles 131-2 et 133-2 de la loi du 13 juillet 1967, 197-1° et 2° de la loi du 25 janvier 1985, 402 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale ; " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de banqueroute par détournement d'actif et emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds et l'a condamné à la peine de deux années d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis ;

" aux motifs que fin août 1979 avant l'intervention de Daniel Z... le dépôt de bilan de la société CATV était inévitable sauf reconstitution du fonds de roulement par apport de capitaux et mise en place d'un plan de redressement draconien, ou vente de l'affaire à des partenaires susceptibles de débloquer immédiatement 1 400 000 francs ; l'état de cessation des paiements de la société CATV a nécessairement été connu de Daniel Z... dès les premiers pourparlers du mois de septembre 1979 ; qu'en effet les comptes lui ont été présentés ; que le double fait qu'on attendait de lui un apport d'argent frais de 1 400 000 francs et qu'on acceptait de céder, à lui-même et aux membres de sa famille, la quasi totalité des actions pour le franc symbolique était un sûr indice de la situation désespérée de l'entreprise ; qu'au moment où il a traité les actes litigieux Daniel Z..., devenu président directeur général de la société CATV, n'a pu manquer de prendre connaissance de la délibération du conseil d'administration du 28 août 1979 décidant le dépôt de bilan et a été informé par ses collaborateurs et notamment par le chef comptable de tous les éléments de la situation financière de l'entreprise ; Daniel Z... était totalement incapable de disposer de la somme de 1 400 000 francs que les experts de Chrysler France estimaient-bien imprudemment-suffisante pour relancer le CATV ; " alors que l'état de cessation des paiements de la société et la connaissance par le prévenu de cet état, éléments constitutifs du délit de banqueroute, doivent s'apprécier à la date des faits qui sont reprochés à celui-ci ; qu'en s'attachant essentiellement à la situation de la société antérieurement au rachat de celle-ci par Daniel Z... sans rechercher si les mesures d'accompagnement du plan de reprise tels que le gel d'une partie du passif et l'apport d'une somme de 1 200 000 francs grâce aux concours des frères X... n'étaient pas de nature en novembre 1979, date des actes litigieux à permettre à la société CATV de faire face à son passif exigible, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes visés au moyen " ; Sur le premier moyen de cassation proposé par Jacques, Georges et Guy X..., et pris de la violation des articles 131-2 et 133-2 de la loi du 13 juillet 1967, 197-1° et 2° de la loi du 25 janvier 1985, 60, 402 et 460 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale ; " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupable de complicité de banqueroute par emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds, et de recel de banqueroute par détournement d'actif et emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds et les a condamnés à la peine de quinze mois d'emprisonnement avec sursis et 100 000 francs d'amende ;

" aux motifs que fin août 1979 avant l'intervention de Daniel Z... le dépôt de bilan de la société CATV était inévitable sauf reconstitution du fonds de roulement par apport de capitaux et mise en place d'un plan de redressement draconien, ou vente de l'affaire à des partenaires susceptibles de débloquer immédiatement 1 400 000 francs ; l'état de cessation des paiements de la société CATV a nécessairement été connu de Daniel Z... dès les premiers pourparlers du mois de septembre 1979 ; qu'en effet les comptes lui ont été présentés ; que le double fait qu'on attendait de lui un apport d'argent frais de 1 400 000 francs et qu'on acceptait de céder, à lui-même et aux membres de sa famille, la quasi totalité des actions pour le franc symbolique était un sûr indice de la situation désespérée de l'entreprise ; qu'au moment où il a traité les actes litigieux Daniel Z..., devenu président directeur général de la société CATV n'a pu manquer de prendre connaissance de la délibération du conseil d'administration du 28 août 1979 décidant le dépôt de bilan et a été informé par ses collaborateurs et notamment par le chef comptable de tous les éléments de la situation financière de l'entreprise ; Daniel Z... était totalement incapable de disposer de la somme de 1 400 000 francs que les experts de Chrysler France estimaient-bien imprudemment-suffisante pour relancer le CATV ; que ces derniers n'ignoraient pas davantage l'état de cessation des paiements de la SA Centre Automobile des Trois Vallées ; " alors que l'état de cessation des paiements de la société et la connaissance par le prévenu de cet état, éléments constitutifs du délit de banqueroute, doivent s'apprécier à la date des faits qui sont reprochés à celui-ci ; qu'en s'attachant essentiellement à la situation de la société antérieurement au rachat de celle-ci par Daniel Z... sans rechercher si les mesures d'accompagnement du plan de reprise tels que le gel d'une partie du passif et l'apport d'une somme de 1 200 000 francs grâce aux concours des frères X... n'étaient pas de nature en novembre 1979, date des actes litigieux à permettre à la société CATV de faire face à son passif exigible, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes visés au moyen " ; Lesdits moyens étant réunis ;

Attendu que pour rejeter les conclusions dont elle était saisie et dire que les prévenus avaient connaissance de l'état de cessation des paiements de la société anonyme Centre Automobile des Trois Vallées (CATV) lorsque Daniel Z... en est devenu le président du conseil d'administration et a contracté avec Jacques, Georges et Guy X..., la cour d'appel relève qu'il est établi par les débats que les opérations qu'elle analyse n'ont été conçues par eux que pour pallier tout à fait momentanément une situation dont ils étaient pleinement informés et qui, caractérisée par les éléments reproduits au moyen, interdisait à la société de se redresser, et en déduit qu'il s'agissait d'actes suicidaires portant gravement atteinte aux droits des créanciers ; Attendu qu'en l'état de ces constatations dont il résulte que les demandeurs savaient que la situation financière de l'entreprise était irrémédiablement compromise, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs des moyens qui doivent être écartés ; Sur le deuxième moyen de cassation, proposé par Z..., et pris de la violation des articles 133-2 de la loi du 13 juillet 1967, 197 2° de la loi du 25 juillet 1985, 402 du Code pénal, 1659 du Code civil et 593 du Code de procédure pénale ; " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de banqueroute par détournement d'actif social ; " aux motif que Daniel Z... ayant de mauvaise foi aliéné à moins de la moitié de sa valeur, au profit des frères X... auxquels il était déjà lié par des relations d'affaires antérieures, l'actif immobilier à seule fin de prendre le contrôle de la SA et de pouvoir par ce moyen sauver une autre société dans laquelle il était intéressé, a commis un détournement d'actif social ; " alors que le détournement d'actif social suppose l'existence d'une disposition sans contrepartie volontaire et définitive d'un élément du patrimoine d'une société en état de cessation des paiements que ne pouvait réaliser en l'espèce la cessation des parts de la SCI assortie d'un pacte à réméré au profit de la société, qui, dans la commune intention des parties, exprimée dans le protocole du 30 octobre 1979, devait permettre à cette dernière de recouvrer la propriété des parts sociales que les frères X... n'ont jamais entendu conserver ; qu'ainsi la cour d'appel, en déclarant le délit constitué nonobstant l'existence de ce pacte de réméré, d'ailleurs réalisé par le syndic, a violé les textes visés au moyen " ; Sur le deuxième moyen de cassation, proposé par les frères X..., et pris de la violation des articles 133-2 de la loi du 13 juillet 1967, 197-2° de la loi du 25 janvier 1985, 60, 402 et 460 du Code pénal, 1659 du Code civil, et 593 du Code de procédure pénale ; " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables de recel d'actif social détourné ;

" aux motifs que Daniel Z..., ayant de mauvaise foi aliéné à moins de la moitié de sa valeur, au profit des frères X... auxquels il était déjà lié par des relations d'affaires antérieures, l'actif immobilier à seule fin de prendre le contrôle de la SA et de pouvoir par ce moyen sauver une autre société dans laquelle il était intéressé, a commis un détournement d'actif social ; que Jacques X..., Georges X... et Guy X..., acquéreurs à vil prix de cet actif immobilier par le biais de la SCI des Trois Vallées, connaissant la situation désespérée des affaires des frères Z... et l'état de cessation des paiements de la SA centre automobile des Trois Vallées, ont sciemment recelé la partie de la valeur desdites immobilisations sociales qu'ils n'ont pas payée, c'est-à-dire au moins 1 450 000 francs, montant de la moins value comptable occasionnée à la SA par l'apport de ses immobilisations à la SCI et par la cession de ses parts de la SCI aux frères X... ; qu'indépendamment même de la connaissance de l'état de cessation des paiements de la SA ils savaient que Daniel Z... ne pouvait disposer à des fins personnelles de l'actif immobilier de la SA dans des conditions aussi désavantageuses pour cette dernière sans commettre un abus des biens et du crédit de la société pénalement punissable en vertu de l'article 437-3° de la loi du 24 juillet 1966 ; " alors que le détournement d'actif social suppose l'existence d'une disposition sans contrepartie volontaire et définitive d'un élément du patrimoine d'une société en cessation des paiements que ne pouvait réaliser en l'espèce la cession des parts de la SCI assortie d'un pacte à réméré au profit de la société, qui, dans la commune intention des parties, exprimée dans le protocole du 30 octobre 1979, devait permettre à cette dernière de recouvrer la propriété des parts sociales que les frères X... n'ont jamais entendu conserver ; qu'ainsi la cour d'appel, en déclarant le délit constitué nonobstant l'existence de ce pacte de réméré, d'ailleurs réalisé par le syndic, a violé les textes visés au moyen " ; Sur le troisième moyen de cassation, proposé par Z..., et pris de la violation des articles 127-3° de la loi du 13 juillet 1967 et 197-1° de la loi du 25 juillet 1985, 402 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale ; " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de banqueroute par emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds ; " aux motifs qu'ayant souscrit, de mauvaise foi, en qualité de président directeur général de la SA centre automobile des Trois Vallées, des actes entraînant pour cette société des charges financières exorbitantes et achevant de la conduire à sa ruine, Daniel Z... doit être déclaré coupable de délit assimilé à la banqueroute simple par emploi de moyens ruineux de se procurer des fonds dans l'intention de retarder la constatation de l'état de cessation des paiements ;

" alors que dans la commune intention des parties telle qu'elle s'est clairement exprimée dans le protocole du 30 octobre 1979 l'opération ne constituait rien d'autre qu'un prêt à intérêt au taux effectif de 11, 5 %, après prise en charge par la SCI de l'impôt foncier, des assurances et des grosses réparations indexées dont le remboursement était garanti par la propriété provisoire des parts de la SCI qui quelle que fût la situation future de la SCI ne pouvait entraîner aucune conséquence permettant de qualifier l'opération d'emploi de moyens ruineux ; qu'ainsi la cour d'appel en statuant comme elle l'a fait au prix d'une analyse des différents actes composant l'opération qui en méconnaît la cause impulsive a violé les textes visés au moyen " ; Sur le troisième moyen de cassation, proposé par les frères X..., et pris de la violation des articles 127-3° de la loi du 13 juillet 1967 et 197-1° de la loi du 25 janvier 1985, 60 et 402 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale ; " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables de complicité de banqueroute par emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds ; " aux motifs qu'ayant souscrit, de mauvaise foi, en qualité de président directeur général de la SA centre automobile des Trois Vallées, des actes entraînant pour cette société des charges financières exorbitantes et achevant de la conduire à sa ruine, Daniel Z... doit être déclaré coupable de délit assimilé à la banqueroute simple par emploi de moyens ruineux de se procurer des fonds dans l'intention de retarder la constatation de l'état de cessation des paiements ; que Jacques X..., Georges X... et Guy X..., ayant contracté avec Daniel Z... es-qualité dans les conditions anormalement onéreuses qui viennent d'être analysées, et ayant versé la somme de 1 194 000 francs à la SA en parfaite connaissance de son état de cessation de paiements, doivent être déclarés complices de ce délit ; " alors que dans la commune intention des parties telle qu'elle s'est clairement exprimée dans le protocole du 30 octobre 1979 l'opération ne constituait rien d'autre qu'un prêt à intérêt au taux effectif de 11, 5 %, après prise en charge par la SCI de l'impôt foncier, des assurances et des grosses réparations indexées dont le remboursement était garanti par la propriété provisoire des parts de la SCI qui quelle que fût la situation future de la SCI ne pouvait entraîner aucune conséquence permettant de qualifier l'opération d'emploi de moyens ruineux ; qu'ainsi la cour d'appel en statuant comme elle l'a fait au prix d'une analyse des différents actes composant l'opération qui en méconnaît la cause impulsive a violé les textes visés au moyen " ; Lesdits moyens étant réunis ;

Attendu que les constatations et énonciations de l'arrêt attaqué, pour partie reproduites aux moyens, et selon lesquelles notamment les conventions passées entre les parties devaient être interprétées d'après leurs conséquences au moment où elles ont été signées et non en fonction de l'exercice chimérique et de toute façon lointaine d'un réméré mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que pour condamner les demandeurs, la cour d'appel a caractérisé en tous leurs éléments constitutifs les délits de banqueroute, de complicité de banqueroute et de recels retenus à leur charge ; Que dès lors, les moyens, qui se bornent à remettre en cause les faits et circonstance de la cause souverainement appréciés par les juges du fond, ne sauraient être accueillis ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE les pourvois


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 87-83803
Date de la décision : 30/05/1988
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

BANQUEROUTE - Banqueroute simple et frauduleuse - Mandataires sociaux - Détournement d'actif social - Emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds - Complicité - Constatations suffisantes.


Références :

Code pénal 402, 460
Loi 67-563 du 13 juillet 1967 art. 131-2, 133-2
Loi 85-98 du 25 janvier 1985 art. 197-1° et 2°

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 27 mai 1987


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 30 mai. 1988, pourvoi n°87-83803


Composition du Tribunal
Président : Président : M.LEDOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1988:87.83803
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