LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le onze mai mil neuf cent quatre vingt huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller DIEMER, les observations de la société civile professionnelle Philippe et Claire WAQUET et Hélène FARGE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ROBERT ; Statuant sur les pourvois formés par :
- Z... Albert,
- Y... Jean,
- X... Marcel,
contre un arrêt de la cour d'assises des LANDES en date du 9 avril 1987 qui, pour coups ou violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, a condamné les deux premiers nommés, à sept ans de réclusion criminelle chacun et le troisième, à quatre ans d'emprisonnement ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la Cour a prononcé sur les intérêts civils ; Vu la connexité, joignant les pourvois ; Vu les mémoires produits ; Sur le premier moyen de cassation commun aux trois demandeurs, pris de la violation des articles 347 et 591 du Code de procédure pénale, ensemble violation du principe de l'oralité des débats ; " en ce qu'il résulte du procès-verbal des débats qu'avant tout débat au fond, le président a décidé qu'il serait passé outre aux débats malgré l'absence du témoin Joséphine A..., " sa déposition orale ne paraissant pas indispensable à la manifestation de la vérité " ; " alors qu'en se déterminant de la sorte avant d'avoir commencé l'instruction à l'audience, le président s'est nécessairement fondé sur la procédure d'instruction préalable et la connaissance qu'il en avait ; qu'ainsi a été violé le principe de l'oralité des débats " ; Attendu que le procès-verbal des débats mentionne que lors de l'appel des témoins a notamment été constatée l'absence de Joséphine A..., sans domicile connu, qui n'avait pu être touchée par la citation ; qu'aucune observation n'ayant été faite par les parties, le président a ordonné " que du consentement de toutes les parties, il sera passé outre aux débats... " ; Attendu qu'il résulte de ces énonciations que la défense a renoncé à l'audition de Josephine A..., laquelle a ainsi perdu sa qualité de témoin acquis aux débats ;
Qu'il n'importe dès lors que pour ordonner qu'il soit passé outre à ceux-ci, le président ait indiqué que sa déposition orale n'était pas indispensable à la manifestation de la vérité ; Que le moyen ne saurait donc être accueilli ; Sur le deuxième moyen de cassation commun aux trois demandeurs, pris de la violation des articles 310, 323 et suivants, 346 et 591 du Code de procédure pénale ; " en ce qu'il résulte du procès-verbal des débats qu'après que le ministère public eut fait connaître son intention de verser aux débats les pièces d'une procédure pénale concernant Z... étrangère aux faits dont la cour d'assises était saisie, le président, sur l'opposition de la défense, a saisi la Cour de l'incident ; " alors que le ministère public, comme la défense, sont libres de verser aux débats toute pièce dont la production leur paraît utile, et que ni le président, ni la Cour ne peuvent interférer dans ce pouvoir ; qu'en ordonnant à la Cour de se prononcer sur la production demandée par le ministère public, le président et la Cour ont excédé leurs pouvoirs " ; Sur le troisième moyen de cassation commun aux trois demandeurs, pris de la violation des articles 310 alinéa 1, 316, 591 et 593 du Code de procédure pénale ; " en ce que, par arrêt incident, la Cour, saisie par le président, a ordonné que seraient versées aux débats les pièces relatives à des condamnations définitives prononcées contre l'accusé Z... ; " alors, d'une part, que seules peuvent être ordonnées les mesures, et en particulier la production de pièces, utiles à la manifestation de la vérité ; qu'en l'espèce l'arrêt incident ne constate pas que les pièces concernant les condamnations-dont il est souligné qu'elles étaient définitives-prononcées contre Z... étaient utiles à la manifestation de la vérité ; que, dès lors, la mesure ordonnée n'est pas légalement justifiée ; " alors, d'autre part, qu'en ordonnant la production aux débats de pièces relatives à des condamnations définitives de l'accusé Z..., cependant que l'arrêt de renvoi n'avait pas retenu la circonstance aggravante de récidive, la Cour a illégalement aggravé la culpabilité de l'accusé auquel a été ensuite refusé le bénéfice des circonstances atténuantes ; qu'ainsi les droits de la défense ont été méconnus ainsi que les règles relatives à la saisine de la cour d'assises " ; Lesdits moyens étant réunis ;
Attendu qu'il appert du procès-verbal des débats que préalablement à l'interrogatoire de Z..., le représentant du ministère public a annoncé son intention de produire aux débats diverses pièces de deux procédures pénales le concernant et terminées par des condamnations définitives ; que sur l'opposition du conseil de cet accusé, le président a, par ordonnance, saisi la Cour de l'incident ; Qu'après audition des parties, cette dernière, estimant que lesdits documents étaient " de nature à éclairer la Cour et le jury sur la personnalité de l'accusé ", a, par arrêt incident, ordonné leur versement aux débats ; Attendu que le même procès-verbal constate que les pièces produites ont ensuite été portées à la connaissance de toutes les parties et qu'un débat contradictoire s'est instauré " au terme duquel la parole a été donnée à toutes les parties ainsi qu'aux accusés entendus séparément les derniers " ; Attendu qu'en cet état, et abstraction faite d'un motif surabondant voire erroné de l'arrêt incident, il n'y a eu ni violation des textes visés aux moyens ni atteinte aux droits de la défense ; Qu'en effet, d'une part, en saisissant la Cour d'un incident relatif à la production de pièces par le ministère public, le président n'a fait qu'user de la faculté que lui confère l'article 310 alinéa 1er du Code de procédure pénale, expressément visé dans son ordonnance ; Que d'autre part, si le ministère public est indépendant dans l'exercice de ses fonctions et s'il peut notamment produire tous les documents qui lui paraissent utiles, il n'a pas été mis obstacle à l'exercice de ses droits ; Qu'enfin les accusés et leurs conseils qui ont eu la parole après le représentant du ministère public ont pu librement combattre ses arguments et discuter les pièces produites ; D'où il suit que les moyens réunis ne sont pas fondés ; Sur le quatrième moyen de cassation commun aux trois demandeurs, pris de la violation des articles 310 et 591 du Code de procédure pénale ; " en ce qu'il résulte du procès-verbal des débats qu'après avoir donné à la Cour et aux jurés connaissance des déclarations d'Yvette X..., le président a demandé aux parties si elles désiraient qu'il soit procédé à la lecture de toute autre pièce du dossier ;
" alors que seul le président peut, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, prendre toute mesure qu'il croit utile pour découvrir la vérité, et en particulier décider ou non, après les débats oraux, de la lecture de telle ou telle pièce du dossier ; qu'ainsi le président ne pouvait s'en remettre aux jurés et aux parties du soin de décider si une telle lecture s'imposait ; qu'en agissant de la sorte, le président a manifestement méconnu son pouvoir " ; Attendu que contrairement aux allégations des demandeurs, le fait par le président de demander aux parties si elles désiraient qu'il soit procédé à la lecture de toute autre pièce du dossier, n'implique nullement de sa part une renonciation à son pouvoir de décider de l'opportunité de la lecture d'une telle pièce ; Que le moyen doit dès lors être rejeté ; Sur le cinquième moyen de cassation commun aux trois demandeurs, pris de la violation des articles 371 et 591 du Code de procédure pénale ; " en ce qu'il résulte du procès-verbal des débats que la Cour statuant sur les intérêts civils a donné la parole en dernier aux accusés ; " alors qu'à l'audience sur les intérêts civils, la parole revient en dernier au ministère public " ; Attendu que les demandeurs ne sauraient, faute d'intérêt, se faire un grief d'avoir eu, à l'audience sur les intérêts civils, la parole en dernier ; Que le moyen doit être écarté ; Et attendu que la procédure est régulière et que les peines ont été légalement appliquées aux faits déclarés constants par la Cour et le jury ; REJETTE les pourvois