LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le dix mai mil neuf cent quatre vingt huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire MARON, les observations de la société civile professionnelle Philippe et Claire WAQUET et Hélène FARGE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ROBERT ; Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Philippe-
contre un arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de POITIERS, en date du 16 février 1988 qui, dans des poursuites exercées contre lui des chefs d'escroqueries, émission de chèques sans provision, recel, faux et usage de faux, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction prolongeant sa détention provisoire ; Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ; Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 191 du Code de procédure pénale, 593 de ce Code, défaut de motifs et manque de base légale ; " en ce que l'arrêt mentionne que la chambre d'accusation était présidée par M. Serre, " président de chambre à la cour d'appel de Poitiers, président titulaire de la chambre d'accusation " ; " alors qu'aux termes de l'article 191 nouveau du Code de procédure pénale, tel qu'il résulte des dispositions de l'article 12-1, immédiatement applicables, de la loi du 30 décembre 1987, le président de la chambre d'accusation est désigné par décret après avis du conseil supérieur de la magistrature ; qu'en cas d'absence ou d'empêchement du président de la chambre d'accusation, le premier président désigne pour le remplacer à titre temporaire un autre président de chambre ou un conseiller ; qu'en l'espèce, les mentions de l'arrêt attaqué ne mettent pas la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que M. Serre a été désigné conformément aux dispositions nouvelles du texte susvisé " ; Attendu qu'il résulte des mentions qu'il contient et des pièces de procédure que l'arrêt attaqué a été rendu par la chambre d'accusation alors que cette juridiction était présidée par " M. Serre, président de chambre à la cour d'appel de Poitiers, président titulaire de la chambre d'accusation " et qu'il avait été désigné en cette qualité le 27 novembre 1987, par l'assemblée générale de la Cour, pour la durée de l'année judiciaire 1988, conformément aux dispositions de l'article 191 du Code de procédure pénale en sa rédaction applicable à cette date ;
Attendu qu'en cet état, la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer que ce magistrat était, à la date de l'arrêt, habilité à présider la chambre d'accusation de la cour d'appel de Poitiers ; Qu'en effet le magistrat désigné conformément aux dispositions de l'article 191 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction antérieure à la loi du 30 décembre 1987, demeure qualifié pour présider la chambre d'accusation jusqu'à la publication, non encore intervenue, du décret de désignation prévu par la loi nouvelle ; Que le moyen, dès lors, doit être écarté ; Et sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 144, 145 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ; " en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de maintien en détention de l'inculpé ; " aux motifs qu'en l'état de l'information, diverses commissions rogatoires sont en cours d'exécution ; que la personnalité de l'inculpé qui a été condamné pour des faits analogues est de nature à faire sérieusement présumer que s'il était fait droit à sa demande, X... serait fort susceptible d'une part, d'exercer des pressions sur les témoins, d'autre part, de contacter ses complices, enfin de ne pas répondre aux convocations du juge d'instruction ; " alors, d'une part, que toute décision statuant sur une demande de mise en liberté doit être motivée par référence aux dispositions de l'article 144 d'après les éléments de l'espèce ; qu'en se bornant à affirmer que des commissions rogatoires seraient en cours d'exécution, hypothèse non prévue par le législateur pour justifier une mesure de détention, la Cour n'a pas justifié légalement sa décision ; " alors, d'autre part, qu'il résulte des dispositions de l'article 144 du Code de procédure pénale que la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsqu'elle est l'unique moyen d'empêcher une pression sur des témoins ou une concertation frauduleuse entre complices ; qu'en énonçant, de façon au demeurant tout à fait hypothétique, que l'inculpé serait susceptible, s'il était mis en liberté, d'exercer des pressions sur les témoins et de contacter ses " complices potentiels ", la chambre d'accusation a violé le texte susvisé " ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction rejetant la demande de mise en liberté de X..., la chambre d'accusation, après avoir rappelé les éléments de l'espèce et l'état de la procédure, relève que " la personnalité de l'inculpé qui a été condamné pour des faits analogues à ceux dont est saisi le magistrat instructeur est de nature à faire sérieusement présumer que s'il était fait droit à sa demande, X... serait fort susceptible d'une part d'exercer des pressions sur des témoins, d'autre part de contacter ses complices potentiels enfin de ne pas répondre aux convocations du juge d'instruction " ; que par ces motifs la chambre d'accusation qui s'est prononcée par une décision spécialement motivée d'après les éléments de fait et de procédure de l'espèce, dans les conditions et pour les cas énumérés aux articles 144 et 145 du Code de procédure pénale, n'a pas encouru les griefs du moyen qui ne saurait, dès lors, être accueilli ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi