LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le trois mai mil neuf cent quatre vingt huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire MARON les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN et GEORGES, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général RABUT ; Statuant sur le pourvoi formé par :
- Z... Denise, veuve X...,
contre un arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, en date du 25 juin 1987, qui, pour pollution de cours d'eau, l'a condamnée à 2 000 francs d'amende ainsi qu'à des réparations civiles ; Vu le mémoire produit ; Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 434-1, 461, 464 et 465 du Code rural, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ; " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme Z... coupable du délit de pollution de rivière ; " aux motifs que la prévenue fait conclure à sa relaxe des fins de la poursuite aux motifs que la procédure serait nulle pour défaut d'affirmation du procès-verbal servant de fondement à la poursuite, que l'article 465 du Code rural, dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits, exigeait, à peine de nullité, que la citation contienne copie de l'acte d'affirmation du procès-verbal dressé par les gardes-pêche, que cependant, aux termes de l'article 461 du même Code cette formalité de l'affirmation n'était pas nécessaire lorsque le procès-verbal avait été rédigé et signé par des gardes commissionnés par décision ministérielle, qu'en l'espèce, tant dans le procès-verbal des 13 et 14 août 1981, que lors de leurs auditions ultérieures par les policiers et le tribunal, les agents verbalisateurs ont toujours fait état de leur qualité de gardes " commissions par l'Administration " ; qu'il n'est nullement démontré ni même allégué que cette qualité ait été usurpée, que c'est donc à bon droit que l'exception de nullité a été rejetée par le premier juge ;
" alors que selon l'article 461 du Code rural seuls les gardes-pêche commissionnés par décision ministérielle sont dispensés d'affirmer les procès-verbaux qu'ils ont eux-mêmes rédigés et signés et que selon l'article 465 l'acte de citation doit contenir copie de l'acte d'affirmation à peine de nullité ; que, dès lors, en écartant l'exception de nullité soulevée par la prévenue au seul motif que le procès-verbal litigieux faisait mention de ce que les gardes avaient été commissionnés " par l'Administration ", mention qui ne permettait d'établir ni l'existence ni la nature d'une décision ministérielle, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles susvisés " ; Attendu qu'il découle de l'arrêt attaqué que les gardes-pêche, auteurs du procès-verbal, base des poursuites, étaient commissionnés par décision ministérielle, et, de ce fait, dispensés de l'affirmation de leurs procès-verbaux ; D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ; Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 434-1, 461, 464 et 465 du Code rural, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ; " en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de faux et déclaré Mme Z... coupable du délit de pollution de rivière ; " aux motifs que le 13 août 1981 les gardes ont constaté que de l'eau usée en provenance des deux petits bassins de décantation de l'entreprise Z... s'écoulait à travers bois jusqu'au ruisseau de La Bathie, ce fait ayant été confirmé par eux lors du transport du tribunal sur les lieux en date du 30 septembre 1982 ; " et aux motifs adoptés du jugement qu'il ressort du procès-verbal incriminé, corroboré par les déclarations faites par les gardes verbalisateurs, d'une part lors du transport sur les lieux du tribunal en date du 30 septembre 1982 et d'autre part sous la foi du serment lors de l'audience du 23 janvier 1984, qu'à la date du 13 août 1981 ils ont vu 2 et non pas 3 bassins de décantation à partir desquels le trop-plein d'eau polluée s'écoulait jusqu'au ruisseau de La Bathie par un chemin formant rigole dont l'existence a été constatée par le tribunal ; " alors que, d'une part, la cour d'appel qui dans un précédent arrêt du 5 octobre 1983 avait annulé la procédure antérieure, ne pouvait fonder sa décision sur les opérations de transport sur les lieux effectuées le 30 septembre 1982 dans le cadre de la procédure annulée ; " alors que, d'autre part, et en toute hypothèse, la cour d'appel qui n'a constaté aucun fait d'écoulement ou de déversement de substances nocives, ne pouvait déclarer la prévenue coupable du délit de pollution de rivière " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'une précédente procédure, ayant donné lieu à un jugement de condamnation de Denise X..., avait été annulée par la cour d'appel, au motif qu'en violation de l'article 465 du Code rural dans sa rédaction alors en vigueur, l'acte de citation ne contenait pas copie du procès-verbal ; que les poursuites ont été reprises, pour les mêmes faits, par une nouvelle citation, et ont abouti à l'arrêt attaqué ; Attendu que s'il est exact que la juridiction du second degré se réfère au procès-verbal du transport sur les lieux ordonné par les premiers juges, alors que celui-ci faisait partie de la procédure annulée, l'arrêt attaqué n'encourt cependant pas la censure de ce chef ; qu'en effet, ladite juridiction, après avoir, par des dispositions non remises en cause par le pourvoi, écarté l'inscription de faux formée par la prévenue contre le procès-verbal précité, s'est, pour retenir la culpabilité de celle-ci, fondée sur le procès-verbal des gardes-pêche ; que celui-ci rapportait que ces agents avaient eux-mêmes constaté l'écoulement dans un cours d'eau, à partir de l'établissement dirigé par Mme X..., de substances nuisibles aux poissons ; que l'annulation des premières poursuites consécutives audit procès-verbal n'avait pas porté atteinte à la force probante que conférait à ce dernier l'article 469 ancien du Code susvisé ; Que dès lors la cour d'appel a justifié sa décision et que le moyen ne peut davantage être admis ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ;